mercredi 31 décembre 2008

Jour 602

Vu d'Allemagne

Der Spiegel, 8 décembre 2008 :

"Suddenly, such fundamental historical achievements like the separation of powers, freedom of the press and the protection of minorities are at stake in France today. The old-fashioned concept of virtue, which the French political philosopher Charles de Montesquieu defined, almost 250 years ago, as the principle behind every republic, is now being called into question. Without virtue, Montesquieu writes, the state can fall prey to despotism. [...] To illustrate this point, let us consider four different scenes from today's France. Scene 1: Hervé Eon, a protestor who, during a Sarkozy visit to a rural area, carried a sign around his neck that read "Get lost, you imbecile," was brought to trial and found guilty of "insulting the head of state." Sarkozy, for his part, used the same words to reproach a citizen who had refused to shake his hand: "Get lost, you imbecile." Scene 2: The daily newspaper Le Figaro, owned by Serge Dassault, an arms merchant and friend of Sarkozy, published, on its front page, a retouched teaser photo of Justice Minister Rachida Dati. A €15,600 ($20,000) ring on the minister's hand was airbrushed out. Scene 3: After a demonstration by Corsican nationalists on the property of another friend of Sarkozy's, actor Christian Clavier, the region's police chief was sacked at the behest of Paris. Scene 4: A former managing editor of the leftwing daily Libération was taken away in handcuffs early one morning because of a letter to the editor published two years earlier, addressed as "scum" by police officers and subjected to multiple body searches. [...] Such unpleasant anecdotes abound in the France of 2008, year two of the Sarkozy administration. The country is now the subject of some news stories that could easily have originated in 1970s South America. After paying a visit to French prisons, EU Commissioner for Human Rights Thomas Hammarberg described conditions there as "unacceptable" and accused Paris of pursuing a justice policy that contradicts "fundamental human rights." In the summer, the organization Human Rights Watch gave a dark account, based on strong evidence, of the brutal approach taken by the French police, and of its even more brutal interrogation methods. Something is happening in France, and that something is utterly disconcerting. [...] under Sarkozy, a political style has quickly taken root that harms the country's great democratic culture. A brutalization of political discourse is underway, as if Sarkozy and his team had taken pointers from US President George W. Bush. Their creed, like Bush's, is simple: Whoever is not with us must be against us. Sarkozy even has his own version of Bush's axis of evil, except that his is inhabited by trade unionists, journalists, lawyers, students, scientists and immigrants. In the worst of cases, Sarkozy's enemies are given a vigorous taste of the new spirit in courtrooms and police stations. [...] The institutional reform recently adopted in France can only amplify this concern. The French constitution, originally drawn up to give the parliament more rights, has done just as much to strengthen the president's overwhelming role and trim the powers of the government. That government, elected by the people and independently of the president, now acts as a private cabinet at the Elysée Palace, a place almost as brimming with power as the Versailles of France's former kings. [...] In this intoxication of power, Sarkozy feels responsible for everything, giving speeches about Alzheimer's disease and psychiatry, automobile manufacturing, residential construction and urban development, presenting plans to promote sustainable growth and combat homelessness, unveiling his visions on Africa's future and Quebec's prospects, and airing his ideas on wind energy, Tibet and rugby. And when he has nothing better to do, he applies for French cuisine to be awarded UNESCO World Cultural Heritage status. His speeches and projects are rarely earth-shattering. An eternal campaigner, he is constantly searching for the next sudden crisis. As a result, the French political system lacks, in these uncertain times, an important calming influence, a reliable frame of reference, a neutral authority. [...] Nowadays no one in France doubts that Sarkozy has abandoned the principle of equal treatment of all citizens. Instead of acting as the "president of all Frenchmen," he is more like the head of a clan who has finally worked his way up to the big leagues. [...] The forces of disintegration are tearing away at France more sharply than elsewhere, because, even though its society is a diverse mix of ethnicities, religions and refreshingly progressive citizens, the glue that holds it all together is crumbling. Although this process did not begin under Sarkozy, the president has also done nothing to curb it, bring calm to the situation, or perhaps even find new common ground. On the contrary, he only undermines the cohesion of the nation with his policy of "division instead of reconciliation." And that policy, in its current form, provides a lesson on how democracy and the constitutional state cannot be taken for granted, but instead must be secured, carved out and developed, day in and day out, and filled with meaning, intent and virtue."

mardi 30 décembre 2008

Jour 601

En de bonnes mains

La Tribune, 19 décembre 2008 :

""La crise n'a pas commencé en août 2007 comme je l'entends souvent mais bien le 15 septembre 2008, date de la faillite de Lehman Brothers." Cette phrase, le président en exercice du Conseil européen, Nicolas Sarkozy, l'a répétée plus d'une fois. Et pas plus tard que lors de sa dernière intervention au parlement européen, le 16 décembre dernier. "C'est une totale stupidité. Avec tout le respect que l'on doit au chef de l'Etat, il aurait eu une mauvaise note à un examen", note Michel Aglietta, professeur d'économie à l'université Paris-X Nanterre, interrogé par EurActiv.fr. Car c'est bien en août 2007 que la crise a commencé à s'étendre, provoquant une récession aux Etats-Unis dès janvier 2008 et un mauvais second semestre en France."

lundi 29 décembre 2008

Jour 600

Sévice public

Le Monde, 29 décembre 2008 :

""La sécurité des patients n'est plus assurée dans les hôpitaux en Ile-de-France, pendant cette période de fêtes", s'est exclamée dimanche l'Association des médecins urgentistes (AMUF).[...] Les urgentistes, en grève depuis le 1er décembre, dénoncent la situation de leurs services en France et s'alertent de la "surdité" et de l'"irresponsabilité" de la ministre de la santé. Pour le secrétaire général du syndicat de l'AMUF, Bruno Fagganielli, de nombreux lits de réanimation ont été fermés pendant la période des fêtes, faute de personnel, "puisque les hôpitaux n'ont plus les moyens de prendre des remplaçants" des médecins et soignants en congé. [...] Pour l'AMUF, présidée par le docteur Patrice Pelloux, "la sécurité des patients n'est plus assurée dans les hôpitaux en Ile-de-France pendant cette période de fêtes". Dans son communiqué, elle "demande aux plus hautes autorités de l'Etat de prendre immédiatement des mesures énergiques avant qu'une catastrophe sanitaire ne se produise" [...] En prévision du plan pour l'hôpital qui doit être présenté par Roselyne Bachelot en 2009, les présidents de Comités consultatifs médicaux (CCM) des hôpitaux de l'Assistance publique -Hôpitaux de Paris avaient adressé, le 5 novembre, à la ministre de la santé une lettre ouverte intitulée "Sauver l'hôpital public". Ils dénonçaient des "restrictions budgétaires sans objectifs médicaux ni de santé publique clairement identifiés" et les "économies à très court terme et à tout prix", jugeant que la "qualité" et l'"accès aux soins pour tous" allaient "pâtir" de cette réduction des dépenses."

samedi 27 décembre 2008

Jours 598 & 599

Enfermés dehors

La Cimade, le 22 décembre 2008 :

"Dès l’annulation du précédent appel d’offres, la Cimade a proposé au ministère de l’Immigration la mise en œuvre d’une action conjointe de plusieurs associations et organisations syndicales pour rendre effectif l’exercice des droits des étrangers en rétention. Cette proposition n’a reçu, des pouvoirs publics, ni réponse, ni début de dialogue, ni même accusé de réception. [...] le ministère de l’Immigration a diffusé vendredi 19 décembre un nouvel appel d’offres sans qu’aucune modification sérieuse ne soit apportée à la version précédente, annulée le 30 octobre par le tribunal administratif de Paris. [...] En outre, au lendemain de la révélation du scandale de Mayotte, l’appel d’offres « oublie » ce centre de rétention d'outre-mer. [...] La « transparence » affichée par le ministère de l’Immigration n’est qu’un simulacre : cette réforme vise à fragiliser l’exercice effectif des droits des étrangers et à gêner la société civile dans sa capacité de témoignage."

vendredi 26 décembre 2008

Jour 597

Justice pour tous ?

Pendant que certains sont libérés (voir jour 595) d'autres n'ont pas la chance d'être les amis de M. Pasqua :

"La cour d'appel de Paris a décidé, vendredi 26 décembre, le maintien en détention de Julien Coupat, incarcéré depuis la mi-novembre dans le cadre de l'enquête sur des dégradations contre des lignes TGV. [...] "Le parquet a instrumentalisé une fois de plus cette procédure en faisant un référé-détention, ce qui est anormal, et en précipitant l'audiencement entre les fêtes devant une chambre de vacation et devant des juges qui ne connaissent pas le dossier", a dénoncé Me Terrel après le jugement. Cette décision n'est pas conforme aux exigences légales du droit français en premier lieu desquelles figurent le respect de la présomption d'innocence et son corollaire, la liberté, qui doit être la règle, et la détention provisoire, l'exception", a-t-elle ajouté. [...] Le père de Julien Coupat, Gérard, s'est à nouveau élevé contre ce maintien en détention. "C'est clair, on veut casser mon fils ainsi que sa compagne Yldune, il y a une volonté de les humilier", a-t-il affirmé à l'AFP. Il se dit "pessimiste", estimant qu'"on veut se servir de ces deux jeunes pour intimider la jeunesse dans son ensemble en la dissuadant de manifester, au risque de subir le même sort"." (Le Monde, 26 décembre 2008)

jeudi 25 décembre 2008

Jour 596

Joyeux noël spécial enfants

L'Union Syndicale des Magistrats, le 3 décembre 2008 :

"L’USM et l’UNSA PJJ entendent rappeler qu’elles défendent fermement, conformément aux standards internationaux unanimement reconnus le principe d’un droit spécifique des mineurs mettant en avant la priorité de l’action éducative sur la répression. [...] Le rapport des travaux de la commission présidée par Monsieur Varinard [...] comporte certains points inacceptables qui mettent en cause les principes fondamentaux de l’ordonnance de 1945 et portent atteinte au primat de l’éducatif sur le répressif, pourtant affiché. L’USM et l’UNSA PJJ dénoncent la fixation de la majorité pénale à 12 ans, avec possibilité d’incarcération en matière criminelle, alors que dans la quasi totalité des pays européens, elle est de 14 ans, ainsi que l’a rappelée la défenseur des enfants lors de son audition par la commission Varinard. Elles s’insurgent par ailleurs contre un certain nombre de mesures, dont on ne comprend nullement l’utilité mais qui marquent une véritable défiance à l’égard du Tribunal pour Enfants, actuellement composé d’un Juge des Enfants et de deux assesseurs citoyens, spécialisés dans les questions de l’enfance. Il en va ainsi de l’idée de faire juger certains mineurs, soit par le Juge des enfants seul, hors la présence des assesseurs, soit, comme des adultes, par le Tribunal Correctionnel, ce qui est douteux sur le plan constitutionnel, et contraire à tous les engagements internationaux de la France. L’USM et l’UNSA-PJJ, rappellent que pendant que le gouvernement communique sur la remise du présent rapport et affiche officiellement vis-à-vis de l’opinion publique, une plus grande fermeté à l’égard des mineurs et la nécessité de moyens supplémentaires, il opère en toute discrétion une diminution significative des moyens de la Protection judiciaire de la Jeunesse, tant en terme budgétaires qu’en terme d’emplois. [...] L’USM et l’UNSA-PJJ rappellent enfin que l’extension des possibilités d’incarcération des mineurs dès 14 ans en matière correctionnelle et dès 12 ans en matière criminelle, ne saurait constituer à elle seule le remède miracle contre la délinquance des mineurs. Elle ne peut être combattue de façon utile que par le développement effectif des mesures alternatives à l’incarcération et la mise en place effective de mesures éducatives."

mercredi 24 décembre 2008

Jour 595

Joyeux noël

Le Figaro, 23 décembre 2008 :

"Joli cadeau de Noël pour Jean-Charles Marchiani. L'ancien préfet du Var, proche de Charles Pasqua, qui purge une peine de trois ans de prison pour plusieurs affaires de corruption, a finalement bénéficié d'une grâce partielle de Nicolas Sarkozy. Sa peine sera réduite de six mois, ce qui devrait lui permettre de bénéficier d'une libération conditionnelle ou d'une remise de peine dans les prochaines semaines. [...] La CGT-Pénitentiaire avait notamment estimé, dans un communiqué, que «les critères de méritocratie du pouvoir sont bien particuliers : «Quel acte de bravoure que de séjourner dans le quartier VIP de la prison de Paris-la-Santé», dénonçait le syndicat, parlant de «pratiques scandaleuses»."

mardi 23 décembre 2008

Jour 594

Easy charter

Le Monde, 23 décembre 2008 :

"Il n'est pas bon de trop questionner, même lorsque l'on est philosophe. Trois professeurs agrégés l'ont appris à leurs dépens. Lundi 22 décembre, de retour de Kinshasa (République démocratique du Congo), Sophie Foch-Rémusat et Yves Cusset ont été appréhendés par la police à leur sortie d'avion et placés en garde à vue pour avoir, lors de leur vol aller, posé des questions à des policiers qui reconduisaient un sans-papiers. Le 16 décembre, leur collègue Pierre Lauret, directeur de programme au collège international de philosophie, avait été débarqué de ce vol aller manu militari. [...] Une fois dans l'avion, les trois philosophes constatent la présence d'un Africain menotté et encadré par cinq policiers. "Avec mes collègues, nous sommes juste allés voir les policiers pour leur demander pourquoi ce monsieur était menotté", affirme Pierre Lauret, 51 ans. Les policiers, très tendus selon M. Lauret, refusent de répondre et demandent aux enseignants d'aller se rasseoir. Ces derniers insistent. Les autres passagers finissent alors par se lever à leur tour pour protester contre le menottage du sans-papiers. [...] Il est poursuivi pour "opposition à une mesure de reconduite à la frontière et entrave à la circulation d'un aéronef". Cueillis lundi à leur retour de Kinshasa, ses deux collègues, après dix heures de garde à vue, se sont vu expliquer qu'ils seraient à nouveau convoqués pour une confrontation avec le personnel de bord. Ironie du sort, le congrès auquel les trois philosophes se rendaient portait sur "la culture du dialogue, les frontières et l'accueil des étrangers". "Cela nous plaçait dans une situation morale délicate", reconnaît M. Lauret."

lundi 22 décembre 2008

Jour 593

35 hours to midnight

Le Figaro, 22 décembre 2008 :

"Il y a six mois, il fallait les liquider. Aujourd'hui, elles sont bien utiles car elles évitent, provisoirement, à l'économie française une déroute sur le front de l'emploi. Elles, ce sont les «35 heures», mises en place il y a onze ans et que Nicolas Sarkozy n'a eu de cesse d'assouplir, depuis qu'il s'est installé à l'Élysée, pour mettre fin au «carcan» que représentait la réduction du temps de travail en France. Aux yeux du chef de l'État, le retour de la croissance était alors à ce prix. Mais, depuis, la crise est passée par là et le discours a changé. Plus question en effet de tirer à boulets rouges sur la «RTT» (réduction du temps de travail) ou les «CET» (compte épargne-temps) que le gouvernement poussait à monétiser pour augmenter le pouvoir d'achat des salariés. Les priorités ont changé. [...] «Le gouvernement découvre l'utilité des 35 heures en temps de crise, reconnaît Bernard Vivier, le directeur de l'Institut supérieur du travail. Les entreprises évitent aujourd'hui de licencier en demandant à leurs salariés de prendre, parfois en anticipé, leur journée de RTT ou de puiser dans leur CET.»"

dimanche 21 décembre 2008

Jours 591 & 592

A part égales

Observatoire des inégalités, le 18 décembre 2008 :

"Tout un symbole. C’est dans les murs de la prestigieuse Ecole Polytechnique, que le Président de la République s’est attaché à vanter les mérites du principe d’égalité des chances, en rappelant notamment, porté par un lyrisme appliqué, à quel point ce principe est consubstantiel à l’idéal républicain [...] Pour autant, la démarche soulève des réserves. L’arsenal des mesures proposées confirme tout d’abord que l’on ne sait décidément penser l’égalité des chances que dans le cadre d’une politique centrée sur les plus démunis. Il faut s’en préoccuper, c’est une évidence. Mais une politique de justice sociale doit concerner le pays tout entier et pas seulement quelques individus appartenant aux catégories les plus défavorisées. Car que leur propose-t-on au fond ? De les intégrer à une société qui reste, dans ses rapports sociaux d’ensemble, foncièrement injuste. Ces mesures visent à améliorer des situations individuelles, et non pas la situation en général. Elles visent à donner plus d’opportunités à quelques-uns, tout en renonçant à se préoccuper des autres. C’est la même logique que celle qui avait conduit à la suppression de la carte scolaire. [...] On reste ici prisonnier d’un schéma intellectuel restrictif : il ne suffit pas de s’assurer que les classes préparatoires de France et de Navarre comptent bien leur 30% de boursiers pour changer fondamentalement la donne. On changera celle-ci lorsque l’on aura donné à l’ensemble des jeunes, en France, et notamment à ceux qui appartiennent aux véritables classes moyennes, une chance d’accéder à des études supérieures de qualité. Or, de ce point de vue, le "plan réussir en licence" de Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur, n’y suffira pas. La réforme des lycées qui est envisagée n’y contribuera pas non plus, la compression des postes et les suppressions de Réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (Rased) pas davantage. Les universités françaises accueillent actuellement 1 300 000 étudiants. Quatre fois plus qu’en 1960 et 20 fois plus qu’en 1930. Le paradoxe veut qu’ils ne pèsent proportionnellement guère lourd face aux 220 000 étudiants se formant dans des Ecoles, dont 70 000 dans des classes préparatoires [2]. C’est à l’aune de tels rapports qu’il faut mesurer la limite des ambitions qui viennent d’être affichées en matière de justice sociale et d’égalité des chances. L’élitisme, même lorsqu’on le pare du beau nom de République, reste un élitisme. Et l’élite, ce n’est pas la France."

vendredi 19 décembre 2008

Jour 590

Lagarde & Devedjian : duo comique de 2009 ?

La Tribune, 19 décembre 2008 :

"Le ministre chargé de la Relance Patrick Devedjian a indiqué vendredi que le plan de relance de l’économie du gouvernement devrait permettre de "créer 150.000 emplois pour l'année 2009 [...] la ministre de l'Economie, Christine Lagarde, a indiqué qu'elle tablait toujours sur une croissance française comprise entre 0,2% et 0,5% en 2009."

Le Figaro, 19 décembre 2008 :

"La situation française est aujourd'hui comparable à celle de la dernière récession qu'a connue le pays en 1993. [...] Du coup, pour avoir une croissance nulle sur l'ensemble de l'année prochaine, il faudrait faire au moins 1,4 % de croissance aux 3e et 4e trimestres, calcule l'Insee. «Impossible !», assure un expert, qui se demande plutôt si l'année se terminera sur une récession de l'ordre de 0,5 % ou de 1,5 %. [...] l'Insee table sur 214 000 destructions de postes au cours des six prochains mois."

Les lecteurs assidus du blog sauront qu'il vaut mieux faire confiance à l'INSEE qu'à Cricri Lagarde...

jeudi 18 décembre 2008

Jour 589

Des vacances au soleil

Libération, le 18 décembre 2008 :

"Les images du film que Libération s’est procuré, tourné en octobre par un agent de la Police aux frontières (PAF) de Mayotte au sein du centre de rétention administrative (CRA) de Pamandzi, sont édifiantes. […] «Inadmissibles». «Ce film montre ce que nous vivons au quotidien», indique un agent de la PAF qui, après avoir vu les images, a accepté de nous répondre de manière anonyme. Selon lui, «il est très fréquent que le nombre de retenus dépasse les 150, voire les 200». «Le record cette année est de 240», assure-t-il. Quant aux conditions d’accueil, «elles sont inadmissibles. […] Il n’y a que 60 matelas - et encore depuis peu. Les douches sont visibles depuis la salle des hommes. Il n’y a pas de toilettes réservées aux femmes et aux enfants.» Un autre agent de la PAF de Mayotte va plus loin. «Les conditions de rétention des sans-papiers sont indignes, dit-il. Les gens sont traités comme des animaux. Et nous, on a la pression de la hiérarchie pour faire notre boulot sans rien dire. L’objectif, c’est de répondre aux attentes du ministère.» Si cet agent a accepté de nous parler, c’est d’abord parce qu’il n’a «pas fait ce boulot pour traiter ainsi les gens. Ce que je vois à Mayotte, je ne l’ai vu nulle part ailleurs». […] En décembre 2006, le syndicat Unsa police Mayotte avait déjà dénoncé «la surpopulation et le "toujours plus" [engendrant] des tensions que le personnel du CRA ne peut plus supporter». «Allons-nous attendre un incident grave pour agir ?» interrogeait le syndicat dans un tract, qui rappelait que «pour satisfaire aux lois de la République, nous respectons les textes en vigueur, mais il faut aussi que l’administration respecte les règles qu’elle a elle-même édictées». Avertissements. Le 15 avril, la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) avait jugé ce CRA «indigne de la République». «Les conditions de vie […] portent gravement atteinte à la dignité des mineurs retenus», notait également la commission. «Malgré ces avertissements, la direction n’a rien changé», déplore l’un de nos informateurs. «Certes il y a des travaux pour améliorer l’accueil, mais la logique de traiter ces personnes comme des chiffres reste la même. Et les moyens ne suivent pas.» Yvon Carratero, le directeur de la Police aux frontières cité dans un rapport de la commission des lois du Sénat publié début décembre, affirme que le CRA, «qui accueillait naguère 200 personnes», en accueille désormais «50 à 80, grâce à une meilleure organisation des modalités d’éloignement». Le film, tourné après la rencontre du fonctionnaire avec les sénateurs, prouve le contraire. «Rien n’a changé», certifie l’un de nos deux informateurs."

mercredi 17 décembre 2008

Jour 588

En douce

Le Figaro, 17 décembre 2008 :

"L'Elysée vient d'augmenter de 9,2 millions d'euros son budget initial pour 2008, soit une hausse de 9,1%, portant le budget total à quelque 110 millions d'euros, affirme le député apparenté PS René Dosière. Une augmentation prévue depuis le mois d'octobre, mais qui s'est faite dans la plus grande discrétion, selon le député de l'Aisne. «Cela s'est fait par un décret de transfert de crédits et publié au Journal officiel électronique du 14 décembre», et non par un vote parlementaire dans le cadre de la loi de finances rectificative, précise le parlementaire, expert des comptes élyséens depuis les années Chirac. [...] «Contrairement à l'an passé, l'Elysée n'a pas utilisé la procédure transparente de la loi de finances rectificative qui est actuellement en cours de discussion au Parlement», commente René Dosière. Et le député de l'Aisne d'ironiser enfin sur le fait que cette «procédure discrète» publiée dans le Journal officiel électronique n'est pas reprise dans l'édition papier du JO, «sans doute par respect du Grenelle de l'environnement et de la lutte contre la déforestation»."

mardi 16 décembre 2008

Jour 587

Sa Majesté des mouches

Allez sur le site de la Cimade remplir la pétition contre le délit d'outrage :

"Ces dernières années, le délit d’outrage est devenu en France un délit « en vogue ». De 17.700 faits enregistrés en 1996, on est passé à 31.731 en 2007. Cette inflation (+ 42%), qui s’inscrit clairement dans le contexte actuel du « tout-répressif », pose de vraies questions, notamment celle, récurrente, des violences policières.

Le délit d’outrage, qui consiste à porter atteinte à la dignité d’un représentant de l’autorité publique, ou à ses fonctions, est très proche du délit d’injure, qui appartient au régime des infractions de presse, très protecteur de la liberté d’expression. Ce qui n’est pas le cas de l’outrage, délit de tous les arbitraires, passible de 7.500 euros d’amende et de six mois de prison. Alors que l’injure à un citoyen « ordinaire » ne « coûte » que 45 euros.

Cette ahurissante disproportion constitue la première des 10 raisons pour lesquelles les initiateurs de cet appel demandent que ce délit arriéré, obsolète, inique, soit chassé du Code pénal, comme le furent jadis les délits d’offense à la morale religieuse, d’outrage aux bonnes mœurs, et plus récemment (1994) le délit d’outrage par la voie du livre.

- parce que l’outrage constitue une aberration de droit, l’agent constatateur étant en même temps la « victime » et que devant un tribunal, c’est parole contre parole, celle du fonctionnaire assermenté contre celle du citoyen lambda.

- parce qu’il est utilisé par les « forces de l’ordre » (police, gendarmerie, police ferroviaire) pour couvrir des violences policières de plus en plus nombreuses et insupportables, des abus d’autorité scandaleux, des gardes à vue arbitraires (+ 54% en 5 ans) qui font de chaque citoyen, quelles que soient ses origines sociales, un coupable potentiel.

- parce qu’il est utilisé à des fins mercantiles par des policiers, des gendarmes qui arrondissent leurs fins de mois en se portant partie civile.

- parce que, dans le contexte actuel de la politique de rendement imposée dès 2002 par le ministre de l’Intérieur Sarkozy, l’outrage est scandaleusement utilisé pour faire grimper le taux d’élucidation des infractions.

- parce que l’outrage participe à une pénalisation des rapports sociaux en sanctionnant la parole au détriment du dialogue démocratique.

- parce que l’outrage concourt à un rétrécissement des libertés individuelles, et qu’il est utilisé par le pouvoir sarkozyste comme une arme de répression massive pour bâillonner les luttes militantes, notamment lorsque des citoyens, s’opposant à la traque des sans-papiers organisée par le ministre de l’Identité nationale, se voient traînés devant les tribunaux.

- parce que, s’il est normal que la République protège ses fonctionnaires, le fait que certains d’entre eux, notamment des policiers, des gendarmes, en profitent pour masquer leurs fautes et rattraper leurs propres insuffisances constitue un danger pour la démocratie, a fortiori dans la patrie dite « des droits de l’homme ».

- parce que le délit d’outrage, exception française, n’existe pas chez la plupart de nos voisins européens, ni aux Etats-Unis.

- enfin, parce qu’il y a dans la loi sur la presse de 1881 tout ce qu’il faut pour réparer l’outrage…

Nous demandons sa dépénalisation.

Mais le délit d’outrage n’est pas le seul en cause…

Tout récemment, et pour la première fois depuis 34 ans, un avatar de l’outrage a été remis au goût du jour : le délit d’offense au président de la République. Autrement dit, le crime de lèse-majesté. Un citoyen français a été condamné à 30 euros d’amende avec sursis pour avoir, lors du passage d’un cortège présidentiel, brandi une pancarte estimée offensante par la justice. L’affaire est d’autant plus scandaleuse (et ridicule) que cette personne ne faisait que reproduire l’injure adressée le 23 février 2008 au salon de l’Agriculture par le président de la République à un citoyen qui avait refusé de lui serrer la main. Elle est d’autant plus intolérable que nombre de nos concitoyens sont en droit de considérer ce « Casse-toi pauvre con ! » adressé à un des leurs comme une offense à la Nation tout entière, et n’hésitent plus à poser la question : « Quel respect accorder à un président de la République aussi peu respectueux de ses concitoyens ? »

Dans ces conditions, et alors que le délit d’offense à chef d’Etat étranger a été supprimé en 2004, après avoir été déclaré contraire à la Convention européenne des droits de l’homme, nous disons que le délit d’offense au chef de l’Etat français n’a plus sa place dans notre société. Et nous demandons l’abrogation pure et simple de l’article 26 de la loi du 29 juillet 1881, relatif à l’offense au chef de l’Etat.

Enfin, les signataires de cet appel lancent un cri d’alarme et appellent solennellement à un débat public sur le thème des violences policières et du comportement de plus en plus brutal d’une police dont on peut se demander si elle est encore au service des citoyens et de la République, ou au service exclusif d’un pouvoir chaque jour un peu plus attiré par des dérives totalitaires. Cette menace pour la démocratie ne peut laisser aucun citoyen indifférent. Trop de personnes ne supportent plus de vivre dans la peur d’un contrôle de police. Il est temps pour les femmes et les hommes politiques de notre pays de regarder la réalité en face, avec un courage qui ne fait pas défaut aux citoyens, et de ne plus considérer les violences policières comme un sujet tabou. Il y a urgence."

lundi 15 décembre 2008

Jour 586

Pas de pitié pour la croissance

L'Institut d'études économiques et sociales :

"Le PIB a baissé de 0,3 %, le système financier vacille sur ses bases et l’OCDE considère que « l’Europe est désormais plus proche de la récession que les États-Unis ». Depuis plusieurs mois chacun y va de sa petite formule pour dire que la décroissance est pour demain matin, à moins qu’elle n’ait déjà commencé. L’économiste Jean-Paul Fitoussi ouvre le bal avec une formule choc : « La Banque centrale européenne n’a pas vu venir le vent de la décroissance. Résultat, on se retrouve dans une situation où personne ne peut faire quoi que ce soit vu les contraintes budgétaires », dit-il dans Libération, qui s’empresse de titrer « La France en pleine crise de décroissance » (15-8-2008). Le Nouvel Observateur et France Info titrent, eux, « Le choc de la décroissance », en paraphrasant le livre de Vincent Cheynet. [...] Le seul hic c’est que leur récession n’a rien de commun avec notre décroissance. Pourquoi s’entêter à parler de décroissance pour ce qui est une crise économique ? La France fanfaronne encore par la voix de la sinistre Christine Lagarde qui assène savamment cet été qu’« il serait totalement inexact de parler de récession » tandis que les autres grands pays annoncent, eux, piteusement, qu’ils sont entrés en récession.[...] George Monbiot, journaliste et universitaire britannique spécialiste de l’environnement, activiste écologiste (son père est le vice-président du Parti Conservateur, comme quoi la génétique n’a pas réponse à tout), tient, lui, des propos plus alarmistes dans The Guardian du 9 octobre 2007 : « La récession est le produit d’une économie conçue pour maximiser la croissance, et non le bien-être. » [...] Osons le dire encore une fois à ceux qui n’ont rien entre les oreilles : la décroissance c’est l’anti-récession. Tout comme la réduction du temps de travail, c’est l’anti-chômage mais aussi la possibilité de faire un autre choix de vie que le « travailler plus pour gagner plus et consommer plus »."

dimanche 14 décembre 2008

Jours 584 & 585

La fin d'un monopole

Le Figaro, 13 décembre 2008 :

"Les vigiles, agents de filtrage des aéroports et autres cerbères des sociétés de surveillance reviennent en grâce au ministère de l'Intérieur. «Le temps est venu de reconnaître la place du secteur privé dans la protection de nos concitoyens» , écrit Michèle Alliot-Marie dans un livre blanc sur «la participation de la sécurité privée à la sécurité générale en Europe», qu'elle dévoilera lundi à Paris. Ce document, auquel Le Figaro a eu accès, est préfacé par le président de la République en personne. [...]À l'heure où la France s'engage dans une Révision générale des politiques publiques (RGPP) qui devrait lui faire perdre plusieurs milliers de policiers d'ici à 2012, «cette étude ouvre une ère nou­velle dans la relation public-privé», se félicite Claude Tarlet, vice-président du syndicat européen des sociétés de sécurité privée. Nicolas Sarkozy parle même de «coproduction» de sécurité à terme. [...] Dans les dix ans qui viennent, avec 200 000 effectifs au total, le nombre de privés dans l'Hexagone sera équivalent à celui des policiers et des gendarmes réunis. L'insécurité ne connaît pas la crise."

vendredi 12 décembre 2008

Jour 583

En retenue

Le Figaro, 11 décembre 2008 :

"La «désobéissance pédagogique» peut coûter cher. Une petite dizaine d'enseignants devraient subir une retenue sur leur salaire du mois de décembre en raison de leur refus d'appliquer la loi, selon le ministère de l'Éducation nationale. Bastien Cazals, directeur de l'école maternelle Louise-Michel de Saint-Jean-de-Védas (Hérault), en a déjà fait les frais puisqu'il a reçu lundi une lettre l'informant que son inspection d'académie «procéderait au retrait de 5/30e de son traitement pour manquement aux obligations de service», ce qui équivaut à «cinq jours de salaire en moins, soit 294 euros» en décembre. [...] Bastien Cazals avait expliqué son choix dans une lettre ouverte à Nicolas Sarkozy, le 25 novembre, dénonçant les mesures prises par le ministre de l'Éducation. Auparavant salarié dans une entreprise privée, récemment reconverti dans l'Éducation nationale, l'enseignant ne se définit pas comme un «opposant systématique». Mais la rapidité des réformes, la mise en place des nouveaux programmes, la réduction du nombre d'heures et la suppression de postes de Rased, ces maîtres spécialement formés à la grande difficulté scolaire, ont eu raison de son enthousiasme. Il envisage de déposer un recours en justice contre cette décision. Lui qui ne veut pas devenir un «emblème de cette contestation » envisage cependant désormais «de faire semblant d'appliquer la réforme comme beaucoup. Comme ça, on me laissera tranquille»."

jeudi 11 décembre 2008

Jour 582

Une sale histoire (de plus)

Un blog de Libération, le 11 décembre 2008 :

"La revue scientifique internationale Nature révèle sur son site web et dans sa version papier que des scientifiques iraniens sont interdits de voyage en France. Raison invoquée : le risque de prolifération nucléaire. [...] L'argument semble semble pour le moins scabreux lorsqu'il s'agit de Ali Tahzibi mathématicien iranien, actuellement en poste au Brésil, qui devait venir avec femme et enfant à Dijon pour une année sabbatique de travail à l'Université de Bourgogne avec Christian Bonatti (Cnrs). [...] L'Université avait signé le protocole d'accueil, visé par la préfecture de police à Dijon fin juin. L'ambassade de France au Brésil ne lui signale aucun problème. Donc, "il achète son billet d'avion, réserve un appartement, trouve une école pour son fils... puis, en septembre, il s'inquiète de ne pas encore avoir son visa", raconte Bonatti. [...] Puis tout se gâte. La direction des relations internationales du Cnrs explique que le dossier n'est plus au Ministère des Affaires Etrangères, mais à celui de l'immigration qui doit donner son aval au visa. Bigre, si Hortefeux s'en mêle, c'est foutu ! Eh oui, c'est foutu... le ministère de l'immigration décide manifestement de lancer une enquête internationale sur ce potentiel dangereux terroriste qui se cache depuis dix ans au Brésil dans un laboratoire de mathématique (image ci dessus, Tahlibi est à droite de l'homme au bras en écharpe). Qui s'est épris d'un Brésilienne pour tromper les polices anti-terroristes et se balade aux Etats-Unis et ailleurs dans des conférences où les policiers ne comprennent rien puisqu'on y parle mathématicien, un langage codé. Du coup, une semaine avant son départ prévu, toujours pas de visa, mais il reçoit des coups de fils étranges qui lui demandent s'il travaille sur... le nucléaire. Il va tout perdre : billet d'avion, année sabbatique, appartement... Prudent, il échange la France pour l'Uruguay où il va faire des maths durant un an, et s'est fait naturaliser brésilien, histoire de tromper Interpol."

mercredi 10 décembre 2008

Jour 581

The DUDH(E)

L'abécédaire du petit Nicolas, un texte utilisé dans de nombreux discours :

"Les droits de l'homme sont, pour toutes les démocraties du monde, à la fois un point de départ et un horizon qui se déploie toujours devant eux. La France ne fait pas exception, et il appartiendra au prochain président de lui faire franchir de nouvelles étapes dans la préservation et la conquête des libertés. [...] Je ne passerai jamais sous silence les atteintes aux droits de l’homme au nom de nos intérêts économiques. Je défendrai les droits de l’homme partout où ils sont méconnus ou menacés"

Le Figaro, 10 décembre 2008 :

"[Bernard Kouchner] estime en effet que son idée de créer un secrétariat d'Etat aux droits de l'Homme était une «erreur». Il l'explique ainsi : «il y a contradiction permanente entre les Droits de l'homme et la politique étrangère d'un Etat, même en France». [...] «On ne peut pas diriger la politique extérieure d'un pays uniquement en fonction des droits de l'Homme. Diriger un pays éloigne évidemment d'un certain angélisme», ajoute-t-il."

mardi 9 décembre 2008

Jour 580

Histoire de fous

Extrait d'un communiqué à l’initiative de l’Union Syndicale de la Psychiatrie(USP) et du Comité Européen Droit, éthique et Psychiatrie (CEDEP):

"Les annonces de Nicolas Sarkozy le 2 décembre au centre hospitalier spécialisé Erasme à Antony sont dans une remarquable continuité avec ses différentes décisions prises depuis l’époque où il était ministre de l’Intérieur [...] Depuis environ 3 ans, à chaque victime exemplairement médiatisée répond une nouvelle loi répressive. Logique démagogique qui ose avec arrogance déclarer ne connaître que les droits de l’Homme pour la victime et subordonner les droits des « autres » à leur dangerosité. Logique de juriste besogneux qui se doit d’étalonner le droit à une justice d’élimination. Logique de violence sociale qui condamne la psychiatrie à repérer, contrôler et parquer à vie les marginaux, déviants, malades, désignés potentiellement dangereux. Logique de l’abus rendu légal, enfin, puisque cette dangerosité n’est ni définie, ni précisément limitée, ouvrant la voie à une extension indéfinie des mesures qui la visent. Obsession qui transforme tout accident en événement intolérable, la moindre erreur en défaillance monstrueuse, légitimant des précautions sans cesse durcies et toujours condamnées à se durcir car on ne supprimera jamais la possibilité d’un risque. A terme, nous ne serions même pas dans la mise en place d’un système de défense sociale —historiquement institué et toujours présent dans de nombreux pays européens (Allemagne, Belgique, Italie, Pays Bas, …)— à côté d’un système de soins psychiatriques « civil », mais dans le formatage d’une flic-iatrie dans les murs d’un asile d’aliénés post-moderne comme dans la ville."

lundi 8 décembre 2008

Jour 579

Souriez, vous êtes fichés

Le Monde, 8 décembre 2008 :

"Un million. En janvier 2009, à raison de 25 000 saisies nouvelles par mois, selon le service central d'identité judiciaire, le Fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG), qui comportait au 1er décembre 978 261 profils ADN, devrait franchir le cap symbolique du million d'empreintes. Et ce, moins de dix ans après la mise en route de cette base de données. Créée en 1998, elle n'a réellement commencé à fonctionner qu'en 2001 et a été étendue à tous les délits en 2003 [...] 34 fichiers de police et de gendarmerie étaient répertoriés en 2006, près de 45 aujourd'hui. Entre les fichiers proprement dits, les logiciels d'application, de type Ardoise, et les interconnexions de fichiers, leur nombre a progressé de façon exponentielle. La commission sur les fichiers pilotée par le criminologue Alain Bauer et réactivée par la ministre de l'intérieur, Michèle Alliot-Marie, au lendemain de la polémique sur l'ancien fichier Edvige, a découvert des fichiers dont elle ne soupçonnait même pas l'existence !"

dimanche 7 décembre 2008

Jours 577 & 578

(Dé)Raison d'état

Extrait d'un communiqué du Syndicat de la Magistrature, le 4 décembre 2008 :

"Le délit d’offense au chef de l’état, tombé en désuétude, est de nouveau utilisé pour sanctionner toute critique à l’encontre du président de la République, lequel n’hésite plus à engager des poursuites judiciaires contre des journalistes ou des caricaturistes.

Dans le même esprit, la garde des Sceaux poursuit en diffamation un avocat pour des propos d’audience, alors que le principe de la liberté de parole est l’un des fondement des droits de la défense.

Partout où la société civile manifeste, le gouvernement a recours à la justice pour décourager l’action militante et museler toute manifestation critique. La justice pénale est largement instrumentalisée puisque, sous couvert de lutte contre la délinquance, il s’agit aujourd’hui clairement d’intimider les citoyens et de les dissuader de s’exprimer ou d’agir.

Le Syndicat de la magistrature dénonce avec force ces pratiques d’un autre âge et condamne cette volonté d’intimidation qui fragilise la démocratie."

vendredi 5 décembre 2008

Jour 576

La politique du chiffre

Libération, le 3 décembre 2008 :

"La commission Varinard, chargée de formuler des propositions pour réformer l'ordonnance du 2 février 1945 sur l'enfance délinquante, a rendu ses conclusions en début d'après-midi. [...] Lundi matin, sur Europe 1, le porte-parole de l'UMP Frédéric Lefebvre, interrogé sur l'opportunité d'avancer à 12 ans l'âge de la détention, affirmait ainsi: "Vous savez, en 1945, il y a avait un mineur sur 166 mis en cause dans une affaire pénale. Il y en a un sur trente aujourd'hui. Il faut réagir". [...] En 2007, il y avait 204.000 mineurs mis en cause en France, ce qui représente entre 1 sur 20 et 1 sur 30 de la population des 13-18 ans (et non de la population totale des mineurs comme le dit Lefebvre). Mais de toute manière, les chiffres peuvent être vrais... et ne rien vouloir dire. [...] Sur les 203699 mineurs mis en causes (ce qui ne veut pas dire condamnés) par les service police et de gendarmerie en 2007, "l'ensemble des faits susceptibles d'être qualifiés de criminels (homicides, viols, vols à main armée, prise d'otage, trafics de drogue) ne représentent que 1,3% du total". [...] l'augmentation de la délinquance des mineurs, grande marotte de la droite. Celle-ci augmente effectivement, écrit-il. Mais pas plus, ni plus vite, que la délinquance globale depuis trente ans. C'est même l'inverse, puisque la part des mineurs dans le nombre total de mises en cause baisse nettement depuis dix ans, passant de 22% en 1998, à 18% en 2007. Les statistiques de la justice confirment ces chiffres. Mucchielli a comparé la répartition par classe d'âge des condamnations en 1989 et 2006. Le résultat est une stabilité quasi parfaite de la proportion des condamnés mineurs, que ce soit les moins de 13 ans, les 13-16 ans ou les 16-18 ans. Ironiquement, la seule augmentation, en proportion, concerne la classe d'âge des 40-60 ans."

jeudi 4 décembre 2008

Jour 575

Sortez couvert

Le blog du magistrat Dominique Barella, le 3 décembre 2008 :

"C’est un magistrat qui vous le dit. La liberté d’aller et de venir tend à s’évaporer dans notre pays. Alors soyez prudents, ne sortez plus sans le numéro de portable d’un avocat dans votre poche : il est votre paratonnerre juridique en période d’intempéries pour nos libertés publiques.

Le nombre des mises en garde à vue totalement inutiles de citoyens suit une progression constante. La ministre de l’Intérieur s’en félicite sur le site de son ministère ; la ministre la Justice n’y trouve rien à redire, elle qui dirige pourtant la justice gardienne des libertés.

Toute vérification d’identité peut se transformer en outrage à agent de la force publique, infraction qui connaît une expansion importante. Tout contrôle d’alcoolémie, même à vélo, peut se terminer par un menottage avec garde à vue à suivre jusqu’au lendemain. Tout cela permet à la ministre de l’Intérieur d’améliorer facilement le taux d’élucidation de la police et les indicateurs de réussite de son ministère.

Eh oui, le nombre de gardes à vue dans l’année est considéré comme un indicateur de réussite et une orientation vers la performance selon le nouveau cadre budgétaire. Ainsi, mettre aux arrêts un citoyen sous contrôle policier, qu’il soit ensuite déclaré innocent ou condamné, est assimilé à un succès !

Un mandat d’amener ou un simple contrôle peuvent déraper en fouille à corps, ce qui n’est pas plus acceptable que l’humiliation par l’état des locaux de garde à vue, par le menottage inutile, par les déshabillages réglementaires imposés dans les commissariats comme des méthodes d’enquête."

mardi 2 décembre 2008

Jour 574

Joyeux noël

Un communiqué de la CGT Pénitentiaire :

"Le Président de la République a fait volte-face sur la question des grâces présidentielle en sollicitant le Ministère de la Justice afin de préparer une liste de détenus qui pourraient bénéficier d’une réduction de peine en cette fin d’année. Nicolas Sarkozy, prisonnier de ses déclarations antérieures qui traduisaient une opposition farouche au principe monarchique de la grâce présidentielle, a tenté de donner à cette mesure l’apparence de la cohérence en demandant à ce qu’elle soit limitée à une cinquantaine de détenus « les plus méritants. »
L’administration pénitentiaire est donc en train d’élaborer la liste des heureux élus sur la base d’un critère méritocratique dont on pourra apprécier la pertinence et l’impartialité... Les délinquants sexuels et les récidivistes sont, par principe, exclus de ce dispositif.

La CGT Pénitentiaire condamne avec la plus grande fermeté cette initiative. L’ensemble des professionnels de la justice s’est toujours opposé à l’idée même de grâces collectives qui bafoue le principe d’individualisation des peines et ne permet pas une préparation efficiente de la sortie de prison.

Cette instruction présidentielle démontre une nouvelle fois l’incohérence d’une politique pénale populiste et destructrice. Alors que le nombre de détenus n’a jamais été aussi élevé et que le nombre de nos concitoyens appelés à connaître une période d’incarcération augmente dans une proportion encore plus inquiétante, tous les moyens sont bons pour faire de la place afin d’accueillir les prochains détenus. Alors que les causes de la surpopulation pénale sont à rechercher du côté de l’arsenal législatif hyper-répressif déployé au cours de ces dernières années et particulièrement par la loi sur les peines planchers de juillet 2007, les réponses apportées par le gouvernement sont toutes plus incohérentes les unes que les autres !

Non, la construction de nouvelles places de prison ne permet pas de lutter contre la surpopulation !

Non, le développement d’aménagements de peine en série, où le contrôle électronique prend très largement le pas sur l’accompagnement humain et l’insertion sociale des personnes, ne permettra ni de prévenir la récidive, ni de lutter contre la surpopulation !

Non, Monsieur le Président et Madame la Ministre de la Justice, le retour en grâce de l’archaïque principe des réductions de peines collectives ne sera pas ressentie dans les prisons comme « un message positif » mais, au contraire, comme un aveu d’impuissance du pouvoir politique quant à sa capacité à définir une politique pénale respectueuse des libertés publiques et des intérêts de la société !

Les prisons sont au bord de l’asphyxie et de l’explosion. Il est urgent de sortir de la politique du fait divers et de l’effet d’annonce pour enfin agir dans l’intérêt des usagers et des personnels pénitentiaires.

Montreuil, le 28 Novembre 2008."

lundi 1 décembre 2008

Jour 573

L'esclavage c'est la liberté

La Ligue des Droits de l'Homme, le 1er décembre 2008 :

"Le 28 novembre 2008 à 6h30 du matin, la police sonne au domicile d’un journaliste de Libération

Il est, devant ses jeunes enfants, menotté, humilié, traité de manière insultante. En garde à vue, il sera contraint de se déshabiller entièrement et soumis à deux fouilles intégrales. Motif : 2 ans plus tôt, un commentaire avait été laissé sur le site de Libération par un internaute à propos d’une procédure judiciaire ; la personne visée par cette procédure avait porté plainte pour diffamation contre le journaliste qui était à l’époque directeur de publication. Affaire banale, la justice de la République en a traité des centaines.

Quelques jours plus tôt, la police recherche en Limousin les auteurs de plusieurs sabotages, dont la ministre de l’Intérieur elle-même reconnaît qu’il n’ont mis aucune vie en danger. Là encore, intrusion violente en pleine nuit dans les domiciles ; fouilles et arrestations d’une brutalité qui a provoqué l’indignation dans toute la région. Les personnes arrêtées, pourtant présumées innocentes, sont présentées à l’opinion comme de dangereux terroristes, en violation délibérée du secret de l’instruction.

Une semaine auparavant, le 17 novembre 2008, 4 gendarmes et un maître-chien font irruption à l’improviste dans dix classes du collège de Marciac, dans le Gers. Sans un mot, le chien est lancé à travers les classes. Les enseignants ne peuvent obtenir aucune explication. Trente jeunes « suspects » sont regroupés dans une salle, fouillés, parfois déshabillés ; leurs témoignages relatent des propos humiliants, menaçants et agressifs face à ces élèves tous traités comme des dealers présumés. En sortant, les gendarmes, qui n’ont rien trouvé, félicitent tous les élèves pour avoir « caché leur came et abusé leur chien ».

Point commun entre ces trois affaires : un journaliste à Paris, quelques villageois en Limousin, quelques dizaines de collégiens dans le Gers, sont présumés être de dangereux malfaiteurs et traités de manière brutale, humiliante et pour le moins disproportionnée par rapport aux missions de la police judiciaire.

Liberté de la presse, présomption d’innocence, droit des justiciables, et simple respect en toute circonstance de la dignité des personnes : qu’est ce qui, dans l’attitude des autorités politiques, laisse croire à des magistrats, à des gendarmes, à des policiers qu’ils peuvent impunément ignorer toutes ces règles constitutionnelles et internationales de protection des droits de l’Homme ?

La LDH considère qu’il est urgent de réagir contre des dérives de plus en plus inacceptables de pratiques judiciaires et policières qui deviennent incompatibles avec l’Etat de droit."