mercredi 31 mars 2010

Jour 1057

Synchronicité

L'Acrimed, le 29 mars 2010 :

"« Qui pour 2012 ? Les présidentiables de l’Obs » : « Le Nouvel Observateur a demandé à une centaine d’intellectuels et d’artistes, amis de la gauche, ainsi qu’à un panel d’un millier d’abonnés de jouer à la "Star Academy de la gauche, saison 2012" . Leur mission : désigner le meilleur candidat de l’opposition pour la prochaine élection présidentielle ». Ainsi – c’est du moins ce qu’il laisse croire – Le Nouvel Obs s’amuse et amuse ses lecteurs… [...] On se contenterait volontiers de renvoyer les 14 pages de ce dossier (dont 7 pages de publicité) à leur insignifiance, si elles ne mettaient en évidence la vision personnalisée et dépolitisée de la politique [...] La précision qui ouvre le commentaire des « résultats » en dit long sur ce qu’on peut y trouver : « Précisons-le d’emblée, la moitié des leaders d’opinion approchés ont refusé de participer, jugeant souvent l’opération prématurée. Plus d’un lecteur sur deux s’est essoufflé avant la fin du questionnaire, 62% d’entre eux peinant à désigner un favori. » Autrement dit, ce sondage est absolument dénué de toute signification, sauf une, peut-être : il suggère que les sondés sont plus lucides sur sa vacuité que ses commanditaires. [...] Mais il manque la touche finale, et c’est l’indispensable Jacques Julliard qui l’apporte, dans sa « chronique » publiée dans le même numéro. Quelques pages après le fameux « dossier », notre éditorialiste s’inquiète du « virus de l’abstention ». Certes, elle est moins forte « lors de la présidentielle, dont les enjeux sont plus clairs ». Mais cela ne saurait le rassurer complètement : « je m’interroge en effet sur la valeur civique d’une cérémonie qui tient désormais pour partie du jeu télévisé ou du reality-show. Aux yeux de beaucoup, la présidentielle, c’est la Ferme Célébrités ». Jacques Julliard peut être satisfait : Le Nouvel Observateur a rehaussé la « valeur civique » de cette « Ferme Célébrités », en confiant la pré-sélection de l’un des participants à une « Star Academy de la gauche »."

Si j'étais moins mauvais je bosserais pour l'Acrimed, en attendant je peux leur donner des sous et vous aussi, ou prenez leurs des cartes postales !

mardi 30 mars 2010

Jour 1056

Les rats quittent le navire

Libération, le 30 mars 2010 :

"Alain Juppé joue les mouches du coche, picotant, ce mardi matin, la majorité sur le – toujours controversé – bouclier fiscal. L’ancien Premier ministre suggère, sur France Info, de revenir sur cette mesure emblématique voulue par le président de la République et votée à l’été 2007, expliquant que depuis, «les choses ont changé, la crise est venue». Qu’«on demande aux très riches de faire un effort de solidarité supplémentaire vis-à-vis de ceux qui souffrent dans la crise»? Juppé n’en serait pas «choqué», estimant qu’«il faut s’interroger sur ce qu’on appelle le bouclier fiscal». «On voit aujourd’hui qu’une petite minorité de très riches ne cesse de s’enrichir», appuie-t-il."

Le blog d'Alain Juppé le 19 février 2008 : :

"Après l’avoir porté au pinacle, voici que les “observateurs” du microcosme tirent à boulet rouge sur Nicolas Sarkozy. [...] Je sais par expérience qu’il faut du temps pour que les réformes produisent leurs effets bienfaisants. Il faut d’abord labourer, puis semer, puis arroser, avant de récolter. Le bon paysan sait attendre."

Alain Juppé n'est donc pas un bon paysan (pour ceux qui en doutait) et il a le sens du timing (2012 ça se prépare...). Les hommes (et les femmes) politiques français ne prennent même plus le soin de cacher leurs ambitions derrière le voile d'une vision politique, même modeste. Il ne nous reste plus qu'à départager les participants de cette course de rats le temps d'une élection. Il faudra alors voter pour celui qui saura nous rassurer, nous choyer et nous faire espérer. Juste avec quelques phrases éparses, des formules, des slogans répétés du papier aux écrans. Celui qui nous proposera un avenir qui ne devra pas aller plus loin que notre feuille d'impôts.

Nous sommes devenus petits, violents et mesquins. Le processus démocratique a été respecté : nous avons un président qui nous ressemble.

lundi 29 mars 2010

Jour 1055

La droite ment (encore)

La rubrique désintox de Libération, le 27 mars 2010 :

"l’occupation par Georges Tron, nouveau secrétaire d’Etat à la Fonction publique, d’un logement social à prix minoré ne pouvait que susciter une vive polémique. D’où la réplique immédiate de Tron : «Il ne s’agit pas d’un appartement HLM mais d’un appartement ILN [immeuble à loyer normal], ce qui signifie qu’il n’y a aucun système de conventionnement, aucun seuil, ni plafond de loyer à l’entrée dans les lieux», s’est-il défendu, ajoutant pour contester les affirmations du Canard (qui parlait de 1 200 euros de loyer hors charge) : «Le loyer principal se monte à 1401,88 euros et les charges sont d’un montant de 591,63 euros. Cela fait apparaître un loyer plus charges de 1993,51 euros mensuels.» [...] Le cadre réglementaire régissant l’immeuble qu’il habite prouve qu’il est bel et bien locataire d’un logement social. Le propriétaire de ce bâtiment est la société HLM-Domaxis. Et contrairement à ce qu’affirme le secrétaire d’Etat, les loyers dans son immeuble sont plafonnés. Ils sont encadrés par la réglementation HLM. Ils ne peuvent pas dépasser un certain niveau. [...] Georges Tron paye 11,88 euros du mètre carré (sans compter la surface de sa terrasse). Or dans le XVe arrondissement, où se trouve son appartement, le niveau des loyers dans le privé est de plus de 20 euros du mètre carré. Comme il est facile de le voir en consultant les annonces publiées dans les journaux ou les sites internet : les rares offres de location d’appartements de plus de 100 m2 dans son quartier s’affichent à des tarifs souvent supérieurs à 2400 euros hors charges. Dans le privé, pour 1400 euros hors charges (le loyer payé par Tron) on trouve au mieux des appartements de 70 m2 à 75 m2."

samedi 27 mars 2010

Jours 1053 & 1054

Voilà ce qui arrive aux (véritables) opposants

L'Express, le 26 mars 2010 :

"Un chef d'escadron de gendarmerie a été radié des cadres par "mesure disciplinaire", une mesure rarissime. La raison: il a critiqué le rapprochement police-gendarmerie au sein du ministère de l'Intérieur. Cette mesure, la plus lourde en la matière, prise par un décret du président de la République, a été "signifiée ce jeudi" à l'intéressé, Jean-Hugues Matelly, 44 ans, a précisé son avocat, Me David Dassa-Le Deist.[...] "Il n'y a pas de précédent pour un manquement à l'obligation de réserve" qui était reprochée à M. Matelly, "y compris pour des gendarmes ayant fait l'objet de mesures pénales comme dans l'affaire des paillotes (brûlées en Corse en 1999)", a-t-il ajouté. Cristian Mouhana s'est déclaré "scandalisé" par cette mesure "jamais utilisée dans un tel cadre", qui "reflète le malaise de la gendarmerie que la hiérarchie ne veut pas entendre". "Le rapprochement police/gendarmerie, cela signifie la fin de la police de proximité telle que les gendarmes la pratiquaient", a-t-il ajouté, "ce qui était dit dans notre étude". "Cette décision gouvernementale nous prépare des lendemains qui chantent en matière de débats sur la sécurité", a aussi fait valoir M. Mouhana. [...] La décision de suivre la proposition de sanction de l'instance disciplinaire de la gendarmerie appartenait en dernier ressort au président de la République."

vendredi 26 mars 2010

Jour 1053

Nez bouché

Libération, le 25 mars 2010 :

"L'organisation et la mise en œuvre de la campagne de vaccination contre la grippe H1N1 ont coûté à ce jour 670 millions d'euros, selon des estimations des ministères de la Santé et de l'Intérieur.

Le premier poste de dépenses concerne les vaccins, dont 94 millions de doses avaient été initialement commandées. Elles sont évaluées à 334 millions d'euros pour l'acquisition des doses et à 48 millions d'euros pour l'indemnisation des laboratoires après l'annulation d'une partie des commandes par la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot.

[...]

Le coût du dispositif des bons de vaccination (incluant la gestion informatique, l'édition et l'expédition) est évalué à 52 millions d'euros."

Les quatre laboratoires concernés sont Sanofi, GSK, Novartis et Baxter.

Dans le Parisien, le 26 janvier 2010 :

"Différents groupes d’experts conseillent la directrice générale de l’OMS, Margaret Chan, quant aux décisions relatives à la grippe A. Or plusieurs de ces scientifiques ont des liens financiers avec des laboratoires pharmaceutiques.

[...]

BRUNO LINA
Français, responsable d’un comité technique de l’OMS, virologue au CNRS en France, par ailleurs rémunéré par Roche, Novartis, GSK et Sanofi-Pasteur. Egalement membre du comité français de lutte contre la grippe.

JUHANI ESKOLA
Finlandais, membre du comité du Sage de l’OMS, directeur de l’Institut de la santé d’Helsinki et aussi rémunéré par Novartis et GSK.

PETER FIGUEROA
Jamaïquain, membre du comité du Sage, professeur à la faculté de sciences de Kingston et aussi rémunéré par Merck.

ALBERT OSTERHAUS
Néerlandais, expert au comité vaccination-grippe A de l’OMS, actionnaire de Viroclinics, qui développe des traitements contre la grippe A.

MALIK PEIRIS
Chinois, membre du comité du Sage, professeur à la faculté de médecine de Hongkong et aussi rémunéré par Baxter, Sanofi-Pasteur et GSK.

NEIL FERGUSON
Anglais, expert au comité de vaccination grippe A de l’OMS, professeur de médecine à l’Imperial College et aussi rémunéré par Baxter, GSK et Roche.
"

jeudi 25 mars 2010

Jour 1052

Au feu les pompiers !

La Ligue des Droits de l'Homme, le 23 mars 2010 :

"La semaine dernière, cinq pompiers catalans ont été présentés à des millions de téléspectateurs comme des assassins de policiers : ils avaient été filmés à leur insu, à Dammarie-les-Lys, dans un supermarché où ils faisaient leurs courses en parlant entre eux… le catalan.

Les fins limiers qui avaient récupéré la bande de vidéosurveillance de cette entreprise privée (destinée à « protéger » le commerçant contre les chapardages, chacun l’avait compris) n’ont pas hésité à prendre le catalan pour du basque, ni à considérer que parler basque en public signait une appartenance à ETA (les terroristes étant bien sûr si stupides qu’ils parlent toujours des langues étrangères en public…).

Ces cinq pompiers ont eu plus de chances de survie que le touriste brésilien tué « par erreur » par la police dans le métro de Londres en 2005 parce que la caméra de vidéosurveillance l’avait montré avec… un sac à dos « suspect ». Mais il est peu probable qu’ils reviennent de sitôt en France pour une autre formation de lutte contre le feu. Il est même permis de penser qu’ils se sentent mieux « protégés » depuis leur retour en Catalogne.

Lundi 22 mars, on apprend que dans certaines villes du sud-est de la France les caméras de vidéosurveillance sont utilisées pour verbaliser les propriétaires de véhicules en stationnement interdit. La « vidéoprotection » contre les dangers de la vie urbaine progresse à pas de géant…

Avant que les fumeurs et les propriétaires de chiens ne « respectant pas le caniveau » ne soient à leur tour l’objet de pareille sollicitude sécuritaire, la Ligue des droits de l’Homme tient à alerter les citoyens sur le rythme effréné de la contamination de certains élus locaux par le virus de la surveillance généralisée. La société des « miradors invisibles » n’est ni plus sûre, ni simplement supportable… y compris pour les « honnêtes gens qui n’ont rien à cacher », qu’ils soient français ou catalans."

mercredi 24 mars 2010

Jour 1051

Aujourd'hui c'est documentaire

mardi 23 mars 2010

Jour 1050

A vot' bon coeur MAM

Le Syndicat de la Magistrature, le 19 mars 2010 :

"Des milliers d’agents du ministère de la justice, avocats, magistrats, conseillers prud’hommes, citoyens étaient, le 9 mars, dans les rues de Paris ou devant les tribunaux pour crier leur inquiétude et leur colère devant l’asphyxie et la mise sous tutelle qui menacent la justice en France.

À cette mobilisation, sans précédent et unitaire, du monde judiciaire, Madame la ministre de la Justice et des Libertés a répondu… par un communiqué de presse qui affirme que tout va bien, vu de la place Vendôme.

La garde des Sceaux, qui n’a même pas jugé opportun de rencontrer elle-même une délégation, n’hésite pas à affirmer sa volonté d’écoute et de transparence tout en altérant la vérité. Les organisations professionnelles de la justice ne peuvent admettre un tel mépris face à leurs légitimes inquiétudes.

Non, les réformes ne sont pas menées dans la concertation. Elles sont ficelées dans l’opacité et non négociables sur l’essentiel.

Non, la mise en oeuvre des réformes ne se passe pas dans les meilleures conditions, mais s’accompagne de la dégradation des conditions de travail et du service rendu aux justiciables.

Non, la réforme de la procédure pénale n’a pas pour seul objet de rassembler des règles éparses, mais bouleverse de fond en comble les équilibres antérieurs."

lundi 22 mars 2010

Jour 1049

Je vous reçois 2 sur 5

Editorial du Monde, le 20 mars 2010 :

"Si l'on ajoute aux 53,6 % d'abstentionnistes les 3,7 % de votes blancs et nuls, ce sont près de trois électeurs sur cinq qui n'ont pas pris part au premier tour des élections régionales ou qui ont récusé les choix qui leur étaient proposés. [...] Occultée le temps du scrutin présidentiel de 2007 (87 % de participation), cette désaffection électorale et politique est trop profonde pour être contrecarrée en l'espace d'une semaine. Depuis deux décennies, elle a été provoquée par le chômage, la pauvreté et l'exclusion, accentuée par l'érosion des attachements idéologiques et partisans, renforcée par l'impuissance des responsables politiques à entendre, ou à soigner, les anxiétés de la société française."

dimanche 21 mars 2010

Jours 1047 & 1048

L'Alsace toujours en zone occupée

Ou comme une merde au cul, c'est selon...

vendredi 19 mars 2010

Jour 1046

Un état de Droit(e)

Le blog Hexagone de Libération, le 19 mars 2010 :

"«Vous n’avez toujours pas compris ?» La fonctionnaire de la mairie de Créteil chargée de recevoir les Français, en quête d’une carte d’identité ou d’un passeport, manifeste un certain agacement. Et bien non, Joseph Christian Messina n’a toujours pas compris. Il est français, titulaire d’un passeport et d’une carte d’identité sécurisée. Depuis plus de huit ans, cet homme massif et calme est également fonctionnaire de police, donc obligatoirement français. Mais il est né au Cameroun (et, accessoirement, il est noir). [...] A la dame de la mairie, Joseph Christian Messina montre ses papiers: sa carte d’identité en cours de validité, et la précédente expirée. Pour lui, ils attestent qu’il est français. Et, puisqu’il est français, ses enfants le sont aussi, automatiquement, par filiation. Oui mais non, lui répond en substance la fonctionnaire. «Vous n’avez pas besoin d’un certificat de nationalité pour vous, mais pour vos enfants, si», martèle-telle. [...] Joseph Christian Messina se demande s’il ne va pas quitter la France. Pour où? «Le Canada.»"

jeudi 18 mars 2010

Jour 1045

De la politique au télé-marketing...

Le Figaro, le 18 mars 2010 :

"Dans la dernière ligne droite avant le second tour, le parti majoritaire n'hésite pas à mobiliser les abstentionnistes en les appelant directement à leur domicile. [...] elle permet à l'UMP de réaliser des économies : «C'est bien moins cher que faire imprimer un tract et le glisser dans les boîtes aux lettres» [...] Pour les régionales, ça n'arrête pas : on en est déjà à 4 ou 5 millions d'appels». Soit près de 10% de la population française."

Jour 1044

La droite et les morts

Le Figaro, 18 mars 2010 :

"En meeting à Paris mercredi soir pour soutenir Valérie Pécresse, François Fillon a appelé «ceux que la violence inquiète» et «qui veulent faire reculer la peur» à ne pas se «disperser dans leurs votes» [...] «L'insécurité est un combat permanent. C'est un combat sur lequel personne ne peut faire de triomphalisme, parce que la violence se réinvente en permanence», a martelé le premier ministre devant plus de 2.000 personnes.

Mais en plein discours, François Fillon a commis une bourde. «La semaine dernière à Epernay, des voyous ont violemment caillassé des policiers qui procédaient simplement à un contrôle routier. L'un d'entre eux vient de décéder. Caillasser, insulter, vandaliser, tirer, tuer : désormais il semble qu'il n'y ait plus aucune limite pour certains», a argué le premier ministre.

Problème : le policier en question n'est pas décédé. [...] «En cette période électorale, vouloir à tout prix faire de la récupération, je ne sais pas si c'est forcément de bon ton et judicieux», déplore le délégué syndical [Olivier Balangé, délégué régional Champagne-Ardennes du syndicat de police SGP-FO]"

mercredi 17 mars 2010

Jour 1043

Sans rire

Sur le Figaro.fr, la citation du jour est sélectionné par le site evene, celle du 17 mars a pour papa Alan Moore :

"Les citoyens ne devraient pas craindre leur gouvernement, c'est le gouvernement qui devrait craindre ses citoyens."

C'est con mais ça me fait rire de lire ça sur le site du Figaro

mardi 16 mars 2010

Jour 1042

Faites attention

Une tribune du secrétaire général du Syndicat de la Magistrature dans l'Humanité, le 10 mars 2010 :

"Qui bénéficiera de la réforme de la Procédure pénale voulue par le gouvernement ?

En matière pénale, on peut juger de la qualité d’un système au degré d’indépendance qu’il laisse à la justice pour lutter contre la délinquance des puissants, hommes politiques, notables, chefs d’entreprise – cette délinquance que le pouvoir exécutif, par intérêt ou par faiblesse, préfère souvent ne pas regarder en face.

Partant, l’avant-projet de réforme présenté le 1er mars constitue une régression d’une ampleur peu commune.

La situation n’était déjà pas reluisante.

Ces dernières années, les procureurs de la République ont encore vu se raccourcir la laisse qui les attachait au ministère de la justice. Leur carrière est entièrement entre les mains de l’exécutif, qui n’hésite plus à contrer les avis du Conseil supérieur de la magistrature. Il y aurait d’ailleurs beaucoup à dire sur les nominations des responsables des principaux parquets – où l’obéissance devient un critère de recrutement plus décisif que la compétence ou l’envergure professionnelle. Bref, tout fonctionne déjà selon le paradoxe suivant  : alors que l’autorité judiciaire devrait, par vocation, porter haut son indépendance, le fonctionnement du parquet en fait un des corps les plus poreux à cette culture de la soumission déjà maintes fois dénoncée. Cette culture, il ne faut pas s’en étonner, transpire dans le traitement actuel des « affaires » par les parquets, traitement le plus souvent conforme aux attentes du pouvoir. Ainsi, les procureurs ne saisissent plus qu’exceptionnellement des juges d’instruction, dont l’indépendance les effraie  : à Paris, le pôle financier ne reçoit presque plus de dossiers, à tel point que les magistrats qui en partent ne sont maintenant plus remplacés.

De fait, l’opportunité des poursuites se transforme en opportunisme. La liste n’en finirait pas de ces affaires classées ou de ces non-lieux requis, non par manque de charges, mais à cause du nom du mis en examen. Comment d’ailleurs reprocher ces errements aux procureurs eux-mêmes, quand le moindre accent d’autonomie peut leur valoir une mutation quasiment disciplinaire, et alors même qu’une précédente garde des Sceaux, pour donner le ton de la reprise en main, avait affirmé sans hésiter qu’elle était le « chef des procureurs »  ?

Mais, en introduisant trois nouvelles brèches dans la procédure pénale, le gouvernement est en train de rendre, de fait, illusoire, toute volonté de lutter contre la délinquance des puissants.

La prescription des infractions, tout d’abord. Parce que certaines d’entre elles, abus de confiance ou de biens sociaux, sont par nature dissimulées, la justice considère que leur prescription ne commence à courir qu’à partir de leur découverte, et non de leur commission. Cet aménagement réaliste s’est toujours heurté à un fort lobbying de certains milieux d’affaires, qui voulaient se servir de la prescription pour échapper aux poursuites. Ils viennent de remporter une lourde victoire. En faisant partir en ces matières la prescription de la date de commission des faits, le projet hypothèque pour l’avenir la conduite d’un nombre important d’affaires, dont la liste, pour le passé, laisse songeur  : Elf, Angolagate, frégates de Taïwan…

L’indépendance de la direction d’enquête, ensuite. En supprimant le juge d’instruction sans le remplacer par un parquet indépendant, le gouvernement soumet à son influence le cœur de la procédure, c’est-à-dire l’enquête pénale, le recueil des preuves, et surtout la stratégie. On pourra prévoir à la marge tous les arrangements possibles  : si la direction de l’enquête ne demeure pas, dans les affaires les plus sensibles, un bastion d’indépendance, cela signera l’échec assuré de toutes ces enquêtes, ou plutôt leur conduite au bon vouloir du pouvoir exécutif. Il est si facile de faire semblant d’enquêter quand on ne veut déboucher sur rien.

Mais, objectera-t-on, il restera toujours un tribunal pour juger les personnes et les enquêtes. Pas du tout. Le projet parachève une évolution commencée il y a quelques années, consistant à confier au parquet le pouvoir de juger. Ainsi, le fameux « plaider coupable » deviendrait applicable à tous les délits, ce qui ferait entrer dans son champ des infractions telles que la corruption, le trafic d’influence, le détournement de fonds publics… Il sera donc loisible aux procureurs de négocier les peines dans le secret d’un cabinet, et de faire échapper, à l’audience publique et à tout contrôle démocratique, les affaires qu’ils voudront.

La boucle sera alors bouclée. Le procureur de la République dépendant aura pris la place du juge indépendant. Des turpitudes de ses élites, le peuple ne saura plus que ce qu’on voudra bien lui dire. En revanche, un soupçon gigantesque s’immiscera partout et les décisions des procureurs deviendront, à tort ou à raison, suspectes de partialité. La perte du sentiment d’égalité devant la loi contribuera un peu plus au ressentiment général. L’institution judiciaire, on s’en doutait, n’y aura rien gagné, et la société, si elle n’y prend garde, y perdra beaucoup."

lundi 15 mars 2010

Jour 1041

Good bye and thanks for the fish

Le Figaro, le 15 mars 2010 :

"Selon les résultats définitifs, moins d'un électeur sur deux s'est déplacé pour le premier tour des élections régionales, plaçant l'abstention au niveau record de 53,6%."

dimanche 14 mars 2010

Jours 1039 & 1040

Le monsieur te demande...

François Fillon réfléchit (la Croix, 14 mars 2010) :

"J'estime que l'abstention qui a marqué le premier tour ne permet pas de tirer un enseignement national de ce scrutin"


vendredi 12 mars 2010

Jour 1038

Fédération Française des Fachos

Ligue des Droits de l'Homme, le 12 mars 2010 :

"S’il est effectif qu’une vigilance constante doit s’exercer afin de lutter contre le trafic de jeunes talents sportifs, en l’espèce il ne s’agit pas du tout de cette situation. Les licences sont réclamées pour des enfants, dont la famille vit ici, travaille ici, qui sont scolarisés ici, et qui veulent simplement une pratique de loisir. Outre les pièces habituelles, la justification d’état civil et d’un représentant légal sont parfaitement suffisantes. Pourtant, le renseignement d’une simple case sur la demande officielle de licence – français ou étranger – déclenche une curieuse chaîne d’illégalités qui prouveraient que la FFF, cherche à créer son propre droit spécifique au mépris de la loi. Les services administratifs exigent alors des actes qui soit n’existent pas, en l’occurrence « une attestation de présence en France depuis les 5 dernières années », soit n’ont pas à être demandés quand il s’agit d’enfants, à savoir un titre de séjour.

En effet, il convient de rappeler qu’un enfant sans papiers n’existe pas, et qu’il y a simplement des enfants, dont la CIDE rappelle que l’intérêt supérieur prime sur toute autre considération. De plus exiger la production d’une attestation de résidence de plus de 5 ans, qu’aucun service n’est en mesure de délivrer, revient à demander la justification de la régularité du séjour des parents sur une durée longue correspondant de fait au standard implicite quand il s’agit de la régularisation des sans papiers. La FFF se comporterait ainsi en supplétifs de la politique de l’immigration.

La LDH affirme qu’il s’agit bien d’une discrimination caractérisée envers des enfants du seul fait de la nationalité supposée ou réelle de leurs parents. La LDH, par lettre recommandée au président de la FFF en date du 26 février, a demandé la communication des instructions qui ont amené à une situation ahurissante de refus de permettre à des enfants de 6 ans de pratiquer le football, s’ils ne peuvent personnellement justifier de leur présence en France depuis plus de 5 ans. Pire, devant les protestations sur cette durée, les services de la ligue régionale auraient diminué à… 2 ans la longueur du temps, comme si la mesure serait ainsi plus justifiée, le cynisme s’ajoutant alors à l’incohérence.

La LDH demande à la FFF, à la ligue régionale d’Ile-de-France, et éventuellement aux autres structures de ne plus se comporter de fait en auxiliaire du racisme et de la xénophobie. Alors que la FFF prétend lutter contre ces fléaux à grands renforts de médiatisation, elle devrait d’abord montrer l’exemple dans sa propre maison et y faire acte de pédagogie. La FFF connaît-elle le dommage qu’elle cause chez ces jeunes qui ne demandent qu’à pratiquer et à apprendre ?

La LDH a décidé, si la preuve de l’annulation de la pratique en vigueur n’est pas apportée, c’est-à-dire la délivrance rapide des licences, d’une part de demander à la HALDE de se saisir de cette discrimination, et d’autre part de saisir la Défenseure des enfants de cette violation manifeste de la CIDE.

Le LDH attend des instances du football français qu’elles respectent la loi et qu’elles reviennent aux principes de déontologie sportive qui devraient être le souci de la première fédération de France."

jeudi 11 mars 2010

Jour 1037

Une police aveugle

Le Figaro, le 10 mars 2010 :

"Neuf mois après les faits, la commission nationale de déontologie et de sécurité (CNDS) a rendu ses conclusions dans l'affaire des échauffourées du 8 juillet dernier à Montreuil (Seine-Saint-Denis), où un homme a perdu son oeil droit après un tir policier de Flash-Ball. Et le verdict est accablant : la commission estime en effet dans son rapport que les trajectoires du Flash-Ball sont imprécises, et, que dans le cadre de cette affaire, son utilisation n'était pas nécessaire [...] La commission - mixte et indépendante - souligne par ailleurs des «négligences» et des «manquements professionnels graves» dans cette affaire, pointant du doigt la hiérarchie policière. Ce soir-là, trois policiers avaient utilisé leur Flash-Ball au cours d'une manifestation de soutien à des squatteurs. La CNDS déplore, dans son rapport de huit pages, que ces policiers n'aient pas reçu au préalable une formation, et qu'ils n'aient pas non plus eu de «debriefing» après cette intervention musclée, comme le requiert une note de service ministérielle. [...] En juillet, l'IGS avait déjà estimé que les policiers n'avaient pas respecté les règles, expliquant notamment que l'auteur présumé du tir, un policier de la brigade anticriminalité (BAC) «ne se trouvait pas en situation de légitime défense», lorsqu'il avait tiré sur la victime."

mercredi 10 mars 2010

Jour 1036

Montre moi tes prisons, je te dirais...

Libération, le 10 mars 2010 :

"Il a reçu 1272 lettres de saisines en 2009. Il a ouvert 734 dossiers. Visité 215 lieux de privation de liberté: prisons mais aussi hôpitaux psychiatriques, locaux de garde à vue, centres de rétention administrative… Il a aussi souvent mis «les pieds dans le plat», comme il dit. Jean-Marie Delarue, le contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) a été l’un de ceux qui a fait monter le débat sur la garde à vue. [...] Il livre aujourd’hui son deuxième rapport annuel, où il décrypte notamment «les politiques d’effroi» en vigueur dans certains lieux, qui écrasent toute dignité des personnes incarcérées. [...] Lors de son dernier rapport, Jean-Marie Delarue estimait: «La sécurité est un ogre jamais rassasié qui mange trop de droits de la personne.» [...] La caméra est censée «atténuer les effets des carences humaines», prévenir les agressions, assurer la protection des personnels, permettre la recherche des responsabilités en cas d’incidents… mais aussi «faire face aux réductions d’effectifs». Or, la caméra, symbolise aussi «la déshumanisation des rapports». La technique se substitue à la responsabilité des personnes. «Les centres pénitentiaires "modernes" sont l’illustration du recul de l’ "humain"»"

mardi 9 mars 2010

Jour 1035

Un autre genre de radiations

Le Monde, 8 mars 2010 :

"Transmis par une source anonyme, des documents internes d'EDF ont été rendus publics, samedi 6 mars, par le réseau Sortir du nucléaire. Ces données révèlent que, par conception, le réacteur EPR en construction à Flamanville (Manche) "implique un sérieux risque d'accident majeur". [...] Pour Sylvie Cadet-Mercier, de la direction de la sûreté des réacteurs de l'Institut pour la radioprotection et la sûreté nucléaire (IRSN), les documents mis en ligne par Sortir du nucléaire ne constituent pas un motif d'inquiétude."

lundi 8 mars 2010

Jour 1034

Irradié

La rubrique Desintox dans Libération, le 5 mars 2010 :

"Laurent Wauquiez, dans la Matinale de Canal +, le 26 février. «Depuis une quinzaine d’années, il y a une gestion statistique des chiffres du chômage, c’est-à-dire que l’ANPE a un certain nombre de biais qui sont destinés à le faire baisser. Je n’ai pas voulu rentrer là-dedans. Je vais juste en donner une illustration qui est simple : les radiations, depuis qu’on s’occupe de la politique de l’emploi, ont baissé de 20%. Les radiations, depuis un an et demi, ont baissé de 20%. On peut hausser les sourcils, ça, c’est la vérité.»

DESINTOX

On peut effectivement hausser les sourcils, car ce n’est pas vraiment la «vérité»… Depuis un an et demi, les radiations administratives de demandeurs d’emploi ont bien baissé, mais dix fois moins que ce qu’avance Laurent Wauquiez."

samedi 6 mars 2010

Jour 1032 & 1033

Ils reviennent

Libération, le 7 mars 2010 :

"Sa «liste chrétienne», en Ile-de-France, est passée relativement inaperçue. [...] Parmi les partis politiques, seuls les communistes et le Parti de gauche ont condamné l’initiative électorale de Boer, «militant tristement connu contre le droit à l’avortement» [...] Axel de Boer a inscrit son slogan: «Pour les régionales, votez pour la Vie!», et mentionne l’association Amen (Arrêtons le massacre des enfants à naître)"

vendredi 5 mars 2010

Jour 1031

C'est parti...

Big Brother, 3 mars 2010 :

"As you may have read, two Muslim women refused to go through full-body scanners at Manchester Airport this week.[...] To state the obvious; I'm not supporting these women because they're Muslims. I don't care what they are. I would stand up for anyone in this situation. If the first people to refuse to be scanned said they were Jedi, or a made up religion like Scientology, then I'd be on their side. Because I don't think that anyone should be compelled to go through the scanners. I note with interest that one of the women refused to go through the scanner for medical reasons - well, given that the government has made compulsory for fliers that which the best available guidance says is dangerous, I think that that should not be discounted. But to my mind the main issue is the significant - and unjustifiable - intrusion into private lives, the extension yet again of power by the state over the life of the individual. I've made my position on this clear elsewhere and all I'd add is that, people still constantly say - "well, if it makes us a little safer, it's worth it" - "if it saves one life, stops one crime..." - I spend a lot of time pointing out just what a specious argument that is. Plainly, it would "save one child" to ban the motor car, or introduce a night curfew, but we don't, because it would be disproportionate and we have to get on with normal life, even if we incur a slightly higher element of risk in doing so. We don't encourage people to take wild risks with cars, but we don't make liberty-reducing and disproportionate laws, either. We should react to the threat of terrorism in just the same way.[...] What kind of a free society does the Government think it is “protecting”, when it invades our privacy like this?"

jeudi 4 mars 2010

Jour 1030

Une crise qui rapporte

Le Monde Diplomatique, mars 2010 :

"Les Etats ont sauvé les banques sans exiger de contrepartie. Les banques retournent leur force retrouvée contre les Etats. [...] Goldman Sachs a donc aidé la Grèce à emprunter des milliards d’euros en secret. Puis, pour contourner les règles européennes limitant le niveau de la dette publique, la firme de Wall Street a conseillé à Athènes d’avoir recours à d’ingénieux artifices comptables et financiers. La facture de ces innovations a ensuite arrondi la plantureuse dette grecque. Qui gagne, qui paie ? Président-directeur général de Goldman Sachs, M. Lloyd Craig Blankfein vient d’encaisser un bonus de 9 millions de dollars ; les fonctionnaires hellènes vont perdre l’équivalent annuel d’un mois de salaire.

[...]

Mme Angela Merkel a jugé qu’il serait « honteux » que « les banques, qui nous ont déjà amenés au bord du précipice, aient également participé à la falsification des statistiques budgétaires de la Grèce ». De tels moulinets verbaux ne peuvent qu’indifférer Goldman Sachs. Interrogé sur le bonus de M. Blankfein, le président Barack Obama a d’ailleurs renoncé à s’en offusquer : « Comme la plupart des Américains, je ne médis pas du succès et de la fortune. Cela fait partie de l’économie de marché. » Ce « succès » sert — c’est connu — toute la collectivité : Goldman Sachs n’a-t-il pas payé dernièrement 0,6 % d’impôts sur ses profits ?"

mercredi 3 mars 2010

Jour 1029

God does not exist so relax and enjoy your life

The Independent, 3 mars 2010 :

"A premium rate phone line in France is offering Catholics the chance to confess their sins, for 34c (31p) a minute plus connection charge. But French bishops are attempting to disconnect Le Fil du Seigneur – or Line to the Lord – which was launched at the beginning of Lent.

The softly spoken male voice on the line offers touch-tone options: "For advice on confessing, press one. To listen to some confessions, press three," before warning, "In case of serious or mortal sins – that is, sins that have cut you off from Christ our Lord – it is indispensable to confide in a priest."

The telephone service is the brainchild of Camille Hautier, a self-declared Catholic. She said the Line to the Lord does not offer absolution for sins, which only a priest can provide. "The idea is to confess sins which are not capital sins, but minor sins, directly to God," she said.

Whether God is at the end of the line may be a matter of faith, but callers certainly don't get the option of talking to a person. Instead they are offered an "atmosphere of piety and reflection" where they can listen to prayers and music.

Some 300 people have called the hotline in its first week – although whether to confess their own sins or just to listen in to other people's transgressions is not clear.

The country's bishops were at pains to stress that the line had "no approval from the Catholic Church in France".

They conceded that telephone services had a role to play in supporting the aged, isolated or those with disabilities, but said: "It is unacceptable to allow confusion over the notion of confession. For the Catholic faithful, confession has a sacramental meaning and requires the real presence of a priest."

Le Fil du Seigneur declares on its website that its aim is to get young people to confess at a time when church attendance is in "freefall".

The number of people who describe themselves as Roman Catholics in France fell from 80 per cent in the early Nineties to 67 per cent in 2000. It now stands at 51 per cent of the population, but only a tenth of those go to church regularly.

Frédéric Lenoir, director of the magazine Le Monde de Religions, said the phone line was adding to commercialism and materialism in the world.

"If it was a free service that wanted to help people wishing to listen to religious music or prayers, then I would think it authentically Christian," he said. "But this is commercial. It's no different to people phoning to listen to their horoscope, so it must be transparent in what it is offering – and for how much."

Ms Hautier said that part of the money received for phone calls goes to charity. There is also a cheaper, non-charity line which costs 12c."

mardi 2 mars 2010

Jour 1028

La justice sous les eaux

Syndicat de la Magistrature, le 2 mars 2010 :

"L’information vient de tomber : la Chancellerie partage les opinions du comité de « réflexion » sur la justice pénale présidé par Philippe Léger, lui-même très largement en phase avec les desiderata du président de la République. Etonnant, non ?

L’architecture de « l’avant-projet du futur code de procédure pénale » est donc conforme aux craintes exprimées par l’écrasante majorité du monde judiciaire, ainsi que par de nombreux citoyens et parlementaires : à un parquet plus soumis et omniprésent que jamais sont censés faire face, chacun dans son rôle d’intermittent précaire, un nouveau juge à tout faire - surtout ce qu’on lui demande - baptisé « juge de l’enquête et des libertés » (JEL) et une défense dont le destin s’apparente décidément à celui d’un alibi procédural.

Ainsi le ministère public se voit-il confier le sort de toutes les enquêtes pénales, notamment les plus sensibles, sans aucune modification de son statut. Le texte précise seulement que les magistrats du parquet ne devront pas « exécuter des instructions individuelles qui seraient contraires à l’exigence de recherche de la manifestation de la vérité et de conduite des investigations à charge et à décharge »… Double plaisanterie en une phrase : un devoir de désobéissance au garde des Sceaux mal intentionné (il y en a donc !), alors que la carrière des procureurs dépend entièrement… du garde des Sceaux, et une exigence de totale impartialité qui n’est pas sans rappeler la supposée « schizophrénie » du juge d’instruction, à ceci près que le procureur est l’autorité de poursuite !

Il sera en pratique quasiment impossible de contrer l’inertie de ce parquet devenu surpuissant. La fameuse constitution de « partie citoyenne » est encadrée par de telles conditions qu’elle demeurera marginale. Quant au JEL, présenté par le garde des Sceaux comme un rempart inébranlable, il ne sera saisi durablement d’une procédure que si le parquet envisage contre le mis en cause une mesure privative ou restrictive de liberté. Dans le cas contraire, les demandes du procureur pourront être examinées successivement par différents JEL, qui ne pourront donc pas suivre le dossier.

Les « chambres de l’enquête et des libertés » (ChEL) pourront certes accomplir elles-mêmes des actes d’investigation, mais les chambres de l’instruction ont déjà cette faculté et n’en usent presque jamais pour des raisons évidentes : elles ont la charge de contrôler plusieurs milliers d’enquêtes, donc le pouvoir de n’en réaliser aucune.

Une disposition démontre particulièrement l’emprise du parquet sur cette nouvelle procédure pénale : le JEL ne pourra envisager de placer une personne sous contrôle judiciaire ou en détention provisoire que si le procureur de la République requiert l’une ou l’autre de ces mesures. Un tel mécanisme sera sans doute très utile lorsque des proches du pouvoir seront menacés d’incarcération ou même d’un cautionnement…

Le JEL est par ailleurs affecté d’un nouveau type de « schizophrénie » : il pourra juger celui contre lequel il aura autorisé une prolongation de garde à vue, une écoute téléphonique, une perquisition ou encore une sonorisation de domicile… Voilà qui devrait le placer dans de bonnes dispositions !

Quant à l’augmentation des droits de la défense, elle est aussi faible que celle des pouvoirs du parquet est importante. S’agissant de la garde à vue, il est ainsi toujours prévu de différer systématiquement l’intervention de l’avocat dans les affaires de criminalité organisée et de terrorisme, contrairement à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme. En matière de droit commun, l’avocat ne pourra assister aux auditions de son client qu’à partir de la 24ème heure et il n’aura pas accès à la totalité du dossier. Enfin, il n’est pas envisagé de réformer l’aide juridictionnelle, de sorte que le caractère profondément inégalitaire de notre défense pénale est une nouvelle fois validé.

Surtout, ce texte consacre l’appropriation policière du processus pénal. En effet, les officiers de police judiciaire seront de fait chargés de la quasi-totalité des auditions des personnes mises en cause, y compris parfois de « l’interrogatoire de notification de charges » - équivalent de l’actuelle mise en examen - et des interrogatoires postérieurs à cette notification, aujourd’hui réalisés par les seuls juges d’instruction. La séparation entre les phases policière et judiciaire vole ainsi en éclats, au péril de la qualité des procédures et d’une réelle direction d’enquête par l’autorité judiciaire.

En définitive, cet avant-projet de loi parachève un mouvement qui tend à déposséder de ses attributions le juge indépendant au profit du procureur dépendant et celui-ci au bénéfice du policier.

Concernant la détention provisoire, le texte n’est absolument pas à la hauteur des enjeux mis en lumière par le drame « d’Outreau ». Les critères n’ont pas été revus, les délais succèderont toujours aux délais, la décision d’incarcération restera confiée à un seul magistrat (le JEL), un juge de proximité pourra siéger au sein du « tribunal de l’enquête et des libertés » (TEL) compétent pour la prolongation de la détention provisoire et le procureur pourra faire échec immédiatement à une décision de non-prolongation au moyen d’un nouveau type de référé-détention.

Au-delà de cette configuration qui consacre un déséquilibre accru de notre système pénal, plusieurs dispositions éclairent les intentions réelles des rédacteurs de cet avant-projet.

Ainsi, en dépit de leur état indigne, maintes fois dénoncé, les « dépôts » de la région parisienne pourront « accueillir » les personnes déférées pendant 24 heures (et non plus 20 heures) avant qu’elles ne rencontrent un magistrat.

Par ailleurs, alors que la Cour de cassation limite déjà considérablement la portée des nullités de procédure, le texte prévoit qu’un acte ne pourra être annulé que si un acte illégal en est « le support exclusif et nécessaire ».

Last but not least, le gouvernement démontre une nouvelle fois sa bienveillance envers les milieux d’affaires en redéfinissant la prescription de l’action publique. En effet, si les délais passent de 10 à 15 ans en matière criminelle et de 3 à 6 ans pour la majorité des délits, l’avant-projet supprime le régime des « délits dissimulés ». Concrètement, cela signifie qu’en matière d’abus de confiance et d’abus de biens sociaux, le délai de prescription ne commencera plus à courir à compter de la découverte de l’infraction comme l’avait jugé la Cour de cassation, mais de la commission des faits. Ces délits étant par nature révélés longtemps après leur commission, ceux qui les commettent peuvent dormir tranquilles…"

lundi 1 mars 2010

Jour 1027

The Wire, french connection

Libération, le 25 février 2010 :

"Plusieurs écoutes téléphoniques visant les jeunes de Tarnac, en mars 2008, ont été dissimulées à la justice jusqu’à aujourd’hui. [...] Comme le Canard enchaîné l’a signalé, un de ces dispositifs d’écoute a été involontairement dévoilé par un agent de France Télécom à un cogérant de l’épicerie de Tarnac (Corrèze) en avril 2008. L’agent avait été à l’époque sanctionné. Depuis, la direction de France Télécom se mure dans le silence. Et pour cause. Ces écoutes ont été effectuées en dehors du périmètre de l’information judiciaire ouverte après les sabotages des lignes TGV, en novembre 2008, et avant même l’ouverture de l’enquête préliminaire, le 11 avril 2008. «Outre le fait qu’elle conforte les présomptions sur le caractère orchestré, prémédité donc politique du dossier, l’existence d’écoutes clandestines antérieures à la procédure est sanctionnée de manière constante par la jurisprudence», analyse Me William Bourdon, avocat de la défense. [...] En août 2008, quatre mois après la levée de ces écoutes secrètes, le numéro de l’épicerie de Tarnac fait l’objet d’une demande officielle d’interception de ligne. Autorisée par le juge des libertés, cette écoute sera prorogée trois fois, jusqu’en novembre 2008. Mais elle n’apportera aucune information sur les projets d’«actions violentes» prêtés au groupe de Tarnac."