Vous allez un peu trop loin m'sieur
Le Monde, 1 novembre 2011 :
"Depuis son institution en France par un décret du 4 mai 2008, le passeport biométrique a suscité de très nombreuses polémiques. Saisi par plusieurs recours contre ce décret, le Conseil d’État, dans sa décision du 26 octobre 2011, vient d’annuler partiellement son article 5 qui autorisait la conservation de huit empreintes digitales de chaque détenteur de ce titre dans une base de données centralisée intitulée TES (Titres Électroniques Sécurisés). Reprenant à son compte les arguments développés par la CNIL dès la fin de l’année 2007, la plus haute juridiction administrative considère en effet qu’enregistrer une telle quantité d’empreintes dans cette base apparaît inadéquat au regard de la finalité officiellement mise en avant pour en justifier la nécessité : sécuriser la procédure de délivrance de ce document. Elle rappelle en outre qu’une telle initiative ne respecte pas les recommandations formulées par le règlement européen du 13 décembre 2004 ne prévoyant que le stockage de deux empreintes digitales également insérées dans la puce que contient cette nouvelle forme de passeport. [...] la récente adoption en première lecture par l’Assemblée nationale et le Sénat d’une proposition de loi (relative à la protection de l’identité) visant à instituer une nouvelle carte nationale d’identité biométrique apparaît tout aussi controversée. Là encore, un des principaux problèmes soulevés par ce texte réside dans la possibilité de verser dans la base TES les empreintes digitales et les images faciales des futurs titulaires de ce titre d’identité susceptibles par la suite d’être exploitées à de larges fins d’enquêtes policières (notons au passage que l’exploitation de ces images faciales est érigée en priorité par le Livre blanc sur la sécurité remis à Claude Guéant le 26 octobre 2011). Le 27 octobre, la CNIL a rendu publiques ses observations en la matière. Pointant une fois de plus les dangers inhérents à la constitution d’un fichier centralisé de données biométriques sensibles, elle a aussi tenu à rappeler qu’il convient de ne pas confondre deux types de finalités bien distinctes ne renvoyant pas aux mêmes enjeux en matière de protection des données personnelles : d’une part la gestion administrative des procédures de délivrance des titres, d’autre part le recours aux identifiants biométriques dans le cadre de missions de police judiciaire."