mercredi 31 octobre 2007

Jour 177

Nicolas a dit, Nicolas a fait

Discours du petit Nicolas, le 20 juin 2007 :

"il n’y aura pas de coup de pouce au SMIC parce qu’il aurait un effet négatif sur l’emploi des moins qualifiés et parce qu’à force d’augmenter le SMIC plus rapidement que les autres salaires, on a provoqué la smicardisation de la société française. Cette vérité elle est dérangeante, mais je la dois aux Français. [...] L'injustice, ça serait de continuer comme cela."

Le petit Nicolas, discours du 17 octobre :

"Sur la question des salaires, par exemple, de nombreux Français en ont assez, et je les comprends. Quand on explique à tous les salariés d'une entreprise qu'il n'y a pas de quoi augmenter les salaires en bas, ils sont prêts à le comprendre à condition que l'on n'ait pas dans la même entreprise, au même moment, de quoi augmenter les salaires en haut ! Aucun d'entre nous ne l'accepterait pour lui. Pourquoi voulez-vous qu’on l’accepte pour les autres ? S'il n'y a pas d'argent pour le bas, il n'y a pas d'argent pour le haut. S'il y a de l'argent pour le haut, c’est qu'il doit y avoir de l’argent pour le bas. Sinon on n'est pas dans la société qui croit aux valeurs du mérite et de l’équité."

Le Figaro, 31 octobre 2007 :

"Alors que les députés examinent le projet de budget 2008, ils ont voté mardi le traitement du président de la République, l'alignant sur celui du premier ministre. Cette réforme porte la rémunération du chef de l’Etat à 18.690 euros bruts mensuels (environ 15.000 euros net) contre environ 8.000 euros brut actuellement, soit une hausse de 140%." (mon emphase)

mardi 30 octobre 2007

Jour 176

La chasse continue

Discours de Brice Hortefeux devant l’Assemblée nationale à l’occasion du vote solennel sur le projet de loi relatif à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile :

"En concluant aujourd’hui nos débats, je mesure l’importance de la mission qui nous incombe : en décidant aujourd’hui de la politique d’immigration, nous dessinons le visage de la France d’après-demain. [...] le projet de loi qui vous est soumis va dans le bon sens. Le sens d’une France vigilante, fière d’elle-même, désireuse de préserver son équilibre, mais ouverte à l’autre, accueillante à celles et à ceux qui veulent la rejoindre pour s’y intégrer. Le sens d’une France diverse mais unie, riche de son harmonie."

Sur le site du Réseau Education Sans Frontières :

"vendredi 26 octobre à Sens (Yonne) en fin de matinée, la police arrêtait une ressortissante malienne, Mme Sima et ses deux plus jeunes enfants, Bambo Moussa âgé de 22 mois et Ladji né le 14 juin 2007. L’aîné des enfants, Yamadou, élève à l’école Lucien Cornet, né le 3 janvier 1999, a été arrêté à son tour, à midi alors qu’il revenait chez lui pour le repas. Une souricière, pour parler technique, y avait été dressée pour serrer un gamin de 8 ans. Bravo aux services de police capables de cet exploit. [...] Ils ont été conduits au commissariat puis les enfants ont été séparés de leur mère. [...]

Madame Sima allaitait son dernier né (5 mois). L’allaitement a donc pris fin brutalement pour elle et son enfant ce vendredi matin. Sevrage à la sauvage. Le nourrisson va apprendre le lait maternisé en catastrophe, quant à la mère, le commissariat a donné l’assurance qu’elle pourrait bénéficier des soins d’un médecin en cas de nécessité. Merci pour elle. Ainsi donc, aux yeux de ce gouvernement, il est légitime de placer une mère en garde à vue et ses enfants à l’orphelinat pour des infractions à la législation sur le séjour ? "

lundi 29 octobre 2007

Jour 175

La loi du marché

Cricri Lagarde, le 5 juillet 2007 :

"C’est pourquoi le gouvernement a l’ambition [...] de relancer la croissance [...] en renforçant la concurrence sur le marché des biens et services."

La Tribune, 29 octobre 2007 :

"L'association de consommateurs UFC-Que Choisir dévoile ce lundi matin sa deuxième étude sur les prix de l'eau en France. Elle y souligne que "les prix de l'eau pratiqués dans les grandes agglomérations urbaines sont souvent très abusifs". Selon elle, ce sont le Syndicat des eaux d'Ile-de-France (Sedif), la presqu'île de Gennevilliers (Hauts-de-Seine), qui sont gérés en délégation privée pour la distribution et en régie pour l'assainissement, et Marseille, qui est géré en délégation privée, qui pratiquent les prix les plus "astronomiques" avec des taux de marge respectifs de 58,7%, 55% et 56,1%. [...] "Ces résultats mettent en lumière les bénéfices faramineux réalisés par les deux entreprises, Veolia et Suez, qui se partagent l'essentiel du marché, et témoignent" des inefficacités du service, explique l'UFC Que Choisir. "La clé d'une meilleure gouvernance de l'eau reste dans les mains des élus locaux" qui "lors de la renégociation de leur contrat (...) doivent envisager sérieusement l'opportunité d'un retour en régie publique"." (mon emphase)

samedi 27 octobre 2007

Jours 173 & 174

Pendant ce temps, au cabinet

Christine Lagarde, le 17 octobre 2007 :

"Ce n’est pas à vous que je vanterai les mérites des investissements étrangers pour l’économie de notre pays. Dans un monde de plus en plus compétitif, ces investisseurs, nous devons les écouter, les choyer, et je n’hésite pas à le dire : les séduire. Les investisseurs, ce sont nos clients. Client first, comme on dit dans les écoles d’avocat. "

Le Figaro, 26 octobre 2007 :

"Ainsi une enquête de l’INSEE publiée vendredi révèle l’étendue des disparités. [...] en 2004, la moitié des Français dispose d’un niveau de vie inférieur à 15 766 euros par an. [...] l’étude de l’INSEE souligne le rôle clé des prestations sociales qui atténuent les effets de la pauvreté. Les allocations comptent pour le tiers du revenu disponible des ménages pauvres, contre 5,4% du revenu disponible moyen des ménages."

Les Echos, dépêche AFP du 26 octobre 2007 :

"Le directeur de cabinet de la ministre de l'Economie et des Finances Christine Lagarde, Stéphane Richard, s'est acquitté le 12 octobre dernier d'un redressement fiscal d'un montant de 660.000 euros [...] ce redressement fiscal comprend "un arriéré d'impôt au titre de l'année 2002, les majorations usuelles ainsi qu'une pénalité de mauvaise foi d'un montant de 5%". Contacté vendredi par l'AFP, Stéphane Richard a confirmé ce chiffre."

vendredi 26 octobre 2007

Jour 172

Biodégradant

Réaction de l'Institut d'Etudes Economiques et Sociales sur le discours de clôture du Grenelle de l'environnement du Nain :

" Ce Grenelle de l’environnement est un véritable Munich de l’écologie politique.
Munich de l’écologie politique car l'idée qu'une « Union sacrée » soit possible autour du sarkozysme sous le prétexte de la défense de l’environnement a finalement triomphé. [...] Dans l'attente du grand soir promis par Sarkozy au nom de sa « révolution verte » et de l'extinction durant cinq minutes de nos ampoules électriques, souvenons-nous que le 22 avril 1970, vingt millions d’américains avaient participé au « premier jour de la Terre », qu’à cette occasion la 5e avenue de New York avait même été fermée à la circulation. Nous avons vu combien cette écologie des bons sentiments est un marché de dupes. Trente ans plus tard, les crises environnementales et sociales sont encore plus dramatiques.

Que penser des mesures prises par le Grenelle officiel ?

On nous parle de geler les constructions d’autoroute et d'aéroports
Cette promesse est un marché de dupes puisque si l'Etat s'est engagé à ne plus augmenter significativement les investissements dédiés au développement de nouvelles capacités routières et aéroportuaires, il a immédiatement ajouté sauf en cas de contournement d'une agglomération, sauf en cas de nécessité liée à un problème de sécurité, sauf en cas d'intérêt local, etc. Que restera-t-il finalement des belles paroles aux nom du réalisme économique ? On fera un peu moins d'autoroutes mais on continuera à développer en priorité le TGV au détriment des TER et de la nécessaire relocalisation de nos activités économiques et de loisirs.

On nous promet une fiscalité verte
Cette promesse est un marché de dupes car le transfert d'une partie de la fiscalité des entreprises sur le carbone aboutira à pénaliser davantage encore ceux qui ont le moins : elle videra les routes des voitures des plus pauvres pour que les riches puissent rouler plus vite. Ce projet d'un bonus/malus a été accepté comme une divine surprise comme si la crise écologique tenait avant tout aux vieilles voitures polluantes des plus pauvres et non à la surconsommation des plus riches et à un modèle de vie écologiquement insoutenable.

On nous promet une loi sur les OGM
Cette promesse est un marché de dupes car le gel annoncé n'est en rien le moratoire exigé par les associations environnementales. Ce gel des cultures de maïs Mon 810 durant l'hiver est une campagne de communication pas gênante pour les bio-technologies puisqu'on ne sème pas durant cette période. [...] Elle entérine les solutions libérales sous forme de dommages et intérêts en cas de pollution. Sarkozy le dit clairement : cette suspension de la culture commerciale des OGM « ne signifie pas que nous devons condamner tous les OGM, et notamment les OGM d'avenir ».

[...]

On nous promet plus de bio dans les écoles
Cette promesse est un marché de dupes puisque la réglementation européenne généralise la bio-industrie contre la véritable agriculture biologique : on n'avancera pas d'un pouce si les aliments bio parcourent la planète avant d'arriver dans les assiettes de nos enfants. Une vraie alternative est de revenir à une cuisine faite sur place, avec des produits locaux, de saison et si possible « bio ».

On nous promet de moraliser la publicité
Cette promesse est un marché de dupes dès lors que l'Etat n'abroge pas la circulaire Lang qui permet à la publicité de pénétrer dans les écoles par les fenêtres tout en demeurant interdite par la porte, tant que l'Etat ne respectera pas la loi en faisant démonter les panneaux illégaux

[...]

On nous promet de diviser par deux les pesticides
Cette promesse est un marché de dupes car sitôt l'annonce faite que cet objectif devrait être atteint en dix ans, on apprend que sous la pression de la FNSEA la date butoir disparait."

Et pour continuer dans le népotisme, une dépêche dans le Figaro du 26 octobre :

"Jean Sarkozy, 20 ans et fils cadet du président de la République, a décidé d'apporter son concours à David Martinon, candidat UMP à Neuilly. « Jean s'implique dans ma campagne, en organisant des réunions de jeunes au café de la Jatte. C'est un soutien actif et précieux », précise David Martinon qui veut succéder à Nicolas Sarkozy à la mairie de Neuilly en 2008."

jeudi 25 octobre 2007

Jour 171

Des bébés et des disques durs

Une dêpéche Reuters dans le Monde :

"Le placement en garde à vue puis en rétention administrative d'un bébé moldave de trois semaines, dans le cadre d'une procédure d'expulsion, a été condamné par la cour d'appel de Rennes, qui considère qu'il s'agit d'un "traitement inhumain et dégradant".

"Le fait de maintenir dans un tel lieu (le centre de rétention-NDLR), une jeune mère de famille, son mari et leur bébé âgé de trois semaines, constitue un traitement inhumain au sens de (...) la Convention européenne des droits de l'homme", écrit la cour d'appel dans un arrêt rendu mardi et révélé par la radio France Info jeudi.

[...]

Après la décision initiale du juge des libertés, le 19 octobre, les deux Moldaves et leur nourrisson ont été abandonnés en pleine rue avec leurs effets personnels, rapporte la presse locale.

Ce sont des policiers qui leur ont porté assistance en organisant leur hébergement dans un foyer."

Toujours dans le Monde du 24 octobre, interview du Prix Nobel de physique 2007 Albert Fert :

"Êtes-vous d'accord avec la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, Valérie Pécresse, qui veut mettre la science "au service de la société" ?

Les chercheurs doivent être conscients des problèmes de société. Les progrès technologiques, les avancées médicales... contribuent bien sûr à la qualité de vie. Mais on ne peut pas imposer une finalité stricte à la recherche. Son parcours n'est jamais linéaire. Il faut laisser la recherche fondamentale se dérouler, les chercheurs suivre leurs idées, en zigzaguant, pour déboucher sur des découvertes et ensuite des applications.

Je n'ai pas démarré mes travaux en me disant que j'allais augmenter la capacité de stockage des disques durs. Le paysage final n'est jamais visible du point de départ."

mercredi 24 octobre 2007

Jour 170

De l'autre côté du miroir

Christine Lagarde, le 10 juillet 2007 :

"Rien ne tisse mieux que le travail des liens entre les hommes, par-delà les hiérarchies sociales [...] Une feuille de paye est le plus sûr garant de la paix, de la paix sociale [...] Cessons d’opposer les riches et les pauvres comme si la société était irrémédiablement divisée en deux clans."

Les Echos, le 24 septembre 2007 :

"Les revenus des patrons français ont encore progressé en 2006, avec pour les 50 mieux payés de France, un revenu moyen de 3,8 millions d'euros sur l'année, soit l'équivalent de 316 années de Smic, indique le mensuel économique Capital jeudi. Ce classement prend en compte les salaires, les avantages en nature (voiture de fonction...) et les plus-values réalisées sur des stock-options.

"En comparaison de la hausse du pouvoir d'achat des ménages ( 2,3%), ils (les dirigeants de grand groupes français) se sont accordés l'an dernier des augmentations de Père Noël, jusqu'à 25% pour les mieux lotis""

En 2006, la DARES (Direction de l'Animation de la Recherche, des Études et des Statistiques du ministère de l'Emploi) a publié un rapport sur le SMIC :

3,3 millions de salariés au smic dans l'ensemble de l'économie (avec la progression suivante par rapport au nombre total de salariés : 14,1 % en juillet 2003, 15,3 % en juillet 2004 et 16,3 % en juillet 2005.)

mardi 23 octobre 2007

Jour 169

MAM visite Montluc

MAM inaugure l'Hôtel de police Lyon-Montluc le 22 octobre 2007 :

"Pour répondre aux risques d'aujourd'hui et aux défis de demain, la France a besoin d'un grand ministère moderne de la sécurité intérieure.[...] Vous devez bénéficier d'outils dignes d'une police du 21ème siècle. Vous les aurez.[...] La technologie des fichiers automatisés des empreintes digitales (FAED) et des empreintes génétiques (FNAEG), sera adaptée à l'accroissement considérable du volume de données traitées.[...] Les équipements de terrain seront améliorés. Les terminaux embarqués seront mis en place à grande échelle dans les véhicules, les dotations en armes non létales, pistolet à impulsion électrique ou lanceurs de 40 mm polyvalents, seront augmentées de façon très significative. [...] Les drones "ELSA" (engin léger de surveillance aérienne), nettement moins onéreux que des hélicoptères, sont particulièrement utiles à la surveillance à l'occasion de grands rassemblements, de certaines opérations complexes, à la recherche de malfaiteurs, à la gestion des flux de circulation. [...] Un programme d'ampleur permettra, d'ici fin 2009 le triplement des caméras dans des espaces publics et le renvoi d'images vers les services de police ou de gendarmerie. [...]les activités regroupées dans la direction centrale du renseignement intérieur [maintiendra] l'indispensable maillage serré du territoire.[...] Ensemble nous construirons ce grand ministère moderne de la sécurité."

Parmi les nombreuses conclusions du rapport de l'association Statewatch :

"Les gouvernements semblent ignorer le fait que les moyens choisis pour combattre le terrorisme : intervention militaire, renforcement du pouvoir de la police, [...] contrôle de l'immigration , propagande et manipulation des médias nourrissent l'anxiété et la peur au sein de la société"

A moins qu'une société vivant dans la peur soit une bonne chose pour certains.

lundi 22 octobre 2007

Jour 168

Journée mondiale du pipeau

Discours de Nicolas, le 17 octobre, journée mondiale du refus de la misère :

"Je voudrais dire en tant que Président de la République qu’il n'y a pas de honte à être démuni. La seule honte, c'est d'oublier la fraternité.

[...]

La fraternité, c’est d’abord la solidarité, la compréhension et le respect.

[...]

Donner l'énergie de s'en sortir à ceux qui n'en ont plus la force. Donner à chaque homme le sentiment de sa propre dignité, tel est le sens de mon action."

Communiqué de la Ligue des Droits de l'Homme :

"Ainsi en 4 heures, une centaine de Roumains et de Bulgares ont été expulsés ; dans cette précipitation, quatre enfants dont un de 10 ans ont même été scandaleusement oubliés seuls sur place…"

Lettre de l'Observatoire International des prisons :

"En premier lieu, la capacité de mouvement en cellule est réduite à l’extrême, au-delà de ce qui est supportable pour une personne humaine. [...] la surface totale d'une cellule hors sas d'entrée est de 8,21 m² au quartier disciplinaire hommes et 7,59 m² au quartier femmes. Toutefois, l'espace de mobilité de la personne sanctionnée est dérisoire puisque [...] la surface de déambulation est de l'ordre de 4, 15 m². Force est de constater que la personne se retrouve donc maintenue, 23 heures sur 24, pour une durée pouvant atteindre un mois et demi, dans une situation qui s'apparente à celle d'une bête en cage. Cette comparaison n'est malheureusement pas d'ordre rhétorique dès lors que la surface minimale fixée par la réglementation pour la détention de chiens de chenils est de 5m² par animal." (mon emphase)

Un communiqué du Syndicat de la magistrature :

"La Ministre de la Justice annonce la suppression brutale de plus de 200 tribunaux d’instance sur les 473 existants. [...] Proche de vous et de vos préoccupations, cette juridiction traite des « petites affaires » du quotidien. Vous pouvez y accéder gratuitement et sans avocat. Vous pouvez saisir le juge par simple déclaration au greffe et obtenir un rendez-vous facilement pour évoquer votre situation. Les tribunaux supprimés le seront sur la base de critères uniquement quantitatifs sans égard pour les populations, les territoires concernés et l’activité réelle de ces juridictions."

samedi 20 octobre 2007

Jours 166 & 167

La fabrique du consentement en 10 leçons

Sur l'excellent site des Actualités de la recherche en histoire visuelle de l'EHESS :

"Car la question n'est pas du jour de l'annonce, mais bien de la patiente mise au point d'une figure inédite sous la Ve République, celle du divorce d'Etat. Un obstacle majeur transformé par Cécilia Sarkozy en couronnement moderniste.

C'est aujourd'hui la couverture de Elle qui nous dit tout. Que la séquence de la divulgation était préparée de longue date, comme la séance photo avec Philippe Warrin le 11 octobre dernier. Qu'il a fallu accélérer un peu les choses à la dernière minute: la date de sortie de l'hebdo était prévue pour lundi (le scénario initial reposait peut-être sur l'hypothèse d'une coupe du monde de rugby gagnée par la France). Et que c'est bien Elle qui est, depuis le début, le maître d'oeuvre d'une figure ciselée avec autant d'art que les principaux rendez-vous de la campagne victorieuse de son ex-mari.

Je garde précieusement l'enregistrement du 20 heures de France 2 du jeudi 18 octobre. Ce contributeur essentiel de l'histoire officielle du régime nous a gratifié d'une magnifique constitution de récit, que seuls les historiens peuvent apprécier à sa juste valeur. Qu'y avons-nous vu? Des images que nous connaissions bien. Nicolas et Cécilia au ministère de l'Intérieur, la Guyane, la campagne présidentielle, l'intronisation en famille, le G8, les infirmières bulgares, etc. Les mêmes images. Mais avec une autre légende. Un récit retourné comme un gant. Le spectacle d'un dissensus grandissant, manifeste à toutes les étapes, qui nous aurait fait tomber de notre chaise si on nous l'avait livré tel quel. Mais qui, posé sur ces images familières, semblait en lisser et comme en préciser une signification sous-entendue depuis longtemps.

Du grand art. Vu sous cet angle, l'accident familial qui représentait hier encore un risque majeur pour un responsable politique devient un gage de modernité, une manifestation de transparence, un signe de modestie et d'acceptation du destin. Pour un peu, une obligation bienvenue. A tous ceux qui pensent qu'une telle lecture s'impose d'elle-même, on rappellera les dégâts causés à l'image de Ségolène Royal comme à celle de François Hollande par les aléas d'une divulgation bien plus chaotique, dans son timing, son schéma interprétatif ou ses rebonds médiatiques."


vendredi 19 octobre 2007

Jour 165

Sondages sans frontières

Pour une analyse du traitement de la gréve par les médias, un petit tour par l'Acrimed :

"« La France prise en otages » (France Soir), « Une majorité de Français contre la grève » (Le Figaro avec une photo de quai de gare bondée), « Jeudi noir dans les transports » (en « une » du Monde.fr), « C’est parti pour la grande galère » (en « une » du site internet de RTL) : Le 17 octobre, à la veille de la journée d’action, les titres de la plupart des titres de presse écrite ou des sites Internet d’information recyclent une nouvelle fois les expressions éculées (voir en « Annexe »), les commentaires prémâchés et hostiles aux salariés en lutte, mais de rigueur par temps de mobilisations sociales"

Ainsi que dans cet autre article :

"Parmi les pourcentages livrés par les sondages, les journaux mettent en avant ceux qui les arrangent : s’ils sont favorables au mouvement, ils trouveront le pourcentage qui indique que « l’opinion publique » est pour les grévistes tandis que s’ils soutiennent le gouvernement, ils titreront sur un pourcentage moins favorable. Le mouvement de grève annoncé du jeudi 18 octobre n’a pas fait exception. L’Humanité du mercredi 17, s’appuyant sur un sondage de l’institut CSA, titrait ainsi, en gros caractères, en première page : « 54% des Français soutiennent la grève » tandis que Le Figaro du même jour titrait à l’inverse [...] Quitte à céder à cette pratique, pourquoi la limiter aux seuls mouvements sociaux, [...] ? S’il devait en être ainsi, c’est toute la politique qu’il faudrait, pour être équitable, soumettre à ce régime. Pourquoi, en ce jour de grève, ne pas avoir fait faire des sondages pour savoir ce que les Français pensent, non pas de la grève, mais, par exemple, des récentes mesures fiscales en faveur des classes privilégiées ou de la pratique des stocks options par les dirigeants des entreprises ? Lirait-t-on alors, dans la presse, en gros titres en première page, sondages à l’appui, que les Français sont « contre » parce que ces mesures et ces pratiques défendent des « intérêts catégoriels » (ou, plus simplement, des intérêts de classe) ?"

jeudi 18 octobre 2007

Jour 164

Un nain profane une tombe

Henri Guaino, conseiller spécial de Nicolas est intervenu sur RTL, le jeudi 18 octobre 2007 :

"Henri Guaino s'était montré beaucoup plus virulent à l'égard des enseignants qui ont annoncé qu'ils refusaient de lire cette lettre [de Guy Moquet]. Le conseiller spécial de Nicolas Sarkozy les accuse d'avoir "une attitude purement politicienne" et de se livrer à "une prise en otage corporatiste, idéologique". "Tout ça est très triste mais amène à s'interroger sur ce que doivent être au fond à la fois l'éthique et les devoirs d'un professeur dont la nation a payé des études, dont la nation paie le salaire et auquel la nation confie ses enfants""

Article dans Libération le 11 septembre 2007, écrit par Pierre Schill, professeur d’histoire-géographie à Montpellier, Membre du comité de vigilance face aux usages publics de l’histoire :

"Il s’agira grâce à cette «lettre poignante» de mettre en scène une mort édifiante pour notre jeunesse, de parler «sacrifice», «offrande», «amour», mais non de revenir sur les raisons de cette mort en disant que Guy Môquet et ses vingt-six camarades ont d’abord été désignés aux Allemands comme «communistes». Un «gros mot» que la circulaire ministérielle évite soigneusement [...] le condamné écrivait dans son dernier billet à Odette Leclan : «Je vais mourir avec mes vingt-six camarades.» Pourquoi remplacer le «camarade» des communistes par le «compagnon» des gaullistes ?"

L'Humanité le 12 septembre 2007 :

"Par respect pour la mémoire de Guy Môquet, j’essayais d’être le plus consensuel et le plus « patriote » possible. Rien à faire ! Ça ne marchait pas. [...] la légende nous ramènent aussi à l’univers familial, social, culturel et politique de Guy Môquet. [...] les jeunes « pionniers » du XVIIe qui, comme Guy, vendent l’Huma et la Vie ouvrière sur les trottoirs [...] On redécouvre aussi [...] des syndicalistes en costume, un peu graves, comme Jean-Pierre Timbaud, patron de la fédération des métaux, qui sera fusillé lui aussi. Tous ces hommes et toutes ces femmes sont debout, et joyeux. Ils participent d’une culture, d’une tradition, d’une fidélité encore vivante. On chante le Temps des cerises… Avant de mourir, Timbaud apostrophera un soldat allemand dans cet esprit : « Je ne suis qu’un ouvrier mais ma cotte est plus propre que ton uniforme. » [...] Rien de tout cela, rien de l’univers ouvrier dont Guy Môquet était le produit ne peut décidément « coller » avec le Fouquet’s, les vacances de milliardaire, le goût du clinquant, les yachts de Bolloré"

mercredi 17 octobre 2007

Jour 163

Les chasses du comte Nicolas
Les Echos, 17 octobre :

"Les agents de l'ANPE et des Assedic viennent de recevoir la consigne de vérifier la légalité du séjour des étrangers venant s'inscrire au chômage. L'entourage de Brice Hortefeux précise qu'il s'agit de « lutter contre la fraude ». [...] Le syndicat FO de l'ANPE a dénoncé une « nouvelle mission d'auxiliaire de police » confiée aux agents ANPE, tandis que SUD a évoqué une « chasse aux étrangers »."

mardi 16 octobre 2007

Jour 162

Nicolas et Pimprenelle

Un communiqué du Syndicat de la Magistrature, le 16 octobre :

"Par une note du 17 septembre 2007, la ministre de la justice lance une expérimentation, sur la base du « volontariat », visant à "confier à deux juges des enfants distincts les procédures civiles et pénales concernant un même mineur". Deux postulats justifient cette expérimentation : « l’ambiguïté » qu’il y aurait pour un mineur et ses parents à avoir affaire au même juge au titre de la protection et de la délinquance [...] Cette expérimentation constituerait une nouvelle étape vers l’abandon de la priorité éducative dans la réponse à la délinquance des mineurs et le prélude à l’éviction du juge des enfants du dispositif de protection de l’enfance en danger, au profit d’un modèle purement administratif."

lundi 15 octobre 2007

Jour 161

Pétard mouillé

Le petit Nicolas, le 23 avril 2003, au Sénat :

"Je souhaite donc que notre engagement soit de nouveau clair et connu de chacun. Nous ne voulons pas organiser l'usage des drogues, mais bien le voir diminuer et cela quelle que soit la nature des drogues consommées et la fréquence de cet usage. [...] Il est évident que pour réduire l'usage des drogues parmi nos concitoyens, nous allons faire la guerre aux trafiquants."

Les conclusions de Richard Brunstrom, haut responsable de la police Britannique dans l'Independent, le 15 octobre 2007 :

"- La politique de la Grande-Bretagne en matière de drogue a été fondé sur la prohibition pendant des décennies, mais ce système n'a pas très bien fonctionné. Les drogues illégales sont nombreuses et sont devenues de moins en moins chères au fur et à mesure des années.

-Le nombre de consommateurs a augmenté de façon vertigineuse. [...] Les profits énormes dégagés par le trafic ont alimenté le crime organisé.

-La classification des drogues [...] est indéfendable, inefficace, bourrée d'erreurs et ouverte aux manipulations politiques. De plus ce système, exclue encore de façon illogique le tabac et l'alcool.

-M. Brunstrom déclare : "Si la politique concernant les drogues est fondée sur le pragmatisme et non le moralisme, conduite par l'éthique et non le dogme, alors la politique prohibitionniste actuelle devra être balayée, car elle est irréalisable et immorale [et laisser la place à] la légalisation et la gestion de toutes les drogues."

samedi 13 octobre 2007

Jours 159 & 160

Objection rejetée

Le Monde, samedi 13 octobre 2007 :
"Depuis son entrée en vigueur, à la mi-août, la loi sur la récidive a semé la consternation chez beaucoup de magistrats. "Le ministère public, ce n'est pas le ministère de la prison à tout prix, s'indigne le vice-procureur d'une grande juridiction du Sud-Ouest. La loi du 10 août remet en cause le principe fondamental de l'individualisation de la peine. Du coup, on arrive à des sanctions absurdes : j'ai vu en comparution immédiate un jeune homme de 20 ans qui a acquis 2 grammes de cannabis en récidive pour sa consommation personnelle. La peine plancher est de quatre ans ferme : c'est totalement disproportionné !" [...] Avant l'instauration des peines planchers, les magistrats prenaient en compte ces disparités en adaptant les peines à la gravité des faits. Avec la loi du 10 août, ce travail d'orfèvre est terminé : sauf exception, l'infraction suffit désormais à définir la peine. Depuis que ce texte est entré en vigueur, beaucoup de magistrats ont l'impression de distribuer sans discernement des peines quasi automatiques. [...] beaucoup de magistrats craignent que, au fil des ans, les peines planchers se généralisent et finissent par miner le sens même de la peine. "Pour qu'une sanction soit juste et utile, il faut qu'elle soit acceptée par le délinquant, souligne François Lebur, vice-président au tribunal de Bordeaux. Nous avons eu à juger, cet été, un SDF qui avait volé un parapluie dans une voiture. Pour une récidive légale de vol avec effraction, la loi prévoit une peine plancher de deux ans de prison ferme. Comment voulez-vous qu'une sanction aussi disproportionnée ne crée pas de la colère et de la révolte chez les détenus ?""

Communiqué du Syndicat de la Magistrature, le 10 octobre 2007 :

"Après avoir installé à grand renfort médiatique une vaste « consultation nationale » chargée de réfléchir à une refonte de la carte judiciaire, Rachida Dati refuse de rendre publiques les propositions des chefs de Cour d’Appel et de réunir le comité consultatif, dans le mépris total de la réflexion engagée, à sa demande, tant au niveau national qu’en région. [...] Il semble ainsi acquis que la seule ambition de la chancellerie soit de supprimer purement et simplement les juridictions de proximité [...] sans égard pour les populations, les territoires concernés et l’activité réelle de ces tribunaux. [...] [Le Syndicat de la Magistrature] considère que le refus du garde des Sceaux de présenter globalement sa réforme marque son refus d’assumer toute critique."

vendredi 12 octobre 2007

Jour 158

Le prix du danger

Le Figaro, le 12 octobre 2007 :

"les membres de la commission Attali sur la croissance sont tombés d'accord « à une quasi-unanimité », pour demander au président de la République de reconsidérer la question du principe de précaution. [...] Charte dont l'article 5 stipule que « lorsque la réalisation d'un dommage (...) pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution (...) à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage » [...] Les membres de la commission Attali y voient un frein majeur à la croissance. « Pour croître, notre économie ne peut plus se contenter de copier le modèle américain, comme au cours des Trente Glorieuses, elle doit innover », résume l'un des économistes de la commission. « Or dans l'innovation il y a forcément une part d'incertitude, un risque à assumer. »" (mon emphase)

Un article de l'économiste Michel Husson :

"Dans un point de vue publié sur le site de l'OFCE Henri Sterdyniak évalue le coût des avantages spécifiques des régimes spéciaux à moins de 2 milliards (650 millions à EDF-GDF, 500 millions à la SNCF et 200 millions à la RATP). Mais la réforme ne concerne ici encore que les futurs retraités, relativement peu nombreux. Elle permettrait au mieux « un gain de 200 millions la première année, qui pourrait atteindre 1 milliard en 5 ans, 2 milliards à terme. Aussi, l'enjeu financier est-il faible ». Indépendamment du débat sur l'équité que la désignation à la vindicte publique de boucs émissaires ne permet pas de poser correctement, le constat est le même : beaucoup de bruit pour rien. [...] Une fois la question des régimes spéciaux réglée, la voie sera libre pour cette « troisième réforme des retraites » évoquée par Sarkozy dans son discours de politique sociale. La durée de cotisation sera à nouveau allongée pour tout le monde"

jeudi 11 octobre 2007

Jour 157

Une vie pleine d'occupation(s)
Le Figaro, 9 octobre 2007 :

"Les juges d’Agen ont appliqué strictement la nouvelle loi sur les peines plancher contre un jeune voleur récidiviste de 20 ans.[...] Il a été condamné à Agen à 2 ans de prison ferme pour le vol d'une clé USB et d'un lecteur MP3, ainsi que le recel d'un téléphone portable."

Libération, le 11 octobre 2007 :

"Convoqués au téléphone par le Conseiller principal d'éducation (CPE) du collège de leur enfant, deux parents d'élèves se sont rendus dans l'établissement [...] A leur arrivée au collège Utrillo, dans le XVIIIe arrondissement de Paris, c'est l'incompréhension: aucun des trois CPE du collège ne leur a passé de coup de fil pour leur donner rendez-vous. Le couple repart, quand des policiers en civil sortent d'une voiture et leur passent les menottes, direction le commissariat. Interpellé par l'un des CPE qui tente de s'interposer, l'un des policiers lui explique qu'il s'est effectivement fait passer pour le collège pour piéger les parents."

Michèle Alliot-Marie au salon Milipol, le 9 octobre 2007 :

"Aussi, les commissariats qui constituent en quelque sorte la cellule de base de la politique de la sécurité bénéficieront-ils dans un avenir proche :

- des techniques de biométrie
- d'engins légers de surveillance aérienne
- d'un accès automatisé, via une borne, au fichier national des empreintes digitales
- de système de géolocalisation des véhicules
- du dispositif de lecture automatisée des plaques d'immatriculation
- de matériels permettant de lutter contre la cybercriminalité.

Consciente de l'ampleur des défis, j'ai tenu à ce que le budget 2008 du ministère comporte une dotation d'investissement d'1 milliard d'euros."

Ligue des Droits de l'Homme :

"Intervention de Dominique Guibert, membre du Bureau national de la LDH

Nous sommes aujourd’hui ensemble réunis pour fêter l’ouverture de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration. Ensemble, oui, mais manifestement pas tous ensemble ! En effet, je n’ai pas à m’adresser à ces plus hautes autorités de l’Etat qui comme il est d’usage en de pareilles circonstances sont protocolairement requises. Je n’ai pas à dire, Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Madame la par ci, Monsieur le par là. Prenons la mesure de ce fait : un établissement public national, du même statut que cette Cité de l’architecture récemment inaugurée, ou bien encore semblable au Musée du Quai Branly ne bénéficie pas de cette attention qui fait d’une action publique un événement politique."

mercredi 10 octobre 2007

Jour 156

Amnésie
Un message du Comité de vigilance face aux usages publics de l’histoire sur le site de l'Ecole des hautes études en sciences sociales :

"Le 22 octobre prochain, la lecture de la dernière lettre de Guy Môquet sera l’occasion de ce qui pourrait passer pour une cérémonie de plus, dans le Panthéon résistant. Il n’en est rien : c’est un véritable programme commémoratif que le Bulletin officiel de l’Education Nationale du 30 août organise dans les lycées. Promotion soudaine d’une figure patriotique, présentée comme exemplaire, place centrale accordée à l’Ecole pour la lecture d’une « lettre », dimension strictement nationale de la célébration : tout cela n’est pas sans susciter des interrogations sur les causes profondes de cette fabrique à « flux tendu » d’un héros pour la jeunesse.

La rapidité de la découverte puis de la promotion de Guy Môquet par le candidat Sarkozy devenu chef de l’Etat ont de quoi surprendre. Jusqu’au printemps 2007, la principale figure célébrée par le leader de l’UMP était Georges Mandel, homme de droite assassiné par la Milice parce que juif, au lendemain de l’exécution du collaborateur Philippe Henriot par la Résistance. Pourtant, dès le 15 mai, le premier geste du nouveau pouvoir consiste à réinventer la mémoire résistante : la dernière lettre de Guy Moquet, promue au rang d’Archive exemplaire, est surajoutée à la commémoration des Fusillés de la Cascade du Bois de Boulogne. Image de l’Emotion officielle, objet de la « première décision » présidentielle, elle devient une véritable affaire d’Etat : désormais, elle devra être lue solennellement dans chaque lycée à chaque rentrée scolaire. L’hommage posthume fait à Guy Môquet incarne l’« ouverture mémorielle » qui annonce l’ouverture politique.

Cet usage politique n’est pas anodin : il entraîne des effets pernicieux sur la connaissance du passé ainsi instrumentalisé : Guy Môquet semble se résumer à sa mort, à l’invocation de la famille et de la patrie qui ponctuent sa dernière lettre. La Résistance est réduite à la seule perspective du sacrifice. Ainsi la spécificité du combat de Guy Môquet est-elle éludée : le caractère communiste de son engagement, la singularité de son courage au moment où le Parti Communiste, interdit par la République dès 1939, ne résistait pas encore officiellement, sont escamotés. De même, son arrestation par la police française, l’intervention des autorités de Vichy qui désignent spécifiquement parmi les otages une liste de militants communistes à fusiller sont passées sous silence. Toutes les singularités et les complexités de la Résistance disparaissent derrière l’écran blanc d’une dernière lettre sortie de son contexte.

On pourrait supposer que les enseignants chargés de lire la lettre aient précisément pour tâche de restituer ce contexte et ces enjeux. Mais la façon dont la cérémonie est prévue par le texte et déjà organisée en plusieurs lieux montre qu’il n’en est rien : tout est fait pour que l’École fabrique un mythe patriote en lieu et place d’une interrogation critique, aussi chargée d’émotion puisse-t-elle être. C’est en effet une véritable cérémonie de monument aux morts qui est prévue dans un certain nombre d’établissements, inventée pour l’occasion. Le public scolaire dont on attend le « recueillement » y préfigure celui du 11 novembre, les Résistants occupent la place des Anciens Combattants et la lettre celle du monument funéraire. Entre usage rugbystique de la lettre et cérémonie scolaire, tout se passe comme s’il s’agissait de mettre en place des bataillons de la mémoire dont les enseignants seraient les nouveaux « hussards noirs », au service d’une mémoire aussi étroitement nationale que largement amnésique.

La place donnée à l’Ecole dans cette cérémonie et les formes suggérées pour son organisation indiquent une double visée : restauration de l’ordre social et restauration de l’unité nationale. L’ordre cérémoniel est la traduction sous forme rituelle de la Lettre aux éducateurs envoyée par le même donneur d’ordres ; restauration de la hiérarchie, des « valeurs » et du vouvoiement : Guy Môquet le militant est utilisé à contre-emploi. Le message présidentiel n’en a cure, il soumet l’histoire à son usage par ses directives très claires : « aimez la France car c’est votre pays et que vous n’en avez pas d’autre. » On ne peut mieux indiquer l’usage politique ainsi visé : l’union sacrale dont l’Ecole doit être la garante permet d’effacer toute « tache » mémorielle : de la responsabilité de l’Etat français dans la déportation et l’extermination des Juifs à la non reconnaissance des massacres coloniaux, de la répression du 17 octobre 1961 à l’oubli des anciens combattants « ex colonisés », etc. On peut observer une singulière concomitance entre la monumentalisation de la figure de Guy Môquet dans une cérémonie scolaire et les remaniements des programmes d’histoire des filières techniques qui font disparaître comme thèmes d’enseignement aussi bien Vichy que les guerres d’Indochine et d’Algérie ; entre la réinvention d’une mémoire résistante purement nationale et unanime et les créations successives d’une Fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie et d’un Institut d’études sur l’immigration et l’intégration, sur fond de projets de musées régionaux tendant à exalter l’œuvre coloniale de la France. On peut enfin trouver que la célébration de l’amour exclusif de la patrie devant un public de lycéens comprenant des élèves sans-papiers que le Gouvernement entreprend d’expulser confère à cette cérémonie un caractère objectivement cynique.

Le chef de l’Etat a annoncé publiquement vouloir la « fin de la repentance », ce qui signifie le refus de reconnaître désormais de façon officielle la responsabilité de la France sur la scène publique et la volonté explicite de mettre fin à tout débat à ce sujet. Célébrer la figure sacrificielle d’un Guy Môquet purement patriote, c’est recréer un culte unanimiste de la nation en lieu et place de toute interrogation critique sur la mémoire nationale, en escamotant les enjeux les plus actuels de la recherche et de l’enseignement de l’histoire. Chaque acteur de l’espace scolaire jugera de l’attitude qui lui paraît la plus juste, mais il ne nous apparaît pas possible, en tant qu’enseignants comme en tant que chercheurs, de cautionner d’une façon ou d’une autre une telle contrefaçon mémorielle.

le CVUH"

mardi 9 octobre 2007

Jour 155

Culture de masse

Les Echos, le 9 octobre 2007 :

"Christine Albanel, la ministre de la Culture et de la Communication, a annoncé hier à Cannes, à l'occasion de l'ouverture du Mipcom, le Salon annuel des contenus audiovisuels, la mise en chantier d'une vaste réforme de l'audiovisuel français. [...] Christine Albanel n'a pas caché être favorable à davantage de publicité sur le petit écran [...] Troisième chantier, et non des moindres, celui de l'évolution des règles anti-concentration. [...]Le gouvernement souhaite, ni plus ni moins, favoriser l'émergence de grands groupes de médias français, présents en télévision, en radio, en presse et dans l'Internet"

Communiqué de la Fédération Internationale des Journalistes :

"La confiance du public et des utilisateurs des services d’information s’érode et il existe une impression croissante que le journalisme ne parvient plus à remplir son rôle de « chien de garde » de la société, et ce en raison des intérêts qui régissent l’industrie des médias.

[...]

Quelques problèmes majeurs sont:

[...]

Le pouvoir aux mains d’une minorité : une poignée de groupes mondiaux de médias étend son emprise économique et culturelle à travers l’acquisition de centres de loisirs, des télévisions, des entreprises d’édition, de musique et même de théâtre. La dérèglementation a stimulé le pouvoir économique des multinationales des médias, mais aussi leur pouvoir politique. Ils exigent de plus en plus de facilités légales sur la propriété, ils dépensent des sommes énormes en donations publiques et en pressions sur les politiciens.

La concentration soutenue par les lois nationales : La plupart des gouvernements de pays développés ont adopté -ou sont en train de le faire- des législations pour accélérer le processus de concentration. Les menaces à l’encontre de la diversité et du pluralisme de nos médias n’ont jamais été aussi importantes, et la concentration des médias a également un impact sur la qualité du travail des journalistes.

La FIJ estime que le marché en tant que tel ne peut pas protéger le pluralisme et la diversité. Le public a besoin d’être informé correctement et les services d’information doivent être régulés au-delà des impératifs d’audience, de profits ou d’objectifs commerciaux."

lundi 8 octobre 2007

Jour 154

Airstrip 2

Interview de Nicolas accordée au New York Times :

"Je suis prêt à expliquer que pour empêcher l'Iran d'avoir l'arme nucléaire, il faut renforcer les sanctions."

Der Spiegel, 24 septembre 2007 :

"Le ministre des affaires étrangères allemand, Frank-Walter Steinmeier va s'opposer à la demande de la France de sanctions Européennes contre l'Iran. [...] le département économique du ministères des affaires étrangères allemand a réuni des informations que Steinmeier va utiliser pour étayer ses arguments contre les sanctions européennes. Plusieurs compagnies françaises des secteurs automobiles, de l'énergie et de la finance, incluant Peugeot, Renault, Total, BNP Paribas et la Société Générale n'ont pas vraiment réduit leur activité en Iran"

dimanche 7 octobre 2007

Jours 152 & 153

Justice à deux vitesses

Communiqué du syndicat de la magistrature :

"Le 4 octobre, au moment même où éclatait le scandale d’un délit d’initiés présumé de la part de certains dirigeants d’EADS, la ministre de la Justice a installé le « groupe de travail sur la dépénalisation de la vie des affaires ».

Madame Dati a notamment indiqué à cette occasion : « Le constat a été fait de longue date d’un risque pénal excessif . Ce risque entrave l’activité économique. Il est un frein à son développement (...) Il pèse sur l’attractivité économique de la France. Les règles de droit sont l’un des critères de l’attractivité. Si elles sont trop nombreuses, trop contraignantes ou pas assez lisibles, les entreprises investissent ailleurs ». La ministre procède par affirmations au mépris de la réalité des chiffres qui montrent que les condamnations pénales pour infractions économiques et financières représentent moins de 1% de l’ensemble.

Après avoir il y a quelques mois justifié la création de peines-planchers en indiquant qu’elles constitueraient un « signal » dissuasif salvateur pour les délinquants, la ministre a cité hier « les sages paroles du doyen Ripert, qui alertait contre une loi pénale excessive : à déclarer indignes tant de gens qui ne le sont pas, on affaiblit l’indignité de ceux qui le sont ». Madame Dati livre ainsi sans fard sa conception à géométrie variable de la réponse judiciaire en fonction du statut social des personnes mises en cause : l’intervention de la justice pénale devrait être plus précautionneuse contre les délinquants en « col blanc », jouissant d’une présomption de dignité qu’à l’égard des autres délinquants ne jouissant pas de la même présomption.

Le Syndicat de la magistrature s’est refusé à participer à un groupe de travail dont le résultat à atteindre, « la dépénalisation », dicté par le Président de la République dans plusieurs discours, est par avance contenu dans son intitulé. Il accepterait en revanche de livrer sous forme d’audition par ce groupe de travail ses propositions en vue d’améliorer la lutte contre la délinquance et la criminalité économiques et financières, qui n’est à l’évidence pas une priorité politique."

vendredi 5 octobre 2007

Jour 151

Nicolas l'africain

L'Independent, 5 octobre 2007 :

"Pendant 40 ans, le gouvernement français à livré une guerre secrète en Afrique, cachée non seulement à son peuple mais au monde entier. Elle a fait massacrer des démocrates, a installé dictateur après dictateur et a financé et alimenté le génocide le plus atroce depuis les Nazis. Aujourd'hui, la guerre est si violente que des milliers de personnes traversent la frontière en la république Centrafricaine et le Darfour, cherchant refuge dans la zone de guerre la plus connue du monde."

[...]

""La France voit la RCA comme une colonie [...] Les présidents sont choisi par la France pas par le peuple. Ils ne servent pas les intérêts du peuple mais ceux de la France." Il fait la liste des entreprises qui ont utilisés la RCA comme base pour s'approprier ses ressources.[...] Total et Elf"

jeudi 4 octobre 2007

Jour 150

Collection d'automne

Sur le site de la Ligue des Droits de l'Homme :

"La Société des réalisateurs de films (SRF),
La Société civile des Auteurs Réalisateurs Producteurs (L’ARP),
Le Syndicat français de la critique de cinéma (SFCC),
Le Syndicat des Producteurs Indépendants (SPI),
L’Association du cinéma indépendant pour sa diffusion (ACID),
Le Groupement national des cinémas de recherche (GNCR),
Carrefour des festivals,
et l’Observatoire de la liberté d’expression en matière de création de la Ligue des droits de l’Homme

contestent la décision de Madame Christine Albanel, Ministre de la culture et de la communication du 2 octobre 2007 d’assortir d’une interdiction aux moins de 18 ans le visa d’exploitation du film de Koji Wakamatsu « Quand l’embryon part braconner ».

La SRF, l’ARP, le SFCC, le SPI, l’ACID, le GNCR, Carrefour des festivals et l’Observatoire de la liberté d’expression (LDH) considèrent que la Ministre de la culture, comme la Commission de classification des films dont elle a suivi la proposition, ont fait une inexacte application du décret du 23 février 1990 (réactualisé en 2003) en allant au-delà d’une interdiction aux moins de 16 ans. Selon ces organisations, l’interdiction aux mineurs de ce classique du cinéma japonais de 1966 est contraire à la jurisprudence et au sens du décret définissant l’interdiction aux moins de 18 ans" (mon emphase)

Concernant les prisons :

"Depuis le début de l’été, l’UGSP-CGT participe aux différentes réunions relatives au projet de loi pénitentiaire. Au stade où nous en sommes, il semble important de faire le point sur le dossier.

[...]

Mis en place par Rachida DATI, le présent Conseil d’Orientation dit « Restreint » (COR) porte bien son nom, même si Restrictif eut sonné mieux au vu des dégâts.

D’une part, la ministre ne le préside pas et donc, ne s’implique pas dans les discussions avec les partenaires. [...] le COR devait rendre un rapport pour novembre 2007. Nous écrivions alors, en juillet, que les délais nous semblaient trop courts car ils ne permettaient pas un travail sérieux, empreint de débats, d’auditions de différents acteurs et de déplacements ciblés sur des sites. Depuis... ça s’est gâté car le DAP nous a fait connaître début septembre, qu’à la demande de la ministre, les travaux devaient être restitués pour le 18 octobre 2007 !

A la demande de la CGT, monsieur VIOUT, procureur qui préside le COR, a accepté de faire une lettre à l’attention de la ministre, pour lui faire connaître le mécontentement des membres du COR devant des délais qui révèlent un peu plus le niveau du dialogue social au ministère et qui augurent d’une future Loi dont on peut se demander si elle n’est d’ores et déjà pas rédigée pour l’essentiel. Malgré cette lettre et malgré le mécontentement général, la ministre maintien le cap.

[...]

L’urgence sur ces questions n’autorise pas le gouvernement à bâcler ainsi les consultations, et c’est une lourde responsabilité que de risquer de vider de son sens l’opportunité historique que constitue l’élaboration d’une grande loi pénitentiaire.

Montreuil, le 3 octobre 2007"

mercredi 3 octobre 2007

Jour 149

Les rapetous

Le petit Nicolas, conférence de presse conjointe avec Angela MERKEL le 10 septembre 2007 :

"Deuxième proposition commune : il faut moraliser le capitalisme financier.[...] Nous voulons de la transparence. Nous voulons de la régulation. Nous voulons un capitalisme pour les entrepreneurs et non pas pour les spéculateurs."

Le Figaro, 3 octobre 2007 :

"L'AMF (Autorité des marchés financiers) vient de transmettre au parquet de Paris un document accablant pour les groupes Lagardère, DaimlerChrysler, actionnaires d'EADS, ainsi que pour les principaux dirigeants du groupe européen et de sa filiale Airbus. Cette « note préliminaire », dont Le Figaro a pris connaissance, conclut à un délit d'initié massif commis entre novembre 2005 et mars 2006, avant que les difficultés d'Airbus soient rendues publiques et que l'action EADS s'effondre. [...] le management d'EADS va présenter son business plan à l'État, son actionnaire à 15 % représenté par l'APE (Agence des participations de l'État). À l'issue de cette réunion, une note est envoyée au ministre des finances, Thierry Breton, pour l'inciter à vendre au plus vite une partie de ses actions"

mardi 2 octobre 2007

Jour 148

Pinnochio à l'ONU

Allocution du petit Nicolas devant l'Assemblée générale de l'ONU :

Contre les égoïsmes, contre les fanatismes, contre la haine, nous avons le devoir de renouveler l'appel à la conscience universelle [...]

Cet appel à la conscience universelle, c'est un appel à la paix.

Comme on l'a déja entendu ici.

C'est un appel à l'ouverture.

C'est sûr.

C'est un appel à la diversité.

C'est cela même.

C'est un appel à la responsabilité.

Ben voyons...

Et c'est un appel à la justice.

Comme ici.

Dans cet invraisemblable accumulation de lieux communs, Nicolas a tout de même une petite phrase qui ne manqueras pas de le hanter dans les années à venir :

Parce que si nous ne le faisons pas, les pauvres et les exploités se révolteront un jour contre l'injustice qui leur est faite

lundi 1 octobre 2007

Jour 147

Le porc de l'Etoile

Lu sur le site du Réseau Education Sans Frontières, un texte d'Emmanuel Terray, ethnologue et directeur d’études à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS) :

1942-2006 : réflexions sur un parallèle contesté

Bien entendu, sitôt que ce parallèle est explicitement énoncé, les protestations fusent pour souligner son caractère incongru. Les deux situations n’auraient, assure-t-on, rien de comparable, et leur seul rapprochement serait une insulte à la mémoire des victimes de l’extermination.

Voire... Assurément, il existe entre les deux épisodes des différences considérables, et il serait absurde de les nier. Cependant, sitôt qu’on cherche à les cerner de façon précise, il apparaît qu’elles tiennent presque exclusivement au rôle des occupants allemands : terriblement présents et actifs en 1942, ils ont -fort heureusement- disparu en 2006. En revanche, si l’on considère le comportement des autorités françaises, les similitudes sont manifestes.

En premier lieu, la présence de certaines personnes sur notre sol est constituée en « problème », et tous les esprits « raisonnables » s’accordent pour estimer que ce problème exige une solution. En 1940, une large fraction de l’opinion, débordant de très loin les frontières de l’extrême-droite, reconnaissait la réalité d’une « question juive » en France, même si des divergences profondes existaient quant aux réponses à lui apporter. De même, de la droite à la gauche, nos dirigeants proclament d’une même voix que l’immigration illégale met en péril nos équilibres sociaux et notre identité, et qu’il faut donc la refouler, les désaccords ne portant que sur la méthode.

En second lieu, les solutions envisagées passent toutes par l’expulsion partielle ou totale des personnes jugées indésirables. En 1942, cette expulsion prend la forme d’une livraison aux autorités occupantes. En 2006, les intéressés sont renvoyés dans des pays dont certains sont soumis à des dictatures impitoyables, dont d’autres sont ravagés par la guerre civile, dont tous sont marqués par le sous-développement, le sous-emploi et la pauvreté. Bien entendu, le résultat final est infiniment moins tragique aujourd’hui qu’hier, mais ce qui est caractéristique, c’est que, dans les deux cas, l’administration française se désintéresse entièrement de ce résultat : littéralement, ce n’est plus son affaire. On a soutenu qu’en 1942 les autorités françaises ignoraient le sort réservé aux Juifs par les nazis : peut-être, mais leur ignorance même était le résultat d’une décision réfléchie : elles ne voulaient pas le savoir. Il en est exactement de même aujourd’hui : ce qui compte pour le gouvernement, c’est de se débarrasser des hommes, des femmes et des enfants concernés ; sitôt la frontière franchie, il ne s’estime plus responsable de rien et les abandonne à leur destin en toute indifférence.

Pour expulser les gens, il faut d’abord s’assurer de leur personne. Nous retrouvons ici la gamme des procédés que j’évoquais en commençant. C’est que dans ce domaine les analogies résultent de la nature des choses ; la chasse à l’homme, surtout lorsqu’elle est assortie d’objectifs chiffrés, implique l’utilisation d’un certain nombre de techniques : rafles, convocations-pièges, interpellation des enfants dans les écoles, internement administratif. Quelles que soient les populations ciblées, le recours à ces techniques est inéluctable dès lors qu’on prétend à l’efficacité. Il faut d’ailleurs admettre que, sur ce point, le Ministre de l’Intérieur n’a guère innové par rapport à ses prédécesseurs de l’époque de Vichy et de la guerre d’Algérie et la police française n’a eu qu’à puiser dans ses archives pour retrouver les bonnes vieilles méthodes.

En quatrième lieu, la mise en oeuvre de la répression et les dérives qui l’accompagnent suscitent inévitablement des protestations de caractère moral ou humanitaire. Face à ces protestations, la riposte des responsables est la même, en 2006 comme en 1942, et elle est double : d’un côté, les autorités, nous disent-elles, ne font qu’appliquer la loi, et les protestataires s’entendent reprocher leur incivisme. Par ailleurs, pour désarmer les oppositions, les autorités introduisent des distinctions à l’intérieur de la population frappée par la répression. En 1942, le gouvernement de Vichy déclarait séparer le cas des Juifs français, dont il prétendait vouloir sauver au moins la vie, de celui des Juifs étrangers, livrés pieds et poings liés à l’occupant. De même aujourd’hui, Maître Arno Klarsfeld, l’ineffable médiateur promu par le Ministre de l’Intérieur, insiste sur l’opportunité d’opérer un tri, une sélection, entre les familles qui ont des attaches avec la France et celles qui n’en ont pas, l’expulsion de ces dernières n’appelant aucune objection de sa part.

Entre 1942 et 2006, les éléments de continuité sont donc nombreux, et il est d’autant plus légitime de les mettre en évidence que, comme les historiens l’ont aujourd’hui démontré, la politique anti-juive du gouvernement de Vichy ne lui a nullement été dictée ni imposée par l’occupant, même si elle comblait ses voeux. C’est d’eux-mêmes et spontanément que le gouvernement, l’administration et la police de Vichy ont offert et apporté leur concours aux autorités allemandes, notamment sous le prétexte proclamé de préserver la souveraineté de l’Etat sur le territoire national : ils ne sauraient donc excuser leur conduite au nom de la contrainte ou de la « force majeure ». La comparaison est donc légitime avec la politique présente, dont l’origine « française » n’est pas discutée.

Si les événements suivent leur cours actuel, il est vraisemblable que les analogies iront jusqu’à leur terme et que, dans trente ou quarante ans, des cérémonies de repentance seront organisées pour déplorer et désavouer la politique d’immigration pratiquée actuellement. Plutôt que d’attendre un tel dénouement, ne serait-il pas préférable de renforcer dès aujourd’hui la résistance à cette politique, en attendant d’y mettre fin dès que l’évolution de l’opinion le permettra ?(mon emphase)