vendredi 30 mars 2012

Jour 1784

La future crise

Le blog du Monde, Démystifier la Finance, le 28 mars 2012 :

"Le scandale qui secoue la City de Londres et le monde financier mondial semble de plus en plus serieux. Seuls des articles sporadiques de spécialistes ont mis en évidence une fraude dont il est encore difficile de connaitre l’ampleur et la gravité. Le LIBOR n’est autre que le London Interbank Offered Rate. Il s’agit du taux auquel les banques se prêtent entre elles. Il est donc étroitement lié au financement et au fonctionnement de l’un des plus grands marchés au monde : le marché interbancaire, dont la taille est estimée a 90.000 milliards de dollars. Il est fixé par des banques dites « de référence » tous les jours ouvrables à 11h à Londres. C’est en effet de la City que proviennent la plupart des mécanismes de référence : ce n’est pas de l’impérialisme. C’est du au fait que c’est à Londres que sont nés les euromarchés. Le rôle du LIBOR a cependant largement dépassé le cadre des banques : après tout si les banques trichent entre elles, je ne suis pas convaincu que cela surprendrait, moins encore attristerait le grand public. Depuis des décennies les crédits bases sur les taux à court terme ont pris ce taux pour référence : la plupart des grands crédits syndiques ont en effet un taux d’intérêt fluctuant, basé sur le LIBOR à trois ou six mois. La masse d’instruments dont les taux sont liés au LIBOR est estimée par le Financial Times à 350.000 milliards de dollars. Ainsi, si France Telecom a emprunté sur cette base, le jour de l’échéance de renouvellement du taux pour une nouvelle période de trois mois pourrait être le LIBOR + 50 points de base, soit, en ce moment 0,5% (LIBOR) + 0,5% (la marge de credit), soit 1%. Cela vaut aussi pour les crédits hypothécaires et autres financements en dollars. C’est donc tout le système qui repose sur ce moment magique. Bank of America, Citibank, Barclays Bank, Credit Suisse, Deutsche Bank et UBS sont dans le collimateur des autorités de contrôle. Il semblerait que ce soient Barclays Bank, Citi et UBS qui aient alerte les autorites il y a plus d'un an et demi. Le concept de LIBOR a d’autre part émigré et il existe un equivalent du LIBOR pour les principales devises. Ainsi, les emprunts en euros sont basés sur un EURIBOR qui, fort heureusement, est confié à un panel plus large et est donc moins susceptible de manipulation. Ce qui ne garantit cependant pas son intégrité. Dans ce contexte, les banques de référence disposent d’une forme de pouvoir qui, même limité, peut avoir des effets considérables sur les coûts de financement des entreprises et des particuliers et permettre à ces banques de financer à de meilleurs taux que d’autres ou, plus simplement, camoufler leurs difficultés de financement. Pour ce faire, il suffit de disposer des données permettant aux professionnels chargés de fixer le LIBOR, de prendre connaissance de la position de la Trésorerie de leur banque : 1 point de base (0,01%) n’avait aucune importance lorsque le LIBOR était élevé. En période de taux bas, il est naturel de se préoccuper d’un point de base qui peut avoir des répercussions journalières sur les coûts de financement des dizaines des milliards de dollars qui viennent a échéance chaque jour. Le Gouvernement américain aurait été le premier à se soucier de ce sujet et enclencher une enquête sur ce mécanisme lors de la crise financiere. Ce sont les autorités de la City qui mènent l’enquête, avec une dizaine d’autorités de contrôle dont les françaises, allemandes, japonaises et américaines.Les conclusions sont tellement graves que l’on s’attend à ce que, d’un jour à l’autre, plusieurs traders et banques impliqués dans ce scandale soient poursuivis pénalement. Cette fraude est d’une telle gravité que plusieurs banques ont déjà renvoyé des traders peu scrupuleux qui avaient ainsi allègrement franchi la muraille de Chine qui est supposée séparer les opérations de trésorerie de la fixation du LIBOR. D’un autre coté, le LIBOR n’est significatif que parce que les Trésoreries des banques gèrent des capitaux suffisamment importants pour que le taux soit représentatif. Comme dans le cas de notations frauduleuses des obligations représentatives des crédits subprime, certains traders avaient obtenu accès au système où les dirigeants de banques entraient leurs taux de référence et pouvaient les manipuler. Il y a une certaine hypocrisie dans la manière dont les banques (qui ont toutes fait savoir qu’elles coopèreraient avec les autorités) tentent de faire peser le poids d’une fraude systémique aux seuls traders. Une fraude d’une telle ampleur implique non seulement la connaissance, mais l’approbation des hauts dirigeants des institutions concernées. Comme le déclarait un avocat qui travaille sur ce sujet « cela pourrait bien n’être que le sommet de l’iceberg »."

jeudi 29 mars 2012

Jour 1783

Un élection passionnante en vue...

Le Monde Diplomatique, édito du futur n° d'avril :

"L’élection française va-t-elle entraîner un changement de président sans que les débats décisifs de la période ouverte depuis 2007 soient tranchés pour autant ? L’alternance politique constituerait un soulagement pour les Français. Car, au-delà des travers les plus notoires du président sortant — son omniprésence, son exhibitionnisme, sa capacité à dire tout et puis son contraire, la fascination que lui inspirent les riches, à peu près égale à sa disposition à transformer les chômeurs, les immigrés, les musulmans ou les fonctionnaires en boucs émissaires de toutes les colères —, les cinq années écoulées ont marqué un recul de la démocratie politique et de la souveraineté populaire. [...] La subordination des cercles dirigeants français à une droite allemande de plus en plus arrogante, attachée à son credo d’une « démocratie conforme au marché », érode également la souveraineté populaire. La levée de cette hypothèque est au cœur du scrutin en cours. Et oblige à poser sans détour les termes du débat européen. Nul n’ignore que les programmes d’austérité mis en œuvre avec acharnement depuis deux ans n’ont apporté — et n’apporteront — aucune amélioration aux problèmes d’endettement qu’ils prétendent résoudre. Une stratégie de gauche qui ne remettrait pas en cause ce garrot financier est par conséquent condamnée d’emblée. Or l’environnement politique européen interdit d’imaginer que ce résultat puisse être obtenu sans combat. [...] Au-delà de ce qui les distingue — en matière de justice fiscale, par exemple —, MM. Sarkozy et Hollande ont soutenu les mêmes traités européens, de Maastricht à Lisbonne. Ils ont tous deux entériné des objectifs draconiens de réduction des déficits publics (3 % du produit intérieur brut en 2013, 0 % en 2016 ou en 2017). Ils récusent l’un et l’autre le protectionnisme. Ils attendent tout de la croissance. Ils défendent des orientations de politique étrangère et de défense identiques, dès lors que même la réintégration par la France du commandement intégré de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) n’est plus remise en cause par les socialistes français. L’heure est pourtant venue de rompre avec l’ensemble de ces postulats. Changer de président en est assurément la condition. Mais ni l’histoire de la gauche au pouvoir ni le déroulement de la campagne actuelle n’autorisent à imaginer qu’elle pourrait suffire."

mercredi 28 mars 2012

Jour 1782

Juste une lettre pour l'ignorant

Le blog C'est classe ! de Libération, le 27 mars 2012 :

"Henri Lanta, professeur de Sciences économiques et sociales (SES), est une figure respectée du monde enseignant. Aujourd'hui à la retraite, il est l'un des grands défenseurs de cette discipline, régulièrement attaquée par la droite et les milieux de l'entreprise qui la jugent trop sociologique, voire gauchiste. Il est aussi une référence historique - en 1967, il fut aux tout débuts de la série B (économique), prédécesseure de la série ES (économique et sociale). Pour marquer son désaccord avec la politique éducative du quinquennat et ses effets qu'il juge désastreux, il a décidé un geste spectaculaire: rendre ses Palmes académiques et envoyer un courrier à Nicolas Sarkozy expliquant pourquoi. "Monsieur le Président, je vous écris une lettre ... "Dernièrement, des membres de l’Education nationale ont décidé de renvoyer leurs Palmes pour manifester de façon symbolique leur condamnation catégorique de l’état dans lequel vos choix vont laisser l’école primaire, le collège et le lycée. "C’est pour cette raison que je renvoie les miennes non au ministère de l’Education nationale mais à l’Elysée où, depuis 5 ans, vous avez décidé de tout sur tout". "Début 2008, vous déclariez: "l’école primaire est une priorité trop longtemps délaissée alors que son affaiblissement est la cause principale de l’échec au collège" et encore "Je prends un engagement: nous allons diviser par 3 le taux d’échec scolaire à la sortie du CM2 d’ici à la fin de la mandature". Vous en souvenez-vous ? "Rentrée scolaire 2011: dans le primaire, 1500 classes ont été fermées, surtout en milieu rural, 8967 postes budgétaires supprimés (16000 en primaire, collèges et lycées). "Monsieur le président, où en êtes-vous de cette division par 3 du taux d’échec à la fin du CM2 ? La suppression de dizaines de milliers de postes dans le primaire, celle de milliers de postes de professeurs-Rased, ont-elles porté leurs fruits ? "Depuis 2007, les 2 ministres-auxiliaires Xavier Darcos et Luc Chatel tentent de faire passer le "raisonnement" suivant: depuis 20 ans, le nombre d’enseignants s’est considérablement accru et le niveau des élèves ne s’est pas amélioré. Conclusion: puisque la création de postes ne permet pas d’améliorer les performances, leur suppression ne les fera pas baisser. "Monsieur le Président, vous le savez bien, la réalité n’a rien à voir avec cette imposture. La réalité, c’est le choix que vous avez fait en 2007 et obstinément maintenu jusqu’aux approches de l’élection: le bouclier fiscal pour les uns entraînant inéluctablement les suppressions de postes pour les autres. "Il faut aussi parler de la carte scolaire et du renforcement de la ségrégation sociale auquel ont abouti les mesures prises en 2007, de la formation des maîtres et de la baisse, dès 2010, de 30% du nombre d’inscrits aux nouvelles formations de professeurs, des attaques subies par l’enseignement de l’Histoire, du "nettoyage" des programmes de SES supervisé par Michel Pébereau, un de vos visiteurs du soir, récemment encore PDG de BNP-Paribas, membre de l’Académie des Sciences morales et politiques qui sait, lui, l’économie (surtout pas de sociologie) qu’il est "convenable" d’enseigner aux lycéens". Henri Lanta conclut en appelant de ses voeux "la fin de l'erreur-Sarkozy" le 6 mai prochain."

mardi 27 mars 2012

Jour 1781

Une de perdue...

Le Figaro, 27 mars 2012 :

"En 2008, elle avait été présentée comme un remède miracle à la guerre. Tel le génie d'Aladin, elle devait réaliser tous les vœux de la coalition. Conjuguant des approches sécuritaires, politiques et économiques, la doctrine de contre-insurrection, utilisée par les Français en Algérie et en Indochine, vise à rallier les populations en les isolant des insurgés grâce à un travail de protection des civils et de formation des forces locales. [...] Quatre ans plus tard, force est de constater qu'elle n'a pas tenu ses promesses. Les talibans ont repris le contrôle dans les provinces, les attentats se multiplient et l'annonce du départ des troupes étrangères sonne comme un aveu d'échec."

lundi 26 mars 2012

Jour 1780

C'est pour votre bien

Le Figaro, 26 mars 2012 :

"Les conducteurs qui contesteront un PV seront fichés. Paru à la mi-mars au Journal officiel et mis au jour lundi par Le Parisien , un arrêté du ministère de l'Intérieur va donner naissance à un nouveau fichier, nommé «automatisation du registre des entrées et sorties des recours en matière de contravention». Rebaptisé «Ares», cet outil recueillera un certain nombre de données personnelles sur les automobilistes faisant une requête en exonération d'amendes. Parmi ces données, des informations relatives à l'identité (nom, prénom, date et lieu de naissance, adresse…), mais aussi à la vie professionnelle. Le fichier recensera, en outre, l'ensemble des infractions, sur une période de cinq années, commises par l'automobiliste fiché."

dimanche 25 mars 2012

Jours 1778 & 1779

Une presse sélective

L'Acrimed, le 21 mars 2012 :

"La presse est en crise ? Certains ne semblent pas vouloir le croire. Peu importent finalement la désaffection du lectorat populaire et la défiance généralisée envers les médias : l’essentiel est que les quelques personnes qui lisent encore la presse écrite nationale aient les moyens d’acheter ce que ses annonceurs vendent. La romance ne semble pas devoir finir. La presse veille à ne pas froisser ses amants fortunés. D’abord par son prix, qui la rend inaccessible aux pauvres. Ensuite par ses orientations qui ne remettent en question l’économie de marché qu’à la marge - et encore, seulement quand il y a une crise. S’il devait un jour être question, par exemple, de taxer les riches, l’idée ne ferait son chemin qu’à condition que les riches l’aient eue eux-mêmes, ou qu’un candidat donné gagnant de l’élection présidentielle par les sondages la fasse sienne… et encore, dans ce cas-là, les grands journaux ne manquent-ils pas de faire planer la menace d’un exil fiscal des intéressés. L’idée que le « peuple » serait plus soumis à l’influence des grands médias que les classes éduquées est une idée répandue, particulièrement chez lesdites classes éduquées. Cette étude d’Audipresse montre-t-elle involontairement le contraire ? On pourrait croire en effet que la passion des catégories les plus aisées pour l’information en fait un public particulièrement réceptif aux dogmes que diffuse la presse dominante..."

vendredi 23 mars 2012

Jour 1777

Il ne faut pas s'étonner

Le Monde, 23 mars 2012 :

"L'Internet n'y change rien, les téléspectateurs de par le monde passent toujours plus de temps devant leur poste. En 2011, ils sont restés en moyenne trois heures et seize minutes par jour devant leur écran, six minutes de plus qu'en 2010 et vingt minutes de plus qu'il y a dix ans, détaille la dix-neuvième étude annuelle publiée par Eurodata TV Worldwide.


jeudi 22 mars 2012

Jour 1776

Du plomb dans l'aile

Le Blog Défense en ligne du Monde Diplo, le 21 mars  2012 :

"Patrice Bouveret, directeur de l’Observatoire, s’étonne qu’« aucun des programmes des candidats n’aborde la question de la prolifération des armes dans le monde ni la nécessité de renforcer leur contrôle. Or, même si les armes ne sont pas à l’origine des guerres, l’absence de réel contrôle démocratique sur leurs transferts est facteur de déstabilisation et favorise les nombreux conflits qui ensanglantent la planète ». Selon l’institut de recherche suédois SIPRI, qui vient de publier ses dernières estimations, la France connaît même, sur la période 2007-2011, une augmentation de 12 % de ses exportations par rapport à la période 2002-2006 — une tendance qui devrait se confirmer en 2012, compte tenu des quelques grands contrats en cours de finalisation, tels que les ventes du Rafale à l’Inde, ou des bâtiments de projection et de commandement (BPC) type « Mistral » à la Russie. [...] la crise financière et budgétaire incite plutôt les gouvernements et les entreprises à assouplir le régime de leurs exportations d’armement. Et l’expérience libyenne a prouvé qu’en cas de besoin, un Etat — en l’occurrence, la France — ne s’embarrasse pas toujours de toutes ces règles, quand il s’agit par exemple de donner un coup de main à ses partenaires sur le terrain, en accélérant des livraisons d’armes… clandestines ! En cette période électorale en France, l’Observatoire des armements rappelle « l’extrême nécessité d’un débat démocratique, afin que la France cesse de privilégier ses intérêts économiques sur la sécurité humaine », car les armes ne sont pas des marchandises comme les autres et doivent faire l’objet de mesures renforcées"

mercredi 21 mars 2012

Jour 1775

En passant, saviez-vous que...

Le Monde, 21 mars 2012 :

"Alors que les débats sur la taxation des plus riches, notamment sur les revenus issus du capital, fait rage des deux côtés de l'Atlantique - élections présidentielles oblige - la Brookings Institution, un centre de réflexion américain de centre gauche, publie une étude chiffrée qui montre la faiblesse de la corrélation entre taux d'imposition du capital et taux de croissance. Pour Len Bunman, l'économiste qui a mis en ligne ces chiffres sur le site du Tax Policy Center, le département de la Brookings dédié à l'étude de la fiscalité (en association avec l'Urban Institute), on aurait tort de croire les éditos des journaux, qui laissent à penser "qu'aucun volet de la politique fiscale n'est plus important pour la croissance économique que la façon dont on taxe les gains du capital". [...] Comme tout bon économiste, Len Bunman sait pertinemment que corrélation n'est pas synonyme de causalité, "mais ce graphique devrait affaiblir la théorie prédominante sur la taxation des gains du capital. Diminuer le taux d'imposition du capital ne mettre pas un turbo à l'économie, et l'augmenter ne provoquera pas de dépression." Cela dit, une faible taxation du capital a selon lui au moins un avantage, "elle fournit beaucoup de travail aux avocats, comptables et génies de la finance car il y a beaucoup à gagner à maquiller des revenus normaux (taxés jusqu'à 35 %) en revenus du capital (dont le taux maximum d'imposition est 15 %)"."

mardi 20 mars 2012

Jour 1774

Pendant ce temps, à l'hôpital

Libération, le 20 mars 2012 :

"«Nous, médecins des hôpitaux, déplorons les dérives de l'exercice privé à l'hôpital public. Ces dérives sont régulièrement dénoncées mais de fait tolérées et par la communauté médicale incapable d'imposer le respect des règles éthiques et par l'administration et le pouvoir politique incapables de faire respecter la loi. Certes seuls 1864 sur les 45.000 médecins hospitaliers ont une activité privée avec dépassements d'honoraires. Et les abus voire les fraudes rapportés ne concernent qu'une petite minorité d'entre eux. Cependant, la tolérance actuelle de ces dérives est interprétée par la population comme une complicité C'est pourquoi nous demandons au gouvernement d'examiner avec les professionnels les conditions pour que soit mis fin à l'exercice privé au sein de l'hôpital public, comme cela était originellement prévu par la loi Debré de 1958 ayant institué le plein temps hospitalier. Cette suppression de l'activité privée devrait être accompagnée, selon nous, de mesures visant à répondre aux raisons qui ont expliqué son maintien : 
1) Limitation des dépassements d'honoraires en ville. Revalorisation des tarifs remboursés par la Sécurité sociale. Création d'une assurance publique de responsabilité civile professionnelle. Ces mesures visent à assurer un équilibre des revenus entre la ville et l'hôpital tout en prenant en compte la qualification, la pénibilité, les responsabilités et les charges financières distinctes. 
2) Inclusion dans le calcul des retraites des médecins hospitaliers, des diverses indemnités. Il conviendra donc de définir une période transitoire où les nouvelles règles s'appliqueront aux nouvelles générations médicales et coexisteront avec les règles antérieures mises en extinction. En attendant, la loi actuelle doit être appliquée. L'activité privée ne doit pas dépasser 20% de l'activité des médecins et ne doit pas se faire au détriment des missions de l'hôpital public. Cela doit également être le cas pour toute autre activité privée professionnelle rémunérée (notamment par l'industrie pharmaceutique ou pour des expertises.) Dans un soucis de transparence nécessaire au contrôle du respect de la loi, nous proposons que l'ensemble de ces honoraires soit versé à la caisse de l'hôpital ou de l'université qui, après avoir prélevé une redevance, reversera la part due aux praticiens.»"

lundi 19 mars 2012

Jour 1773

75%

Frédéric Lordon, dans la Pompe à phynance, le 16 mars 2012 :

"Il y a suffisamment de raisons d’être affligé de la campagne du candidat « socialiste » — qui ne trouve mot à redire au traité MES  institutionnalisant les principes de l’« ajustement structurel », promet de renégocier le TSCG avec la franchise d’un trafiquant de voitures d’occasion, fait des moulinets contre la finance avant de se rendre à Londres jurer l’innocuité de ses intentions réelles [...] Le candidat socialiste aurait-il vraiment le projet de s’en prendre aux inégalités, aux chutes dans la précarité des uns et à l’indécente explosion des fortunes des autres, il s’attaquerait à leur principe générateur même, à savoir : la libéralisation financière, l’ouverture du commerce international à toutes les concurrences distordues — bien faites pour déstabiliser les classes ouvrières des pays développés et attaquer les Etats-providences —, l’orthodoxie de politique économique qui commande de satisfaire les investisseurs d’abord et les corps sociaux s’il en reste, soit synthétiquement les structures de la mondialisation néolibérale, spécialement mises en valeur par la construction européenne — dont les prétentions de « bouclier » (« L’Europe est un bouclier contre la mondialisation ») inspirent au choix le rire ou le dégoût. C’est à cela que s’en prendrait donc un candidat de gauche, conscient que la gauche se définit plus par le projet de transformer radicalement le cadre des structures du néolibéralisme que par celui d’y passer la serpillière [...] Entre temps, et comme toujours dans ce genre de circonstances, le syndicat des malévolents monte en chœur au créneau, mais caparaçonné d’arguments « techniques » qui disent tous « l’impossibilité », et en particulier, délicieuse menace, l’inconstitutionnalité, supposée fatale aux 75%. [...] comme il n’est strictement aucun argument, ni celui du mérite ni a fortiori celui du temps travaillé, qui puisse justifier qu’un individu vaille, et gagne, trois cents fois plus qu’un autre, le revenu net maximal est décidément une idée qui a de l’avenir… [...] Il est donc temps de rappeler une ou deux choses à propos des supposés bienfaits de la présence des riches. Et d’abord à propos de l’idée que, entre joyaux de la couronne et cœur battant de l’économie, les riches seraient simplement indispensables à notre prospérité collective. [...] Il conviendrait pour commencer que les libéraux prennent conscience du défaut de cohérence de leur propre argument qui écarte d’abord la taxation des riches par un argument de « second ordre » : bien sûr, on peut si l’on veut l’envisager, mais elle concerne si peu de monde et s’avérera si peu efficace — quelques centaines de millions d’euros supplémentaires pour se faire plaisir, définitivement pas à la hauteur de la centaine de milliards du déficit à réduire... Or l’argument d’échelle se retourne comme un gant : si les riches pèsent si peu en termes fiscaux, c’est qu’ils ne pèsent pas davantage en termes de capacité d’investissement ! Par conséquent le coût d’opportunité économique d’une taxation des riches est aussi négligeable que leur contribution fiscale [...] À quoi sert donc l’argent des riches ? Mais à rien d’autre qu’à faire tourner la machine entropique qui soutient à peine 7% de la FBCF annuelle [11] et, des énormes masses financières qu’elle enfourne, n’en convertit qu’une portion ridicule en investissement effectif. Pour le dire plus simplement : l’argent des riches ne sert à rien — qu’à s’augmenter lui-même. [...] l se pourrait même que la nation ait beaucoup plus à y gagner à régulariser ceux qui veulent vivre régulièrement sur son sol qu’à tenter de retenir les Florent Pagny, les Alain Delon, et tous les faux indispensables du « dynamisme économique ». À ces derniers en tout cas il faudra expliquer le principe simple de la corrélation entre la nationalité et l’impôt. Et puis les inviter à faire leur choix — mais pour de bon. Qu’ils fuient sous d’autres cieux à la recherche des taux d’imposition qui accroissent encore un peu plus leur fortune, c’est leur affaire. Mais prière en partant de déposer passeport, carte d’électeur, carte de sécu, et d’aller définitivement se faire pendre ailleurs."

Jours 1771 & 1772

Une image vaut mieux...
 

vendredi 16 mars 2012

Jour 1770

La justice en roue libre

Libération, vendredi 16 mars 2012 :

"Les avocats de Julien Coupat, mis en examen pour «organisation d’une association de malfaiteurs terroristes», déposent aujourd’hui une «requête en récusation», auprès du premier président de la cour d’appel de Paris, contre Thierry Fragnoli. Des «propos subjectifs» qu’il a tenus à des journalistes trahiraient un «parti pris en faveur de la culpabilité». Le dernier épisode désopilant du magistrat, révélé mercredi par le Canard enchaîné, vient «conforter» à leurs yeux le côté va-t-en-guerre et revanchard du juge contre les mis en examen. Fragnoli a envoyé un mail à des journalistes, depuis son adresse professionnelle, pour couper l’herbe sous le pied du Canard qui venait de l’appeler au sujet d’une sacoche bourrée de documents confidentiels oubliée par un des enquêteurs lors d’une perquisition. Le 23 février, à Mont-Saint-Aignan, près de Rouen, le juge a débarqué avec une trentaine de policiers de l’antiterrorisme (SDAT) chez un forgeron suspecté d’avoir fabriqué les crochets ayant servi à saboter une ligne TGV fin 2008. Charles R. a été embarqué en garde à vue (puis relâché sans mise en examen), mais ses proches ont récupéré une sacoche avec les noms et numéros de portable des enquêteurs, les photos et adresses en Normandie de personnes surveillées, et un PV de garde à vue en blanc estampillé par la SDAT, pas du tout réglementaire. «Durite». Après le coup de fil du Canard lundi, le juge Fragnoli s’est empressé d’alerter par écrit certains journalistes moins corrosifs du Nouvel Observateur, de l’Express et d’Europe 1, qu’il appelle «amis de la presse libre». Précisant, entre parenthèses : «Je veux dire celle qui n’est pas affiliée à Coupat/Assous.» Cette allusion à Jérémie Assous, l’un des défenseurs de Julien Coupat, démontre, selon la requête de Thierry Lévy, Louis-Marie de Roux et Me Assous lui-même, «l’existence d’une animosité personnelle de M. Fragnoli à l’égard de l’un des mis en examen et de l’un de ses avocats, mais également un mépris total de la part du magistrat des obligations de sa fonction». Dans ce mail ayant pour objet «scoop Coupat/Canard», le juge alerte et informe des journalistes non-collabos - si l’on comprend bien - sur la perte de ces «documents policiers» qui n’ont «aucun intérêt» : «Bon alors avant que vous me demandiez ce que j’en pense - en OFF - depuis mes vacances (je pars tout à l’heure 2 semaines en Espagne)…» Du jamais-vu. Que des juges parlent en «off» (de façon confidentielle) à des journalistes, la presse ne va pas s’en plaindre. Mais quelle mouche a piqué le juge Fragnoli pour cumuler ainsi les imprudences ? Pour un de ses confrères, «ce mélange confondant d’aveuglement et de naïveté montre qu’il a pété une durite. Il a été blessé par cette affaire. Là, ça dérape, on est sorti du débat terro-pas terro [-risme, ndlr].» «Gibier». Depuis plus de trois ans, le débat fait rage autour de ce dossier censé illustrer «la menace de la mouvance anarcho-autonome» ou de «l’ultra-gauche». Les policiers du renseignement (RG, DCRI) et de la PJ, ainsi que la ministre de l’Intérieur d’alors, Michèle Alliot-Marie, l’ont survendu en terrorisme, là où d’autres ne voient qu’une simple affaire de droit commun, une dégradation de voie ferrée comme il en existe 4 000 chaque année. A force de s’enferrer dans la qualification de terrorisme pour ne pas laisser à d’autres «son» dossier, Fragnoli a peut-être dérapé avec ce mail. Un haut magistrat «n’en revient pas», un autre prédit «une sanction disciplinaire», mais «pas pour violation du secret», et la chancellerie ne «souhaite pas faire de commentaires». Dans leur requête, Mes Lévy, Roux et Assous, - auxquels s’associe Me William Bourdon pour Yldune Lévy, autre mise en cause -, visent également «les entretiens nombreux» que le journaliste David Dufresne a eus avec le juge entre 2009 et 2011(lire ci-contre), lesquels révèlent son «point de vue» et ses «émotions». L’auteur y écrit que le juge «exultait» lorsqu’il a appris que des tubes en PVC ayant pu servir de perches pour poser les crochets sur les caténaires avaient été retrouvés au fond de la Marne. Son «excitation» est comparée à celle «d’un orpailleur dans un champ de ruines, des perches pour pépites» alors que le dossier manque d’éléments bétons : «Il était persuadé de tenir enfin la preuve matérielle qui allait clouer le bec à tout le monde […]. Il serait réhabilité. A son entourage, il affirma qu’il était désormais persuadé qu’il ne prononcerait pas de non-lieu.» Pour les avocats, «en acceptant de se livrer ainsi, M. Fragnoli a cessé d’être un magistrat impartial qui doit, selon la loi, instruire à charge et à décharge. Il s’est publiquement comporté comme un chasseur poursuivant son gibier». Que décidera la justice contre lui ? Et sa hiérarchie ? Pour avoir rencontré une source hors PV dans l’affaire Clearstream, le juge financier Renaud Van Ruymbeke est poursuivi par le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) depuis près de cinq ans. Le juge Patrick Ramaël, qui instruit les disparitions à Paris de l’opposant marocain Mehdi ben Barka et en Côte-d’Ivoire du journaliste Guy-André Kieffer, est renvoyé devant l’instance disciplinaire pour un manque de délicatesse envers sa hiérarchie. Et le juge Marc Trévidic, en charge de l’attentat de Karachi et du génocide au Rwanda, a été menacé de sanctions pour avoir reçu des journalistes."

jeudi 15 mars 2012

Jour 1769

Manif' ultra-secrète

Le blog du Monde, Vu de l'Intérieur, le 14 mars 2012 : 

"Il n'y aura pas de communiqué de presse, mais la nouvelle s'est répandue grâce aux bons offices du député (PS) Jean-Jacques Urvoas, sur Twitter: des policiers de la prestigieuse direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) s'apprêtent à manifester leur mécontentement, vendredi matin 16 mars, dans le hall du siège de la direction, à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine). Un évènement inédit pour des fonctionnaires qui évoluent tous dans le secret-défense et la plus grande discrétion. [...] Pour un responsable syndical, c'est un "ras-le-bol général" qui est en cause: "Cela fait des mois que ça bout." Des problèmes de "gestion humaine", dans une direction où "tout est opaque". [...] le malaise vient aussi de la personnalité contestée du patron de la DCRI, Bernard Squarcini. Déjà mis en examen, en octobre 2011 par la juge Sylvie Zimmerman, dans l'affaire des fadettes des journalistes du "Monde", M. Squarcini a récemment été mis en cause dans le livre L'Espion du président, des journalistes Olivia Recasens, Didier Hassoux, Christophe Labbé (Robert Laffont). La publication de cet ouvrage a secoué la DCRI. L'accélération de l'enquête sur le cercle Wagram, affaire dans laquelle une des proches de M. Squarcini est mise en examen, commence aussi à déranger à Levallois-Perret."

mercredi 14 mars 2012

Jour 1768

Même Wall Street se fatigue...

Le 13 mars 2012, le site Puremedias cite le Wall Street Journal qui peut difficilement être qualifié de journal gauchiste :

"Dans son numéro d'aujourd'hui, le Wall Street Journal s'en prend à Nicolas Sarkozy et son positionnement anti-immigration, après les récentes sorties du président sur la baisse de moitié de l'immigration en cas de réélection ou encore son annonce dimanche à Villepinte concernant une possible sortie de l'espace Schengen si une réforme n'était pas adoptée sous douze mois pour mieux contrôler les flux migratoires. [...] "Même en France, on voit rarement plus cynique que ça", lance le Wall Street Journal, pour qui ce positionnement du président sortant sur le thème de l'immigration est "une tentative d'attirer des partisans du Front National de Marine Le Pen avant le premier tour". Etant donné la popularité des idées de la leader frontiste, "il n'est pas étonnant que ce soit dans ce camp que Sarkozy aille piocher des voix", ajoute le WSJ. "C'est une position odieuse, non seulement parce qu'elle s'appuie sur des sentiments détestables mais aussi parce que c'est un exemple parfait d'ignorance économique", poursuit le quotidien, qui souligne que l'une des menaces les plus importantes à l'Etat-providence français est le vieillissement de la population et un taux de natalité qui ne permet pas le renouvellement de la population, même s'il est le plus élevé d'Europe. Pour le WSJ, l'immigration est au contraire le meilleur moyen d'assurer que le système français perdure."

mardi 13 mars 2012

Jour 1767

Le pipotron se déchaîne

Le blog Desintox de Libé, le 10 mars 2012 :

"Nicolas Sarkozy commence donc sa campagne [...] en parlant de pouvoir d’achat. [...] En 2007, il promettait de doper le pouvoir d’achat des Français. Cinq ans plus tard, il assure avoir limité les dégâts. «En France, ce sont les chiffres de l’Insee, du FMI, de l’OCDE, nous sommes le seul pays d’Europe - il y en a un seul - où, chaque année, en moyenne, le pouvoir d’achat a augmenté de 1,4% […] tous les ans pendant la crise. Et ces chiffres sont vérifiables.» [...] Les chiffres de l’Insee sont effectivement vérifiables. Ils corroborent les statistiques présidentielles… à une très grosse nuance près.[...] c’est que ce chiffre ne mesure pas le pouvoir d’achat moyen des Français. Il ne tient pas compte de l’évolution démographique. [...] Nicolas Sarkozy se félicite de l’augmentation de la taille du gâteau sans tenir compte de l’augmentation des convives. [...] En se fiant à cet indicateur, l’évolution n’est plus que d’environ 3,5% sur le quinquennat. Pire, si on prend au mot le Président, qui affirme que le pouvoir d’achat a augmenté «pendant la crise», on s’éloigne encore plus de ces chiffres. Car l’essentiel de la hausse s’est fait sur une année, la première du quinquennat (2007), avant la crise. Après, la hausse du pouvoir d’achat par unité de consommation devient très modeste : de l’ordre de 0,3% par an… Avec une année de baisse (2008) et une de quasi-stagnation en 2010 (+0,1%)."

lundi 12 mars 2012

Jour 1766

Il raconte que des bêtises

Le Monde, 11 mars 2012 :

Je veux réconcilier la France du non et la France du oui », a conclu M. Sarkozy. À la fin de son discours, il a ajouté à Jeanne d’Arc, Victor Hugo et au général de Gaulle, les deux pères de l’Europe, Robert Schuman et Jean Monnet. Leur conception était celle de la supranationalité, aux antipodes de la vision du président candidat."

En attendant les photos de famille dans Paris Match un mois avant l'élection...

Jours 1764 & 1765

Souriez, c'est terminé

Bug Brother, 6 mars 2012 :

"par 285 voix pour, 173 contre, sur 458 suffrages exprimés, le fichage des "gens honnêtes" a été adopté à l'Assemblée. Jean-Jacques Urvoas (PS) a déclaré qu'il allait dès demain déposer un recours au Conseil Constitutionnel. [...] Or, et dans le même temps, constate le Cecil, "n’importe quel objectif de webphone, appareil photo numérique, webcam ou caméra de surveillance devient un dispositif d’enregistrement et que même les réseaux sociaux en ligne se dotent de dispositifs de reconnaissance faciale" : Dans ce contexte, la reconnaissance faciale ne devrait-elle pas être considérée comme une arme de destruction massive pour la vie privée et les libertés individuelles et, dans ce cas, être traitée comme telle, c’est-à-dire dans le cadre du plus strict encadrement en en limitant la prolifération ? Le dernier acte se joue bientôt, alors bienvenue dans un monde (meilleur) où vous ne serez plus jamais un(e) inconnu(e) et où n’importe quel représentant des forces de l’ordre va pouvoir vous appeler par votre nom sans avoir à vous le demander !"

vendredi 9 mars 2012

Jour 1763

Économie libérale et démocratie, l'union impossible...

The Irish Times sur le site presseurop, le 7 mars 2012 (traduit par Raymond Clarinard) :

"“… le crime fondamental qui contenait tous les autres. Crime par la pensée, disait-on.” George Orwell, 1984 Dans le référendum que l’on nous annonce, la question est … ah, mais au fait, c’est quoi, la question ? Il ne s’agit pas, comme Michael Noonan [le ministre irlandais des Finances] l’a affirmé à tort l’an dernier, d’un référendum pour savoir si l’Irlande devrait quitter la zone euro. (Ils ne peuvent pas nous flanquer dehors.) Ni, comme l’a clamé à diverses reprises le Taoiseach la semaine dernière, de parler de “reprise économique”, “d’emplois” ou de savoir si nous “souhaitons dorénavant participer à la communauté européenne, à l’euro et à la zone euro”. Il ne s’agit certainement pas non plus de définir un déficit structurel de 0,5 %. Si c’était le cas, ce serait la chose la plus étrange à soumettre à une consultation populaire. [...] Ce qui est en jeu, en revanche, c’est la création de l’idée de crimepensée. Il faut que soit proscrite une certaine façon de pensée. [...] c’est une façon de penser qui, pendant trente ans après la Seconde Guerre mondiale, a été le “sens commun” dominant d’une grande partie du monde développé : la philosophie de John Maynard Keynes. Cadre intellectuel du centre gauche européen et des démocrates du New Deal aux Etats-Unis, elle est sur le point d’être interdite par un traité international, au même titre que le trafic d’êtres humains ou la guerre chimique. Interdire le keynésianisme dans le sillage du grand krach de 2007, c’est un peu comme réagir à une fusillade sanglante en interdisant les gilets pare-balles. L’Irlande en est un exemple parfait. Keynes considérait que les gouvernements devaient appliquer des politiques contre-cycliques, consentir à des déficits pour regonfler des économies chancelantes et réduire les dépenses pour calmer les économies en surchauffe. Or, au cœur du traité fiscal se trouve la notion qu’un gouvernement devrait fonctionner comme un ménage, jeter l’argent par la fenêtre quand tout va bien et resserrer les boulons quand les temps sont durs. Dans cette optique, il est recommandé de ne même pas envisager une économie à la Keynes. Les politiques fiscales contre-cycliques sont taboues. [...] Le traité fiscal n’a rien à voir avec les “faits”. C’est une opinion de droite à laquelle on confère force de loi. Le “déficit structurel” est une interprétation extrêmement controversée de données complexes – vouloir en faire un concept légal est une absurdité. Mais surtout, la question de savoir s’il existe ou non un niveau acceptable de dette publique est largement sujette à caution. La réponse dépend toujours de circonstances comme la croissance économique, la démographie, la stabilité politique. Au Japon, la dette publique représente 230 % du PIB – près de quatre fois plus que le plafond de la zone euro. Les marchés, dont les avis sont censés être pour nous parole d’évangile, n’ont pas l’air de s’en soucier : le rendement des obligations japonaises à dix ans est inférieur à 1 %. Ce sont les circonstances, et non le niveau absolu de la dette, qui déterminent si l’on est ou non en crise. [...] En gros, le consensus parmi les économistes est qu’une dette publique supérieure à 80 % du PIB porte tort à la croissance. Or, la limite de la zone euro est de 60 % – chiffre choisi uniquement parce qu’il sonne bien. En d’autres termes, on nous demande de voter pour une tentative mal ficelée de s’arroger le pouvoir tout en réduisant au silence l’une des deux voix du dialogue sur la politique fiscale. C’est le même genre de paradoxe que la “der des ders” – un débat démocratique pour mettre hors-la-loi le débat démocratique sur l’une des questions fondamentales de la politique, un vote afin de limiter le sens même du vote."

jeudi 8 mars 2012

Jour 1762

Même les anglais trouvent que ça sent la merde

The Independent, le 5 mars 2012 :

"An article in the German news magazine, Der Spiegel, claims that the German, British, Italian and Spanish leaders have made a verbal deal to shun the Socialist candidate – and runaway favourite – before the two-round election in April and May. In the case of Angela Merkel of Germany, Mario Monti of Italy and Mariano Rajoy of Spain, the magazine said the ban was a punishment for Mr Hollande's pledge to renegotiate the European treaty on fiscal discipline, which was signed last week. Mr Cameron, who refused to see Mr Hollande in London last Wednesday, joined the pact out of ideological solidarity with President Nicolas Sarkozy, Der Spiegel claimed. [...] In a campaign speech in Bordeaux on Saturday, Mr Sarkozy reacted to poor polls and a week of minor calamities by steering his campaign rightwards. He said immigration could be a "problem" and he vowed to crack down on any special arrangements for halal meat or separate swimming times for Muslim women in public pools."

mercredi 7 mars 2012

Jour 1761

Piqûre de rappel sur le vrai nabot caché au fond du nain


"Il fallait une suite à l’infâme discours de Grenoble : ce sera l’abject discours de Bordeaux. Samedi dernier, Nicolas Sarkozy a fait ce qu’il a pu pour effacer un peu plus la limite censée séparer encore la droite de l’extrême droite dans notre pays. Et comme chaque fois qu’il entreprend de singer le Front National, il était essentiellement question des délinquants et des étrangers : « l’anti-France » disait-on autrefois, « ceux qui détestent la France, qui n’aiment pas la République » dit-on aujourd’hui, en prononçant 106 fois le mot pour mieux piétiner la chose. Le lendemain, à Marseille, Marine Le Pen a eu du mal à trouver pire. Il ne lui restait qu’à pousser l’avantage. Au rayon judiciaire de cette superette rhétorique à l’usage des électeurs frontistes, on trouve de tout, mais toujours n’importe quoi : l’alignement de tous les condamnés sur le régime des récidivistes pour l’octroi d’une libération conditionnelle ; un nouvel élargissement des « peines planchers » au moyen d’une nouvelle définition de la récidive ; la remise en cause de l’aménagement ab initio des peines de moins de deux ans d’emprisonnement – pourtant voté par sa majorité en 2009 – ; un droit d’appel accordé aux victimes « pour les décisions des cours d’assises, la détention provisoire et l’exécution des peines » – pourtant déjà rejeté par son gouvernement – ; l’introduction de « jurys populaires » dans « tous les tribunaux correctionnels », mais aussi en matière de détention provisoire et d’application des peines ; ou encore, la fin de la double compétence civile et pénale du juge des enfants. En bref, Nicolas Sarkozy propose de continuer à saccager la justice pendant cinq ans, au nom d’une lutte contre la délinquance qu’il a été incapable de mener pendant dix ans. Il sait déjà que le bilan de l’expérimentation des « citoyens assesseurs » – amorcée il y a seulement deux mois et prévue à l’origine pour deux ans – sera positif, alors que les tribunaux correctionnels sont menacés d’asphyxie et qu’une justice pénale toujours plus inégalitaire se profile. Il veut faire croire que « notre droit des mineurs date de 1945 », alors qu’il a été modifié – et souvent abîmé – une cinquantaine de fois. Il entend liquider les principes posés à l’époque par le Conseil National de la Résistance, tout en se réclamant sans vergogne du Général de Gaulle. Il n’a rien retenu du scandale d’Outreau, qui est d’abord celui de l’abus du recours à la détention provisoire. Il affirme qu’aujourd’hui « la souffrance des victimes n’a pas son mot à dire », alors qu’il n’a cessé de bafouer leurs droits en favorisant les procédures expéditives, en les empêchant de saisir directement le juge d’instruction, en réduisant les crédits alloués aux associations chargées de les assister. Il prétend leur rendre justice, mais il n’a que la vengeance à leur proposer. Il est hostile aux aménagements de peine, alors qu’il s’agit de l’outil le plus efficace pour lutter contre la récidive. Il ne jure que par les « peines planchers », alors qu’elles n’ont jamais fait la preuve de leur efficacité, sauf pour dénaturer le travail des juges et faire déborder les prisons... Ce président-là, ce candidat en mal de popularité, qui s’accroche au pouvoir en raclant les fonds de tiroir de la droite la plus rance, se moque éperdument de la réalité judiciaire. Les victimes sont ses faire-valoir, les « voyous » ses épouvantails et les juges ses salauds utiles. Quant aux étrangers, voici comment il en parle : « Je veux dire, pour que les choses soient bien claires, que ceux qui viennent avec l’intention de ne pas respecter nos lois et nos moeurs, de ne pas respecter la propriété d’autrui, de ne pas envoyer leurs enfants à l’école, qui ne sont disposés à faire aucun effort sérieux ni d’intégration ni d’assimilation, ne sont pas les bienvenus en France. On ne peut être les bienvenus en France si la seule justification de sa volonté c’est d’obtenir des prestations sociales. » Les choses sont claires en effet : Nicolas Sarkozy ne sert pas la République, il s’en sert."

mardi 6 mars 2012

Jour 1760

Un bon arabe, il a du pétrole, un mauvais...

Le Monde Diplomatique, mars 2012 : 

"Les libertés fondamentales ne sont pas mieux respectées en Arabie saoudite qu’en Iran. Est-ce donc à son statut de premier pays exportateur de pétrole et d’allié des Etats-Unis que la monarchie wahhabite doit d’être miraculeusement épargnée par la « communauté internationale » ? L’Arabie saoudite peut en tout cas intervenir à Bahreïn, y écraser une protestation démocratique, exécuter soixante-seize personnes en 2011 (dont une femme accusée de « sorcellerie »), menacer du même châtiment un blogueur qui a diffusé sur son compte Twitter un dialogue imaginaire avec le Prophète, condamner les voleurs à l’amputation, proclamer les chefs d’inculpation de viol, de sodomie, d’adultère, d’homosexualité, de trafic de drogue, d’apostasie passibles de la peine capitale, sans que, hormis le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, nul ou presque semble s’en émouvoir. Ni le Conseil de sécurité de l’ONU, ni le G20, dont l’Arabie saoudite est membre, ni le Fonds monétaire international (FMI), dont la directrice générale vient de saluer le « rôle important » joué par Riyad dans la stabilisation de l’économie mondiale. La même monarchie s’obstine-t-elle à interdire aux femmes — qui déjà ne peuvent pas se déplacer en voiture sans mari ou chauffeur — de participer aux Jeux olympiques ? Cette violation de deux articles au moins de la charte sportive (1) ne suscite pas, elle non plus, beaucoup de remous. A supposer que l’Iran se fût rendu coupable d’un tel apartheid sexuel, une campagne internationale de protestations eût déjà été lancée. [...] L’argent des pays du Golfe encourage par ailleurs les provocations des salafistes tunisiens et finance des chaînes de télévision qui propagent dans le pays une lecture moyenâgeuse de l’islam. En janvier 2008, le président français Nicolas Sarkozy prétendait que, « sous l’impulsion de sa majesté le roi Abdallah », l’Arabie saoudite développait une « politique de civilisation ». Quatre ans plus tard, ce pays, où règne la corruption, est surtout devenu le fer de lance du sunnisme ultraconservateur dans le monde arabe. Les gérontes de Riyad, qui assimilent les protestations de la jeunesse saoudienne à une « nouvelle forme de terrorisme », ne se soucient du droit des peuples que pour l’opposer aux régimes de leurs rivaux régionaux, « radicaux » ou chiites. Le royaume se croit sans doute abrité des tempêtes populaires par son saupoudrage social d’une fraction de la rente pétrolière, par le mépris que la majorité sunnite voue aux 10 à 20 % de chiites qui grondent dans l’est du pays, par la crainte de l’Iran enfin. L’indulgence internationale dont bénéficie la monarchie saoudienne lui procure un bouclier de plus."

lundi 5 mars 2012

Jour 1759

L'amnésie récidive

Le blog Droit des enfants du Monde, le 4 mars 2012 : 

"D’ordinaire on fait reproche aux candidats aux élections d’avoir une mémoire sélective en oubliant leurs engagements une fois élus. Le président-candidat inaugure une nouvelle forme d’amnésie : l’oubli des lois qu’il a fait voter durant son quinquennat, et même durant toute la période où depuis 2002 il a eu comme ministre de l’intérieur des responsabilités sur le terrain de la sécurité ! Le passage de son discours de Bordeaux sur la justice des mineurs est révélateur. Affirmant qu’« un mineur hyperviolent de 16 ans n’est plus un enfant », ce qui en soi manque de base scientifique, mais ne nous arrêtons pas sur ce point pourtant ... majeur, Nicolas Sarkozy veut que ce jeune soit jugé comme un adulte et donc ne relève plus d’un juge des enfants. Il en vient donc à prôner l’abaissement de la majorité pénale de 18 à 16 ans. [...] Tout d’abord les deux lois de mars et septembre 2007 ont singulièrement facilité le retrait de l’excuse atténuante de minorité aux jeunes de plus de 16 ans, mais de moins de 18 ans ayant commis un délit ou un crime. Quitte à devoir motiver leur décision, les juges peuvent aisément leur retirer ce « privilège » qui leur permet d’encourir une peine de moitié inférieure à celle encourue pour un acte équivalent commis par un adulte. Ils seront condamnés comme des majeurs. Et la loi elle-même retire automatiquement cette excuse au mineur en situation de double récidive, quitte aux juges à oser la rétablir en motivant leur décision. En d’autres termes sait-on qu’en France un jeune de 16 ans peut être condamné à la réclusion criminelle à perpétuité ? Deuxièmement le dispositif de peines-plancher est totalement applicable aux mineurs de 16-18 ans comme aux majeurs. Troisièmement : des jeunes de 16 ans peuvent être désormais jugés par le tribunal correctionnel pour mineurs, juridiction non spécialisée. Si ce jeune de 16 ans est hyper violent comme l’avance le candidat-président, il aura déjà commis un délit et relèvera donc de ce tribunal institué par la loi du 10 août 2011 qui peut ne comprendre qu’un juge des enfants pour deux juges non spécialisés. Au 1er janvier 2013, ce TCM se verra adjoindre deux jurés populaires. En d’autres termes sur 5 juges il n’y aura dans la juridiction qu’un de ces juges des enfants dont Nicolas Sarkozy se méfie. Faut-il ajouter que si les faits sont aussi graves que ceux que vise N. Sarkozy on sera dans le registre de la cour d’assises où, là encore, les juges des enfants sont minoritaires – deux pour une cour de 9 juges, professionnels et jurés compris. Ainsi le candidat oublie bien ce que le président a déjà fait pour faire juger comme des adultes les jeunes de 16 ans « hyper violent »."

dimanche 4 mars 2012

Jours 1757 & 1758

Riche + puissant = gros con

Le Monde, 2 mars 2012 :

"Dans un climat politique où il est tant question d'opposition entre les "élites" et le "peuple", voici une étude qui devrait faire couler beaucoup d'encre. Et pour cause : des chercheurs américains et canadiens documentent, dans l'édition du lundi 27 février de la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), l'existence d'une relation inverse entre élévation dans la hiérarchie sociale et éthique du comportement individuel. C'est-à-dire, exprimé de manière un peu plus directe, que plus vous êtes riche, plus vous êtes susceptible de vous comporter de manière moralement lamentable. L'équipe américano-canadienne menée par Paul Piff (université de Californie à Berkeley) a quelques arguments. Les chercheurs ont mené pas moins de sept protocoles expérimentaux différents, qui concluent tous dans le même sens. 

"CUPIDITÉ" 

Le premier est simple : il s'est simplement agi de se poster à un carrefour et d'observer les véhicules pris en flagrant délit de refus de priorité. La deuxième expérience, très semblable, a quant à elle consisté à relever les situations dans lesquelles un piéton engagé sur un passage ad hoc se fait couper la route par une voiture. Dans les deux cas, les chercheurs ont classé les véhicules en cinq catégories, des épaves roulantes (groupe 1) aux berlines de luxe (groupe 5). Résultat : près de 30 % des véhicules du groupe 5 forcent le passage aux voitures prioritaires, un taux quatre fois supérieur aux groupes 1 et 2, et trois fois supérieur aux groupes 3 et 4. Corrélation quasi identique pour le respect dû aux piétons... Mais, direz-vous, ce n'est pas parce qu'on a une belle voiture qu'on est nécessairement riche. Ce qui n'est pas faux. Aussi, les chercheurs ont complété ces deux expériences par d'autres, menées en laboratoire. A chaque fois, une centaine d'individus ont été invités à prendre connaissance de divers scénarios ou situations : atteinte d'un objectif au prix d'une entorse à la morale, captation d'un bien de manière indue au détriment d'un tiers, mensonge au cours d'une négociation, caution d'une faute dans le cadre professionnel. Puis les participants ont rempli un questionnaire répondant à la question de savoir dans quelle mesure ils seraient prêts à reproduire ces comportements. A chaque fois, une corrélation entre le statut social des participants et leur capacité à enfreindre l'éthique est mise en évidence. Une dernière expérience a consisté à placer près de 200 personnes devant un jeu informatique de lancer de dés : une somme d'argent leur était promise si le score atteint après cinq lancers était élevé. Mais, bien sûr, le jeu était pipé et le score ne pouvait excéder 12 points. Ceux qui ont rapporté des scores supérieurs aux expérimentateurs ont donc triché. Même en tenant compte de nombreux paramètres comme l'ethnie, le sexe, l'âge, la religiosité, l'orientation politique, il n'y a rien à faire, "la classe sociale prédit positivement le fait de tricher". A quoi tient ce lien entre hauteur sociale et bassesse morale ? En partie, répondent les chercheurs, "à une perception plus favorable de la cupidité"."

vendredi 2 mars 2012

Jour 1756

Vieux pots et soupe rance

Le Monde Diplomatique, 2 mars 2012 :

"Le 23 février dernier, Nicolas Sarkozy a annoncé à Lille : « Je veux être le porte-parole de cette France qui vit de son travail. En 2007, j’avais choisi le travail, je n’ai pas changé d’avis. » Depuis qu’il est entré en campagne, on ne sait pas ce qui est le plus admirable chez le président-candidat. Son audace à proclamer des intentions contraires à tout ce qui constitue le bilan de sa présidence ? [...] M. Sarkozy l’a promis : il ne retournera pas au Fouquet’s. Il fait comme si le problème avait été son choix de restaurant davantage que celui de ses convives, patrons du CAC-40, directeurs de journaux, vedettes de variété obsédées par le montant de leur impôt, empereurs de la télévision-poubelle, affairistes... Là, il jure que c’est terminé : « Il y a une infime minorité qui a beaucoup choqué les Français en faisant vraiment n’importe quoi. (…) Il y a un sentiment d’injustice. » Le président-candidat, qui pendant cinq ans a guerroyé contre « l’assistanat » en déclinant toutes les techniques de l’art d’ignorer et de stigmatiser les pauvres, afin surtout de les opposer entre eux, interdira « purement et simplement » (s’il est réélu) « les retraites chapeaux des hauts dirigeants ». Une promesse déjà faite en 2007. Hélas, la crise ne lui a pas laissé le temps de la réaliser puisqu’il fallait d’abord et d’urgence « réformer » les retraites, réduire la fiscalité pesant sur les fortunes, supprimer l’impôt sur les successions, amincir la fonction publique, durcir la justice pénale, combattre l’immigration, réglementer le droit de grève. Ne nous méprenons pas, toutefois, la (nouvelle) révolution fiscale de M. Sarkozy ne défera pas l’ancienne. L’augmentation déjà programmée de la TVA frappera en priorité les petits revenus (qui consomment une fraction plus importante de ce qu’ils gagnent) ; l’augmentation de la fiscalité directe que prévoient les candidats de gauche (MM. François Hollande, Jean-Luc Mélenchon, Mme Eva Joly) et d’extrême gauche (M. Philippe Poutou et Mme Nathalie Arthaud) inspirent au candidat sortant cette réflexion : « Si demain on a en France un génie, un Steve Jobs, est-ce qu’on doit le mettre dehors, ou est-ce qu’on doit, au contraire, l’avoir ? (…) Monsieur Hollande veut moins de riches en France, c’est son droit, moi je veux moins de pauvres. » Le milliardaire qu’on va spolier et décourager de « créer », celui dont la collectivité risque de se priver, c’est toujours Pablo Picasso ou Steve Jobs, jamais le rejeton incapable, le fils de famille qui hérite de l’entreprise et de la fortune de son père – François-Henri Pinault, Martin Bouygues ou Arnaud Lagardère, par exemple. Il n’en demeure pas moins que quand « le président des riches » se métamorphose en candidat du peuple, la mise en scène est soignée. Col roulé, visites dans les usines, repas à la cantine, M. Sarkozy n’hésite pas, comme autrefois (sans succès...) M. Edouard Balladur, à monter sur une table afin d’haranguer la foule. Entouré d’ouvriers d’Alstom portant la casquette de leur entreprise, le président — qui ne pouvait, il y a encore quelques semaines, se déplacer qu’entouré de policiers et qui, redoutant les éclats de l’assistance (que manifestement il supporte très mal…), ne s’adressait qu’à des publics triés sur le volet — privilégie dorénavant le refus du protocole, la spontanéité. Et n’oublie ni l’émotion ni le volontarisme : « L’usine qui ferme, c’est un drame. Je n’ai pas été élu pour dire : il n’y a rien à faire » (à Lille, le 23 février). Sa présidence ayant été marquée par la désindustrialisation accélérée du pays (lire, sur ce sujet, notre dossier dans le numéro de mars, en kiosques), les « drames » n’ont pas manqué. Un jour de 2006 où il ne s’entretenait ni avec Martin Bouygues, ni avec Alain Minc, ni avec Bernard Arnault, ni avec Bernard-Henri Lévy, M. Sarkozy, alors ministre de l’intérieur, avait confié à Paris Match : « Je suis comme la plupart des gens : j’aime ce qu’ils aiment. J’aime le Tour de France, le football, je vais voir Les Bronzés 3, j’aime écouter de la chanson populaire. » Sur ce terrain du « populisme » (pour presse people), le président français est, cette année, exposé à une concurrence plus vigoureuse qu’il y a cinq ans. En effet, avec la crise et la ponction par les banques d’une partie de la richesse nationale s’est généralisé le discrédit des grosses fortunes, des sportifs et des vedettes de variété exilées fiscalement à l’étranger, sans oublier celui des experts sonnants et trébuchants qui quadrillent les médias et les commissions gouvernementales (lire l’enquête de ce mois-ci sur les économistes à gages). Combat frontal contre une gauche qui n’aimerait et n’écouterait que des artistes snobs, nécessité d’un volontarisme libéral pour empêcher le déclin précipité du pays, thérapie de choc (cette fois, le « modèle allemand » a remplacé le britannique), les recettes idéologiques du candidat Sarkozy paraissent reprendre à l’identique celles d’il y a cinq ans. Les dimensions appel à la repentance après des années de bombance et réaffirmation de la « morale traditionnelle », ne sont pas non plus absentes. A propos de cette dernière, inspirée par l’ultra-droite américaine, le quotidien officiel du régime, Le Figaro, confie que le 7 février dernier, le président français aurait dit à son comité stratégique de campagne réuni à l’Elysée : « Il faut rassurer les catholiques et le socle de notre électorat. J’ai arbitré : le mariage gay et l’euthanasie, c’est non. » Emouvante défense de la laïcité, obsession de l’intérêt général… Le nombre modeste des opportunistes professionnels qui s’affichent aux côtés du président sortant indique, au moins autant que les sondages, que les deux mois qui viennent ne seront pas de trop à M. Sarkozy pour convaincre l’opinion qu’une fois de plus il a « changé ». Et que le changement de président impose donc de voter pour lui. L’exercice n’est pas gagné d’avance."

jeudi 1 mars 2012

Jour 1755

Vos médias vous protègent

L'Acrimed, 6 janvier 2012 :

"Un incident mineur ? Un dysfonctionnement interne lié à un acte de malveillance ? Non, c’est bien un bug phénoménal qu’a révélé le Canard Enchaîné dans son édition du 28 décembre, provoquant une série de contrôles de la Commission nationale informatique et libertés (CNIL) au siège strasbourgeois d’Euro-Information, la filiale informatique du Crédit Mutuel, ainsi qu’au siège du Républicain Lorrain à Woippy, dans la banlieue de Metz. De quoi s’agit-il ? Si la majeure partie des journalistes des titres détenus par le Crédit Mutuel n’en avaient pas conscience, il se trouve que nombre d’entre eux avaient accès à des informations bancaires de toutes sortes, simplement en ouvrant des dossiers via leur boîte mail Outlook Express. Une « navigation » rendue possible par le fait que les activités presse et celles de la banque sont installées sur la même plateforme informatique, qui n’était plus, ou pas, ou pas encore, verrouillée. Une situation qui durait en réalité depuis de longs mois, ayant même fait l’objet de questions tout à fait officielles, de la part de représentants du personnel, dans les instances d’un de ces journaux. Voilà qui vient démontrer par l’absurde que lorsque le Syndicat National des Journalistes, première organisation de la profession, se bat contre la mutualisation et la concentration à tous crins des moyens, ce n’est pas sans fondement. En l’espèce, avoir les économies d’échelle pour seul horizon va manifestement à l’encontre des libertés individuelles et de la confidentialité des données personnelles. Car si les journalistes avaient accès à des informations bancaires, comment ne pas imaginer que l’inverse était également vrai ? Big Brother n’est pas uniquement de la science-fiction. Il aurait fallu colmater ces tuyaux percés, c’est désormais chose faite, mais par la même occasion, la banque fédérative a fait la démonstration qu’elle pouvait très bien verrouiller… l’information, en interdisant la parution dans « ses » journaux de la dépêche AFP résumant l’affaire. Information dérangeante s’il en est pour un banquier, censé assurer la sécurité des données personnelles de ses clients. Au Progrès, à Lyon, la brève n’est restée sur le site internet du journal que quelques heures. Un acte de censure ou d’auto-censure de la part de rédacteurs en chef zélés. Pas un mot, pas une ligne dans les autres quotidiens, à l’exception notable des sites internet du Journal de Saône-et-Loire et du Bien Public, passés entre les mailles de la censure. Comme si, à l’heure d’internet, l’information circulait encore par un canal unique et qu’il suffisait de l’obstruer pour que le citoyen n’en sache rien. Le SNJ condamne vigoureusement cette atteinte à la liberté d’informer, qui porte en elle les germes de dérives futures gravissimes. Que se passera-t-il le jour où la banque devra affronter des difficultés importantes, voire un scandale de l’ampleur du dossier Kerviel ? Faut-il croire sur parole Michel Lucas, le banquier papivore, lorsqu’il prétend n’avoir jamais fait preuve d’interventionnisme dans les journaux détenus par le Crédit Mutuel ? A quelques mois de la Présidentielle, cette affaire démontre l’urgence pour le législateur de reconnaître l’indépendance juridique des rédactions qui permettrait de découpler le pouvoir éditorial de celles-ci du pouvoir économique des actionnaires et de certains annonceurs, comme le revendique le SNJ."