vendredi 30 décembre 2011

Jour 1693

Et pendant ce temps en Allemagne

Lu sur décroissange.org, le 14 décembre 2011 :

"Wolfgang Schaeuble, ministre allemand des Finances, a lancé, le 14 décembre 2011, un appel aux pays occidentaux à limiter leur croissance économique dans une tribune dans l'hebdomadaire Die Zeit.«Tout autant que nous devons nous engager pour vaincre la faim dans le monde entier, nous devrions par ailleurs nous engager à limiter la croissance économique dans nos propres pays occidentaux (...) Le fait que nos taux de croissance ne rivalisent plus avec ceux des pays en développement comme la Chine, l'Inde, ou le Brésil, ne signifie pas que notre politique économique est un échec mais que nous avons déjà atteint un niveau de richesse certain pour une grande partie de la population, et que d'autres doivent encore atteindre cela. Nous devrions l'accepter (...) Les économies occidentales ont atteint un certain degré de saturation; dans cette situation, nos buts et nos devoirs résident avant tout dans le fait de contrôler les inégalités et les tensions qui en découlent. (...) [l'Homme] a besoin de limites, qu'il ne veut en général pas reconnaître »."

jeudi 29 décembre 2011

Jour 1692

Une justice qui disparait dans un bruit d'écrou


"s'il est un domaine où fantasmes et contre-vérités cohabitent, c'est bien celui du crime, de la délinquance et de la peine. « Ce qui domine est la désinformation et la propagation des idées reçues, par exemple que la peine de mort peut faire reculer la criminalité ou que les taux d'homicide sont en hausse », estime Denis Salas, magistrat. Les idées reçues concernent aussi bien les auteurs d'infraction que la nature de la délinquance ou de la réponse pénale. Il n'est pas un crime médiatisé sans que ne soit brandie la figure du « monstre » à bannir de l'humanité. [...] Le sociologue Laurent Mucchielli déclenche de violentes critiques, lorsqu’il se contente de relayer les résultats d’une enquête de victimation de l’Observatoire national de la délinquance et de la réponse pénale (ONDRP), mis en place par Nicolas Sarkozy. Une enquête plus fiable que les chiffres de la police car elle inclut les faits non dénoncés. [...] Contrairement à une autre idée répandue, « on vérifie une fois de plus que les violences sexuelles les plus fréquentes surviennent au sein de la famille et non de la part d'inconnus ». Autant de résultats qui « ont tant de mal à être entendus dans le débat public. (…) Ils invitent à rechercher ailleurs que dans l'évolution de la réalité délinquante les raisons de l’importance du sentiment d’insécurité parmi nos concitoyens » [...] A écouter certains discours politiques, l’insécurité est érigée en tête des fléaux dont souffrirait la population. A en juger le baromètre mensuel de la Sofres, il apparaît que « la sécurité des biens et des personnes » arrive en fait au dixième rang des préoccupations des Français, loin derrière le « chômage et l’emploi », « la santé et la qualité des soins », « l’évolution du pouvoir d’achat », « le financement des retraites »… 24% des personnes interrogées citent la sécurité comme l’une de leurs préoccupations et 2% comme la première. Elles sont 76% à citer le chômage et l’emploi. Globalement, les questions sociales sont celles qui soulèvent le plus d’inquiétudes : le « logement », les « inégalités sociales », « l’environnement et la pollution », le « financement de l’assurance maladie » se placent avant la sécurité [...] Là se situe la dimension largement occultée des politiques pénales dites « populistes » : le contenu, les conditions d’exécution de la peine et sa finalité importent peu. Il s’agit tout juste de prononcer et d’exécuter plus de peines, plus systématiquement et plus rapidement. Une industrialisation de l’enfermement, de la surveillance électronique, dont on se demande rarement si elle pourra permettre aux auteurs d’infraction d’évoluer, personnellement et socialement, et si la sécurité en sera effectivement renforcée. Les prisons sont surpeuplées ? Les conditions de détention souvent indignes ? Les personnels pénitentiaires peu disponibles et formés à l’accompagnement des auteurs d’infraction ? La prison produit davantage de récidive que les peines et mesures alternatives ? Peu importe. Des peines sont prononcées, elles doivent être exécutées, même si cela vient aggraver la situation des condamnés, renforce leur niveau d’exclusion, leur sentiment d’humiliation… et au final la délinquance. "

mercredi 28 décembre 2011

Jour 1691

La démonstration par l'absurde

Bug Brother, le 20 décembre 2011 :

"Si les caméras de vidéosurveillance ne servent presque à rien et ne permettent que rarement d'identifier ou d'interpeller des suspects, elles n'en déportent pas moins la délinquance vers d'autres zones, non vidéosurveillées. Résultat : les habitants de ces zones non couvertes par les caméras développent un sentiment d'insécurité et… réclament des caméras. C'est le constat accablant effectué par la chambre régionale des comptes, qui s'est penchée sur la politique de sécurité de la ville de Toulon, où les 34 caméras n'ont pourtant permis que 15 interventions en flagrant délit, et une quarantaine de réquisitions, depuis 2005. [...] Le système, fort de 34 caméras, d'un mur de 19 écrans de visualisation et de 2 pupitres de commande pour télécommander les caméras, est piloté par trois "brigadiers chefs principaux" rémunérés 90 000 € ("hors charges patronales et salariale"). Entre 2003 et 2009, le système a d'ores et déjà coûté 1,3 million d'euros, hors frais de réparation, "dont le montant n’a pas été communiqué par la collectivité", à quoi il convient de rajouter les 129 000 € qu'ont coûté, l'an passé, le raccordement du système à la police nationale. [...] Résumons donc : 34 caméras, 15 flagrants délits, une quarantaine de réquisitions… les caméras ont donc, en moyenne, été utiles... (55/5/34=) 0,32 fois, par an. [...] A Nice, au moins, la police fait l'effort de comptabiliser le nombre de personnes arrêtées grâce à ses 624 caméras; ce qui a permis de découvrir qu'elles permettaient, en moyenne, 0,34 interpellations, par caméra, et par an. [...] en 2007, Michèle Alliot-Marie avait annoncé vouloir tripler, "en deux ans", le nombre de caméras sur la voie publique, objectif réitéré par Brice Hortefeux en 2009, mais récemment relativisé par la Cour des Comptes, qui a dénombré… trois fois moins de caméras que le chiffre avancé par le ministère de l'Intérieur qui, apparemment, a comptabilisé les caméras filmant l'entrée, ou le parking, des commissariats."

mardi 27 décembre 2011

Jour 1690

Sonder, mais pas trop profond

Le blog Régime d'opinion du Monde Diplo, le 18 décembre 2011 :

"La célèbre formule de Georges Clemenceau — « Quand on veut enterrer un problème, on crée une commission » — mérite d’être une nouvelle fois répétée parce qu’elle est dépassée. Il semble qu’aujourd’hui, on ne se donne même plus cette peine : on enterre les commissions… Comment faut-il comprendre en effet l’abandon d’une commission d’enquête sénatoriale sur les sondages de l’Elysée ? [...] Au-delà de l’affaire, ces péripéties ont l’avantage d’attirer l’attention sur une clause dont on se demande si elle est seulement compatible avec l’existence de toute commission d’enquête. [...] J’ai par exemple essayé d’enquêter sur un push poll particulièrement intéressant puisqu’il avait permis au Figaro, quelques jours avant l’élection européenne de 2009, de titrer que Nicolas Sarkozy était populaire en Europe. Or, ce sondage était doublement manipulateur, d’une part, en ne prenant pas en compte la population nationale dans le seul cas de Nicolas Sarkozy, alors que les sondés de chaque pays pris en compte étaient interrogés sur la popularité de leur propre dirigeant, et, d’autre part, en ne corrigeant pas selon la taille des populations (l’Allemagne est par exemple deux fois plus peuplée que l’Espagne). Sans ces dispositions, la popularité de Nicolas Sarkozy passait au-dessous de 50 % et interdisait le titre du Figaro. Ce n’était donc pas « la titraille » qui était en cause, comme s’en défendait OpinionWay, mais bien le sondeur lui-même. Ce sondage n’entrait pas dans le contrôle de la Cour des comptes effectué sur l’année 2008 et révélé par son rapport du 16 juillet 2009. Pourquoi aurait-il été conçu autrement que les précédents sondages réalisés par OpinionWay, payés par Publifact, la société de Patrick Buisson, et donc par l’Elysée, et enfin publiés dans Le Figaro ? Si tel était bien le cas, cela signifie que l’Elysée finançait non seulement des sondages à la presse en toute discrétion, mais avait financé au moins un sondage délibérément… truqué. [...] par une sorte de secret défense étendu à tout ce qui concerne le président de la République, l’immunité ne sert donc pas seulement à empêcher la mise en cause pénale du président, de ses commettants et des cocontractants de l’Elysée, mais à empêcher toute transparence sur la gestion des affaires publiques et, accessoirement, à attaquer en diffamation des adversaires empêchés de se disculper par la soustraction légale des preuves."

lundi 26 décembre 2011

Jour 1689

Un beau bilan

Le Monde, 23 décembre 2011 :

"Réduction du déficit public oblige, les Français risquent fort de sentir passer l'année 2012. Les quatre lois de finances approuvées cette année (le budget 2012 de l'Etat, celui de la Sécurité sociale, les deux collectifs budgétaires de 2011) comportent en effet une ribambelle de hausses d'impôt. [...] De ce fait, 200 000 personnes deviendraient imposables alors qu'elles ne le sont pas aujourd'hui. [...] Les hausses d'impôt sont loin d'être circonscrites aux plus aisés qui, pendant quatre des cinq années du quinquennat, ont vu leur imposition allégée du fait du bouclier fiscal, tout en bénéficiant de revenus en forte hausse (contrairement aux classes moyennes et populaires)."

dimanche 25 décembre 2011

Jours 1687 & 1688

On racle les fonds de chiottes

Libération, le 24 décembre 2011 :

"Jeudi, sur Europe 1, le ministre de l’Intérieur, Claude Guéant, a à nouveau cogné sur une cible qu’il affectionne tout particulièrement : les étrangers. Affirmant que «la délinquance étrangère est supérieure à la moyenne enregistrée dans notre pays», le ministre veut élargir le nombre de délits susceptibles d’être assortis d’une interdiction du territoire français. «Pour quelque temps au moins»… Les contours de sa nouvelle trouvaille sont flous, et la mesure a peu de chance d’être adoptée avant la présidentielle. Mais elle creuse un sillon déjà bien travaillé à droite : rétablir sans le dire une forme de «double peine» (tout en jurant ses grands dieux de ne pas y toucher). Ajouter le bannissement à l’amende ou à la prison. Une ligne en totale contradiction avec la mansuétude affichée par Nicolas Sarkozy il y a quelques années encore . En 2003, il avait aménagé la double peine (sans la supprimer, il protégeait simplement certains étrangers en fonction de leur situation familiale ou de leur ancienneté sur le territoire), y trouvant le moyen d’afficher son brevet de républicanisme : la délinquance devait être durement punie, mais de la même manière que l’on soit français ou étranger. De cette image, Sarkozy-président ne veut plus. En juillet 2010, il annonce dans son discours de Grenoble sa volonté de déchoir de leur nationalité les tueurs de policiers d’origine étrangère. La mesure sera enterrée : profondément discriminatoire, elle choque même à droite. Puis les députés de la Droite populaire, en décembre 2010, rendent un peu plus automatique l’interdiction de territoire pour les crimes. Sarkozy ne bronche pas. Jeudi, c’était au tour du fidèle Guéant de vouloir des «mesures spécifiques contre la délinquance étrangère». Interrogé par Libération, l’entourage du ministre cherchait vendredi à temporiser : «Il s’agit juste d’ajouter des délits à la liste de ceux pour lesquels le juge peut prononcer une peine complémentaire d’interdiction du territoire.» Le message, lui, est passé."

vendredi 23 décembre 2011

Jour 1686

Fillon se met à la vidéo amateur

Le Monde, 22 décembre 2011 :

"Plus de 200 nouvelles caméras de surveillance ont été mises en service, mercredi 21 décembre, à Paris. [...] Adopté fin 2009 par le Conseil de Paris, ce plan est financé à hauteur de 82 millions d'euros par l'Etat et de cinq millions par la mairie, en raison du statut particulier de la capitale. Le réseau sera "entièrement connecté et interopérable avec les 10 000 caméras déjà réparties dans la ville, notamment dans les transports et les centres commerciaux", a noté M. Fillon. [...] Le président du groupe EELV au Conseil de Paris, Sylvain Garel, a pour sa part affirmé ressentir "une double tristesse", témoignant de la division de la majorité municipale. "Ce plan est installé avec la complicité des élus socialistes (...). Pour nous c'est contraire à toute l'éthique de la vie en collectivité d'être surveillé à notre insu par des caméras", a-t-il déploré."

jeudi 22 décembre 2011

Jour 1685

Les pieds dans le tapis de fiches

Le Monde, 22 novembre 2011 :

"Les fichiers de police sont comme les jardins : il faut les entretenir. Voilà tout le défi auquel ont bien du mal à faire face les ministères de l'intérieur et de la justice, à lire le rapport d'information des députés Delphine Batho (PS, Deux-Sèvres) et Jacques-Alain Bénisti (UMP, Val-de-Marne), déposé mercredi 21 décembre. Car le jardin est luxuriant : de 58 fichiers en 2009, on est passé à 80 en 2011, dont 45 % attendent d'être légalisés (ils n'étaient que 27 % dans l'attente en 2009). Et le nombre de personnes fichées ne cesse d'augmenter : le système de traitement des infractions constatées (STIC), grand fichier judiciaire, est passé de 3,96 millions de mis en cause en 2009 à 6,5 millions en 2011, et de 28 millions à 38 millions de victimes. Le fichier des empreintes génétiques (FNAEG), de 800 000 à 1,79 million sur la même période. [...] Autre point noir majeur, les fichiers d'antécédents judiciaires de la police et de la gendarmerie. "Les recommandations sont, à de rares exceptions près, restées lettre morte", regrettent les auteurs du rapport. Ainsi du STIC : "Le flux entrant est mieux mis à jour, juge la députée des Deux-Sèvres, mais pas l'arriéré". De nombreuses fiches erronées vont ainsi être transférées dans le nouveau fichier commun police-gendarmerie, qui doit être prochainement mis en place. [...] Il existe un bon exemple des péripéties des fichiers judiciaires et de police : le FIJAISV, fichier judiciaire automatisé des auteurs d'agressions sexuelles et violentes, créé en 2004. [...] Sept ans plus tard, le fichier réunit 54 900 personnes, qui doivent justifier régulièrement de leur adresse, en fonction de la gravité des faits. Et comme souvent avec les fichiers, les critères d'inscription ont été élargis progressivement – dans ce cas, à tous les crimes graves. Il mêle donc aujourd'hui un grand nombre de situations, que les forces de l'ordre ont le plus grand mal à hiérarchiser : elles reçoivent, par mois, 2 500 alertes de non justification de domicile des personnes inscrites au fichier. "Trop nombreuses, [les alertes] motivent insuffisamment les services locaux de police et de gendarmerie qui doivent établir la nouvelle adresse du délinquant", notent les rapporteurs."

mercredi 21 décembre 2011

Jour 1684

Attention à ne plus dire du mal des mauvais flics

Le Monde, 21 décembre 2011 :

"le ministre de la justice a demandé au Conseil supérieur de la magistrature (CSM) de "rejuger" en formation disciplinaire un magistrat du parquet de Bobigny qu'il avait "relaxé", une démarche sans précédent. Il s'agit du vice-procureur de Bobigny, Jean-Dominique Le Milon, qui avait assimilé lors d'un procès les méthodes des policiers prévenus, qui avaient accusé à tort un automobiliste d'avoir renversé l'un d'eux, à celles de la Gestapo. Le Syndicat de la magistrature (SM, gauche) s'est immédiatement dit "consterné" par cette initiative du ministre, Michel Mercier, "un précédent scandaleux" qui démontre selon lui "la soumission du ministre de la justice aux pressions du ministre de l'intérieur"."

mardi 20 décembre 2011

Jour 1683

Une nationalité sélective
 
Le Monde Diplomatique, le 8 décembre 2011 : 

"Le 22 septembre dernier, notre collaborateur colombien Hernando Calvo Ospina s’est vu opposer par le ministère de l’intérieur une fin de non-recevoir à sa demande d’obtention de la nationalité française (voir le document joint). Installé en France depuis vingt-cinq ans comme réfugié politique, journaliste et écrivain, Calvo Ospina est l’auteur de plusieurs ouvrages sur Cuba et sur la Colombie. Dans une lettre officielle, le sous-directeur de l’accès à la nationalité française, M. Laurent Audinet, motive le refus de sa naturalisation par ses « relations avec la représentation diplomatique cubaine à Paris » et le fait qu’il figure, depuis 2009, sur « une liste américaine de personnes interdites de survol de l’espace aérien des Etats-Unis » (1). M. Audinet argue également que Calvo Ospina a écrit, en 2003, que « la diplomatie française joue avec le feu » en soutenant ce que le sous-directeur décrit comme « les mesures de rétorsion prises par l’Union européenne envers le régime castriste ». Enfin, il reproche à Calvo Ospina d’avoir « rencontré plusieurs membres [des Forces armées révolutionnaires de Colombie, FARC] à l’occasion de [ses] activités de journaliste ». Sur la base de ces éléments, il conclut qu’il ne lui paraît « pas opportun » d’accorder à notre collaborateur la faveur qu’il sollicite auprès de la France. Le Monde diplomatique s’interroge sur les raisons qui, visiblement, ont conduit l’administration française à estimer : - qu’une interdiction américaine de survol du territoire américain pouvait constituer un argument dans une décision liée à l’attribution de la nationalité française ; - que le fait d’être en contact avec une délégation diplomatique reconnue par la France représentait un obstacle à l’octroi de la nationalité française ; - qu’une critique non pas de la France, mais de ses choix diplomatiques, dénotait un manque de « loyauté » vis-à-vis de l’Hexagone ; - que le fait que Calvo Ospina ait rencontré les membres des FARC « à l’occasion de [ses] activités de journaliste » posait un problème que ne semblent pas soulever ses rencontres similaires avec le Cartel de Medellín. Le Monde diplomatique a tenté d’obtenir quelques éclaircissements en se mettant en contact avec les services de M. Audinet le 22 novembre. A ce jour, celui-ci n’a pas trouvé le temps de nous répondre."

lundi 19 décembre 2011

Jour 1682

Des bonnes résolutions pour la nouvelle année

Syndicat de la Magistrature, le 14 décembre 2011 :

"Déposé à l’Assemblée nationale le 23 novembre 2011, ce texte s’annonce comme le dernier de la législature en matière pénale – du moins peut-on le souhaiter. Présenté en conseil des ministres quelques jours après le drame ultra-médiatisé dit « du Chambon-sur-Lignon » et mis explicitement en relation avec ce dernier, il fait l’objet d’une « procédure accélérée ». Premier constat : une nouvelle fois, le gouvernement demande au Parlement de légiférer dans l’urgence et dans un contexte propice à la surenchère répressive. La recette est éprouvée ; elle n’en demeure pas moins indigne. Autre constante consternante : l’absence de concertation entreprise au stade de l’élaboration de ce texte. Ainsi, à aucun moment le Syndicat de la magistrature n’a été consulté par la Chancellerie sur ses orientations et dispositions, pourtant présentées comme cruciales pour notre justice et qui, de fait, visent notamment à fixer « les objectifs de l’action de l’Etat » en matière d’exécution des peines, de prévention de la récidive et de prise en charge des mineurs délinquants « pour les années 2013 à 2017 ». Cette manière de passer en force, à l’égard tant des professionnels concernés que des assemblées parlementaires – sommées d’enregistrer précipitamment les annonces du pouvoir exécutif et singulièrement de son chef en campagne –, est le signe d’un affaissement démocratique. L’exposé des motifs du projet de loi en porte la trace, s’agissant pour l’essentiel – au-delà de quelques poncifs sur l’efficacité de la « chaîne pénale » ou les vertus d’une sanction « certaine et rapide » – d’un pathétique exercice d’auto-satisfaction. Ainsi le gouvernement ne craint-il pas d’affirmer – en dépit de l’échec patent et largement documenté de sa politique de sécurité – que « depuis plusieurs années, des efforts considérables ont été consentis pour assurer aux Français une protection efficace contre la délinquance », comme en témoignerait son œuvre réformatrice et notamment, dans le champ de la prévention de la récidive, les lois du 10 août 2007, du 25 février 2008 et du 10 mars 2010, dont RIEN ne permet pourtant d’affirmer qu’elles aient eu le moindre effet sur le niveau de la délinquance en général et sur celui de la récidive en particulier. De même se félicite-t-il d’avoir mis en œuvre depuis le début de l’année 2011 – en réalité, après l’affaire dite « de Pornic »... – un « plan national de réduction des délais d’exécution des peines », dont le seul effet tangible est d’avoir conduit à l’explosion de la (sur)population carcérale. Comment ne pas rappeler, à cet égard, la duplicité dont le garde des Sceaux a fait preuve cet été, en invitant les parquets à différer la mise à exécution de certaines peines d’emprisonnement afin de ne pas aggraver une situation pénitentiaire devenue intenable avant, quelques jours plus tard, de désavouer publiquement le procureur de Dunkerque qui s’était – sans doute un peu trop ouvertement – conformé à ses instructions ? On touche ici au coeur du présent projet de loi : plutôt que d’amorcer une sortie de cette impasse qu’est le tout-carcéral, le gouvernement invite le Parlement à s’y fourvoyer durablement. Car, s’il fallait bien y traiter à nouveau de « la récidive » et de « la délinquance des mineurs », thèmes porteurs s’il en est, ce texte vise principalement à traduire dans la loi en le justifiant « techniquement » le discours électoraliste prononcé le 13 septembre dernier par le chef de l’Etat/candidat au centre pénitentiaire de Réau : construire, encore et toujours, des prisons, pour enfermer toujours plus de personnes, quel qu’en soit le coût pour la société et quand bien même cela ne ferait aucunement reculer « l’insécurité », tel est son objet principal."

dimanche 18 décembre 2011

Jours 1680 & 1681

C'est la folie !

Le Monde, 17 décembre 2011 :

"Sur fond de crise économique, de mondialisation et de nouvelles organisations du travail, la santé mentale des travailleurs se dégrade. Tel est le constat de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pointé dans une étude publiée le mercredi 14 décembre, "Mal être au travail ? Mythes et réalités sur la santé mentale au travail ". Selon l'organisation, qui regroupe 34 pays parmi les économies les plus avancées, mais aussi quelques émergents comme le Chili, la Turquie ou le Mexique, "la précarisation croissante des emplois et l'augmentation actuelle des pressions au travail pourraient entraîner une aggravation des problèmes de santé mentale dans les années à venir". Et l'OCDE n'hésite pas à qualifier la santé mentale de "nouveau défi prioritaire pour le marché du travail". Par "mauvaise santé mentale", l'OCDE entend les dépressions graves, les toxicomanies sévères (alcool, drogue), les troubles maniaco-dépressifs... tous ces maux étant établis par un diagnostic médical. [...] La crise économique et ses conséquences apparaissent comme l'une des explications majeures de la détérioration de la santé mentale des salariés. Ainsi, établit l'étude, "la perte de l'emploi aggrave la détresse psychologique plus que n'importe quel autre événement de la vie, comme un accident ou la perte d'un conjoint". [...] Pour Miranda Veerle, "l'évolution vers une économie de services complique la donne : le contact avec les gens fragilise les personnes plus faibles mentalement qui résistent moins bien à la pression". Résultat, la tension au travail a fortement augmenté dans presque tous les pays de l'OCDE. Au Royaume-Uni, elle concernait 40 % des salariés en 2010, contre 25 % en moyenne sur la période 1995-2005. En France, 30 % contre 20 % sur les mêmes périodes de référence, et en Espagne, 41 % contre 29 %."

vendredi 16 décembre 2011

Jour 1679

Champions du monde

Lu sur Yahoo actualité, le 15 décembre 2011 :

"Nicolas Sarkozy avait bataillé ferme pour imposer la loi Création et Internet en 2009, qui a donné naissance à la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi). [...] Des Américains ont lancé récemment "You have downloaded", ("vous avez téléchargé"), un site qui "scanne" et répertorie toutes les adresses IP présentes sur ces réseaux et qui permet de voir quels fichiers ont été téléchargés par une adresse IP donnée. [...] Un internaute a réussi à repérer les adresses IP utilisées par les ordinateurs de l'Elysée et a lancé le test. Surprise ! Des albums des Beach Boys au film "Le Casse de Central Park", les ordinateurs de Elysée auraient été utilisés pour télécharger des contenus illicites. [...] Mais attention : les adresses IP ne sont pas fiables à 100%, et il se peut que les adresses IP de l'Elysée aient été utilisées comme une sorte de "camouflage" par un internaute pour dissimuler ses traces. De deux choses l'une : soit les employés de l'Elysée téléchargent illégalement (comme un Français sur deux) ; soit c'est une nouvelle preuve que l'outil principal utilisé par la Hadopi – les adresses IP – ne sont pas fiables."

jeudi 15 décembre 2011

Jour 1678

At last...

Le Figaro, 15 décembre 2011 :

"L'ancien président de la République Jacques Chirac a été condamné jeudi à deux ans de prison avec sursis par le tribunal correctionnel dans l'affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris. Il a été reconnu coupable de «détournement de fonds public», «abus de confiance» et «prise illégale d'intérêt» dans les deux volets de l'affaire, instruits par les parquets de Paris et de Nanterre.

Essayez juste de voler une voiture, on verra bien si vous prenez du sursis...

mercredi 14 décembre 2011

Jour 1677

Crevez en silence

La rubrique Blog du Monde, le  8 décembre 2011 :

"Ces "territoires oubliés" sont pourtant symptomatique de l'état des prisons françaises. "Sur les quatorze établissements que compte l’outre-mer, la densité est supérieure à 200 % dans trois établissements, et la moitié est en état de surpeuplement," souligne Owni. Le site a demandé à Alexis Saurin, président de la Fédération des associations réflexion-action, prison et justice (Farapej), la raison de cet état de fait. "Les prisons d’outre-mer sont moins visitées par les contrôleurs. On peut se demander si la situation dans ces établissements est plus acceptable parce qu’ils sont loin de métropole… La situation n’est pas nouvelle. Le centre pénitentiaire Nuutania, à Faa (Polynésie française), était déjà largement surpeuplé en 2003. Si la situation perdure, c’est qu’elle est d’une certaine manière tolérée…" François Bès, coordinateur outre-mer pour l'OIP, interrogé par le NouvelObs.com, précise. "Les deux pires prisons françaises en termes de conditions de détention sont le centre pénitentiaire Camp Est de Nouméa et celui appelé Faa'a-Nuutania en Polynésie." Le second enregistre un taux d'occupation de 400 %. "L'an dernier, lors d'une inspection des services vétérinaires, des parasites ont été trouvés dans la nourriture et il n'est pas rare que les détenus y trouvent des vers," ajoute M. Bès."

mardi 13 décembre 2011

Jour 1676

Je ne fait pourtant de tort à personne...

Bug Brother, le 13 décembre 2011 :

"Les députés débattront, ce mardi 13 décembre en fin d'après-midi et dans la nuit, de la création du "fichier des gens honnêtes" (sic), du nom donné par le rapporteur (UMP) de la proposition de loi relative à la protection de l'identité. L'objectif affiché est de lutter contre l'usurpation d'identité, et donc de ficher l'état civil, l'adresse, la taille et la couleur des yeux, les empreintes digitales et la photographie de 45 à 60 millions de "gens honnêtes". [...] De son côté, Claude Guéant compte profiter de l'occasion pour permettre une exploitation policière de ce fichier des "gens honnêtes", quand bien même cela va à l'encontre des textes de lois nationaux et européens et que le Sénat s'est déjà, par deux fois, résolument prononcé contre ce détournement de finalité, au nom des risques que cela pourrait poser. Les sénateurs, conscients des risques posés par la perspective de ficher de 45 (en première lecture) à 60 (en seconde lecture) millions de "gens honnêtes", avaient interdit toute possibilité d'utilisation policière de ce fichier. A contrario, à l'Assemblée, Claude Guéant avait défendu une telle extension de ses possibilités, au motif qu'aucun député ne pourrait décemment s'opposer "à ce que la justice utilise tous les moyens pour faire triompher la vérité". Et l'on vit donc 7 députés de la majorité UMP (face à 4 députés de l'opposition) voter pour le fichage de 45 à 60M de "gens honnêtes"… [...] Problème : rien n'interdira, à l'avenir, d'étendre la liste des crimes et délits permettant d'accéder au "fichier des honnêtes gens". Le FNAEG, ce fichier d'empreintes génétiques créé pour lutter contre la récidive en matière de crimes sexuels, a ainsi été, depuis, élargi aux personnes simplement "suspectées" d'avoir commis la quasi-totalité des crimes et délits… Ce pour quoi plus de 75% des 1,2 million de personnes dont l'ADN est fiché au FNAEG sont pourtant bel et bien innocentes de ce dont elles ont été suspectées, faute d'avoir été condamnées..."

lundi 12 décembre 2011

Jour 1675

Une petite leçon sur l'engagement  

Le Figaro, 12 décembre 2011 : 

"Pour protester contre le sort infligé aux Hmongs du Laos, un colonel français à la retraite s'est tiré une balle dans la tête en octobre au pied du monument aux morts d'Indochine de Dinan [...] Robert Jambon, 86 ans, n'a jamais oublié avec qui il s'est battu. Mobilisé en Indochine de 1950 à 1954, le colonel a combattu aux côtés des Hmongs, cette minorité du Laos dont une partie avait décidé de rejoindre les Français et les Américains pour lutter contre les régimes communistes. Dans une lettre rédigée avant de se tuer et intitulée «Ma dernière cartouche, ultime combat pour une cause orpheline», Robert Jambon évoque «ces amis pas comme les autres».[...]epuis que le Laos est devenu communiste après le coup d'état de décembre 1975, ces derniers sont considérés comme des traîtres. Aujourd'hui, soixante ans après la fin de la guerre, ils sont toujours traqués et affamés dans les montagnes laotiennes par le régime communiste en place. [...] Pendant des années, Robert Jambon tenta d'avertir les plus hautes autorités de l'État de ce qu'il appelait «un génocide». En vain. Puis il y a eu en 2009 le coup de grâce, lorsque 4700 réfugiés Hmongs en Thaïlande ont été expulsés et rapatriés au Laos, qu'ils avaient fui trente ans auparavant. Si l'événement avait suscité une vague internationale de protestations à l'époque, le colonel n'acceptera jamais l'inaction qui s'en est suivi. [...] le colonel Jambon, commandeur de la Légion d'honneur, a finalement décidé qu'il allait subir le même sort que ses «frères d'armes» tombés 60 ans plus tôt sur les champs de bataille. C'est ainsi qu'il a justifié sa décision d'en finir, à 86 ans, non par «une fuite honteuse» mais par un «acte de guerre»."

samedi 10 décembre 2011

Jours 1673 & 1674

Histoire de mettre les choses au point

Robert Fisk, l'Independent, 10 décembre 2011 :

"Writing from the very region that produces more clichés per square foot than any other "story" – the Middle East – I should perhaps pause before I say I have never read so much garbage, so much utter drivel, as I have about the world financial crisis. But I will not hold my fire. It seems to me that the reporting of the collapse of capitalism has reached a new low which even the Middle East cannot surpass for sheer unadulterated obedience to the very institutions and Harvard "experts" who have helped to bring about the whole criminal disaster. Let's kick off with the "Arab Spring" – in itself a grotesque verbal distortion of the great Arab/Muslim awakening which is shaking the Middle East – and the trashy parallels with the social protests in Western capitals. We've been deluged with reports of how the poor or the disadvantaged in the West have "taken a leaf" out of the "Arab spring" book, how demonstrators in America, Canada, Britain, Spain and Greece have been "inspired" by the huge demonstrations that brought down the regimes in Egypt, Tunisia and – up to a point – Libya. But this is nonsense. The real comparison, needless to say, has been dodged by Western reporters, so keen to extol the anti-dictator rebellions of the Arabs, so anxious to ignore protests against "democratic" Western governments, so desperate to disparage these demonstrations, to suggest that they are merely picking up on the latest fad in the Arab world. The truth is somewhat different. What drove the Arabs in their tens of thousands and then their millions on to the streets of Middle East capitals was a demand for dignity and a refusal to accept that the local family-ruled dictators actually owned their countries. The Mubaraks and the Ben Alis and the Gaddafis and the kings and emirs of the Gulf (and Jordan) and the Assads all believed that they had property rights to their entire nations. Egypt belonged to Mubarak Inc, Tunisia to Ben Ali Inc (and the Traboulsi family), Libya to Gaddafi Inc. And so on. The Arab martyrs against dictatorship died to prove that their countries belonged to their own people. And that is the true parallel in the West. The protest movements are indeed against Big Business – a perfectly justified cause – and against "governments". What they have really divined, however, albeit a bit late in the day, is that they have for decades bought into a fraudulent democracy: they dutifully vote for political parties – which then hand their democratic mandate and people's power to the banks and the derivative traders and the rating agencies, all three backed up by the slovenly and dishonest coterie of "experts" from America's top universities and "think tanks", who maintain the fiction that this is a crisis of globalisation rather than a massive financial con trick foisted on the voters. The banks and the rating agencies have become the dictators of the West. Like the Mubaraks and Ben Alis, the banks believed – and still believe – they are owners of their countries. The elections which give them power have – through the gutlessness and collusion of governments – become as false as the polls to which the Arabs were forced to troop decade after decade to anoint their own national property owners. Goldman Sachs and the Royal Bank of Scotland became the Mubaraks and Ben Alis of the US and the UK, each gobbling up the people's wealth in bogus rewards and bonuses for their vicious bosses on a scale infinitely more rapacious than their greedy Arab dictator-brothers could imagine. I didn't need Charles Ferguson's Inside Job on BBC2 this week – though it helped – to teach me that the ratings agencies and the US banks are interchangeable, that their personnel move seamlessly between agency, bank and US government. The ratings lads (almost always lads, of course) who AAA-rated sub-prime loans and derivatives in America are now – via their poisonous influence on the markets – clawing down the people of Europe by threatening to lower or withdraw the very same ratings from European nations which they lavished upon criminals before the financial crash in the US. I believe that understatement tends to win arguments. But, forgive me, who are these creatures whose ratings agencies now put more fear into the French than Rommel did in 1940? Why don't my journalist mates in Wall Street tell me? How come the BBC and CNN and – oh, dear, even al-Jazeera – treat these criminal communities as unquestionable institutions of power? Why no investigations – Inside Job started along the path – into these scandalous double-dealers? It reminds me so much of the equally craven way that so many American reporters cover the Middle East, eerily avoiding any direct criticism of Israel, abetted by an army of pro-Likud lobbyists to explain to viewers why American "peacemaking" in the Israeli-Palestinian conflict can be trusted, why the good guys are "moderates", the bad guys "terrorists". The Arabs have at least begun to shrug off this nonsense. But when the Wall Street protesters do the same, they become "anarchists", the social "terrorists" of American streets who dare to demand that the Bernankes and Geithners should face the same kind of trial as Hosni Mubarak. We in the West – our governments – have created our dictators. But, unlike the Arabs, we can't touch them. The Irish Taoiseach, Enda Kenny, solemnly informed his people this week that they were not responsible for the crisis in which they found themselves. They already knew that, of course. What he did not tell them was who was to blame. Isn't it time he and his fellow EU prime ministers did tell us? And our reporters, too?"

vendredi 9 décembre 2011

Jour 1672

Les prochaines guerres...


"Maniant le chantage à la faillite et la peur du chaos, deux anciens banquiers, MM. Lucas Papadémos et Mario Monti, viennent de prendre le pouvoir à Athènes et à Rome. Ce ne sont pas des techniciens apolitiques, mais des hommes de droite, membres de la Commission trilatérale, connue pour avoir dénoncé l’excès de démocratie des sociétés occidentales. En novembre dernier, le « directoire » franco-allemand de l’Union européenne, la Banque centrale européenne (BCE) et le Fonds monétaire international (FMI) — la « troïka » — ont manifesté leur colère quand le premier ministre grec Georges Papandréou annonça la tenue d’un référendum sur l’austérité dans son pays. Cela remettait en cause, selon eux, un accord intervenu un mois plus tôt, qui prévoyait un nouveau durcissement de la politique économique ayant mis la Grèce à genoux. Convoqué à Cannes entre deux réunions d’un sommet auquel son pays, trop petit, ne participait pas, condamné à faire antichambre, morigéné publiquement par Mme Angela Merkel et M. Nicolas Sarkozy, pourtant coresponsables de l’aggravation de la crise (lire « Sur le toboggan de la crise européenne »), M. Papandréou dut renoncer à son référendum et démissionner. Son successeur, un ancien vice-président de la BCE, a choisi d’élargir aussitôt le gouvernement d’Athènes à une formation d’extrême droite interdite de pouvoir depuis la chute des colonels grecs, en 1974. Sans que la « troïka » ne manifeste une émotion particulière. Le projet européen devait assurer la prospérité, conforter la démocratie dans les Etats autrefois gouvernés par des juntes militaires (Grèce, Espagne, Portugal) et désamorcer les « nationalismes fauteurs de guerre ». Il réalise tout le contraire : purge renforcée, gouvernements transformés en pantins des salles de marché, réveil des animosités entre peuples du Vieux Continent. « On ne peut pas continuer à être les esclaves de l’Allemagne », s’indigne un jeune Espagnol qui ne veut pas s’exiler à Berlin ou à Hambourg pour trouver du travail. Les Italiens se sont surtout offusqués de l’arrogance du président français et se sont demandé, légitimement, quel talent particulier pouvait la justifier. Certains Grecs dénoncent déjà la prise en main de leur pays par des « forces d’occupation » ; des caricatures représentent même la chancelière allemande en nazie… Aux peuples que martyrisent les politiques d’austérité, l’histoire de l’Europe offre un large choix d’analogies abusives. Mais, toutes proportions gardées, les derniers événements d’Athènes rappelleraient plutôt l’été 1968 en Tchécoslovaquie, la « normalisation » à Prague et l’éviction du dirigeant communiste Alexandre Dubcek. La « troïka » qui vient de transformer la Grèce en protectorat a joué le rôle autrefois dévolu au pacte de Varsovie ; M. Papandréou, celui d’un Dubcek qui n’aurait jamais osé résister. Avec, dans les deux cas, la mise en œuvre d’une doctrine de la « souveraineté limitée » dont on concédera volontiers la nature moins meurtrière quand trois agences de notation en dictent les paramètres que lorsque les chars soviétiques franchissaient des frontières. Après avoir écrasé la Grèce et piétiné l’Italie, l’Union européenne et le FMI tournent à présent leur regard vers la Hongrie et l’Espagne."

jeudi 8 décembre 2011

Jour 1671

Un tout petit progrès mais un progrès quand même

Syndicat de la Magistrature, le 8 décembre 2011 :

"Noël est sans doute une période mal choisie pour supprimer les petits cadeaux que constituent les décorations. Toutefois, le projet de loi organique sur le statut de la magistrature, actuellement discuté à l’Assemblée Nationale, a fait l’objet d’un amendement bienvenu – déposé par le député socialiste René Dosière, au terme duquel « pendant et au titre de l’exercice de leurs fonctions, les magistrats ne peuvent recevoir aucune décoration publique au titre du livre 1er du Code de la Légion d’honneur et de la médaille militaire et du décret n°63-1196 du 3 décembre 1963 portant création de l’ordre national du Mérite ». Cet amendement a été adopté par la commission des lois à la quasi-unanimité. Il ne constitue nullement une surprise : René Dosière avait déjà déposé, le 25 mai 2007, une proposition de loi organique rédigée dans des termes identiques. La question n’est donc pas nouvelle et le Syndicat de la magistrature s’est positionné explicitement en sa faveur lors de son congrès annuel, le 26 novembre dernier. Au-delà des garanties d’indépendance que les magistrats tiennent de leur statut, l’apparence même de l’indépendance est aussi une source de plus grande confiance des citoyens envers leur justice. En interdisant demain la remise de décorations aux magistrats en exercice, le Parlement conforterait cette apparence en même temps que la séparation du pouvoir exécutif et de l’autorité judiciaire. Il ne s’agit évidemment pas de stigmatiser ceux qui ont bénéficié jusqu’à aujourd’hui de ces décorations, mais bien d’adopter enfin, pour l’avenir, des pratiques plus conformes à l’idée d’une République moderne. Dans le même esprit, il restera à proscrire l’attribution de plusieurs autres hochets aux magistrats, au premier rang desquels les médailles de l’Administration Pénitentiaire ou de la Protection Judiciaire de la Jeunesse, surtout lorsqu’elles viennent « récompenser » ceux d’entre eux qui ont notamment pour mission de contrôler ces administrations… En tout cas, le garde des Sceaux, qui vient de s’illustrer en créant la « médaille des services judiciaires », en sera pour ses frais !"

mercredi 7 décembre 2011

Jour 1670

Encore un de moins

Le Monde, 7 décembre 2011 :

"A 53 ans, Eric Besson s'apprête à quitter le champ de la politique active. Le ministre de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique a récemment informé Jean-François Copé, secrétaire général de l'UMP, qu'il renonçait à la circonscription des Français de l'étranger qui lui était réservée pour les élections législatives de juin 2012 [...] Invité sur France 5, le 27 novembre, le transfuge de la gauche précisait : "Je n'ai plus d'ambition strictement personnelle en politique (...). J'ai dit qu'un jour, je ne sais pas quand, mais un jour, je retournerai vers l'entreprise privée." Il précisait : "Je suis très heureux d'avoir été cinq ans membre de ce gouvernement", avant de lâcher : "Le ministère, ça n'est pas cool...""

Pov' poussin

mardi 6 décembre 2011

Jour 1669

Pendant ce temps, à Nouméa...

Le Monde, 6 décembre 2011 :

"L'état déplorable et la surpopulation de la prison de Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, relèvent d'une "violation grave des droits fondamentaux" des personnes qu'il héberge, déplore Jean-Marie Delarue, le contrôleur des prisons, dans des "recommandations" publiées mardi 6 décembre au Journal officiel. [...] La suroccupation atteint 300 % dans la maison d'arrêt, quartier destiné aux personnes en détention provisoire ou condamnées à de courtes peines. [...] La Ligue des droits de l'homme de Nouvelle-Calédonie a dénoncé récemment "l'horreur" de la prison de Nouméa, où deux jeunes détenus sont morts en octobre. L'un a été battu à mort par ses codétenus, l'autre s'est pendu."

lundi 5 décembre 2011

Jour 1668

Un crétin de moins

Le Monde,  5 décembre 2011 :

"Si Nicolas Sarkozy a trouvé l'action de Greenpeace "assez irresponsable", d'autres membres de son propre camp ont eu des mots plus durs. "La gendarmerie aurait du abattre les terroristes de greenpeace ! Ils ne meritent pas de traitements particuliers…" a ainsi estimé dans un message posté sur Twitter, le porte-parole des Jeunes Populaires (UMP) du Loiret, Maxime Buizard. [...] Le jeune homme n'a pas pu non plus compter sur son propre camp qui par la voix de Benjamin Lancar, patron des Jeunes pop, a indiqué qu'il était mis fin à ses fonctions. Les excuses de Maxime Buizard postée sur Twitter un peu plus tard dans la journée et dans lesquels il "regrette profondément" son tweet n'auront donc pas suffi à calmer l'indignation suscitée par ses propos."

dimanche 4 décembre 2011

Jours 1666 & 1667

Va au coin

Le Blog C'est Classe ! de Libération, le 4 décembre 2011 :

"Intriguée par les échos de plagiat tous azimuts, j'ai fini par lire le livre de Rama Yade. Mal m'en a pris. [...] Le livre s'appelle "Plaidoyer pour une instruction publique". Il a été largement couvert en raison du nombre de passages plagiés, des paragraphes entiers qui sont des copier-coller sans aucun guillemet. [...] Acculée, Rama Yade s'est vaguement excusée, expliquant que son "erreur" avait été de "citer librement" (comprenez sans guillemets) des auteurs qui étaient par ailleurs mentionnés dans sa "très large bibliographie". Ce qui est faux. La bibliographie n'est pas si large. Et elle oublie le prof de philo et les journalistes plagiés."

La petite Rama a au moins fait comprendre aux jeunes que l'honnêteté est une qualité bien surfaite en politique.

vendredi 2 décembre 2011

Jour 1665

Une assiette de merde ?

Le Monde, 2 décembre 2011 :

"L'hypothèse d'une réintroduction des farines animales, cause de la maladie de la vache folle, était envisagée. L'hypothèse de ce retour se concrétise. Comme le rapporte le site d'Europe 1, le Conseil national de l'alimentation (CNA) a donné son aval, vendredi 2 décembre, à une réintroduction partielle des farines animales, longtemps interdites. Aucune date précise n'est encore arrêtée. Il s'agirait surtout de préparer l'opinion à cette éventualité. Selon le CNA, instance consultative des ministères de l'alimentation, de la santé et de l'économie, les farines animales pourraient donc être réintroduites en France sous de nouvelles formes dénomées "PAT", pour protéines animales transformées, souligne Europe 1."

jeudi 1 décembre 2011

Jour 1664

Vous allez le droit de... Non, rien, en fait

Le Figaro, 30 novembre 2011 :

"À compter de ce jeudi, à tout moment, les juges d'instruction peuvent à nouveau accéder aux lieux les mieux protégés de la République, de Matignon au siège des services secrets. Le Conseil constitutionnel avait, en effet, fixé au 1er décembre le jour où les autorités devaient se mettre en conformité avec sa décision du 10 novembre dernier limitant le secret défense.[...] Mais la partie n'est pas gagnée pour autant par les juges. Car si les lieux sont accessibles, les documents sont toujours protégés par un système qui fait des ministres concernés, à la Défense, au Quai d'Orsay ou à Beauvau, les seuls maîtres de l'éventuelle «déclassification».Pour obtenir ces éléments, il faut d'abord saisir une commission consultative du secret de la défense nationale, qui émet un simple avis et dont le président est nommé par l'exécutif. Le juge ne peut se rendre sur site qu'avec le président de cette commission. Il ne peut pas emporter de document, ni même le lire. Celui-ci est immédiatement placé sous scellé, sous la garde du président de la commission, jusqu'à l'éventuelle déclassification par le ministre concerné. L'État a donc toujours le dernier mot."