dimanche 28 février 2010

Jours 1025 & 1026

Putain ça fichier

Bug Brother, le 25 février 2010 :

"en 2001, la CNIL, seule habilitée à y contrôler la véracité des fichiers [de la police] [...] y répertoriait 25% d’erreurs. En 2004, le taux d’erreurs était de 44%, en 2005 de 53%, et, en 2008, de 83%. Et plus d’un million de personnes y sont encore considérées comme “suspectes” alors qu’elles ont été blanchies par la justice (voir En 2008, la CNIL a constaté 83% d’erreurs dans les fichiers policiers)."

vendredi 26 février 2010

Jour 1024

Une histoire écrite par les vainqueurs

L'Observatoire des Inégalités, le 16 février 2010 :

"Il ne sera plus question d’inégalités en classe de seconde au lycée. Ce thème a en effet été retiré du projet de programme des sciences économiques et sociales. L’Association des professeurs de sciences économiques et sociales (Apses) s’oppose à ce projet dans un communiqué du 23 janvier 2010. L’Apses y dénonce l’abandon de sujets indispensables à la bonne compréhension du monde économique et social comme l’emploi, le chômage, les revenus et les inégalités qui en découlent. Ce sont ainsi des questions de société primordiales qui seront évacuées du programme et remplacées par des notions plus abstraites et théoriques : « c’est une présentation de l’économie atemporelle sans hommes ni institutions, une économie réduite à des courbes, dérivées, élasticités et autre prix d’équilibre », indique l’Apses.

[...]

Avant d’entériner ces nouveaux programmes, le Ministère organise une consultation nationale d’ensemble des projets de programme d’enseignement de la classe de seconde jusqu’au 12 mars 2010, procédure normale pour recueillir les avis des enseignants via les recteurs d’académie, des parents d’élèves et enfin celui du Conseil supérieur de l’éducation (CSE)"

jeudi 25 février 2010

Jour 1023

Oulala attention aux blogs !

Sur le blog du Monde Diplomatique, Informations 2.0, le 10 février 2010 :

"Rarement le désarroi des caciques des médias devant le discrédit qui les frappe aura été aussi évident que lors de cette soirée sur Arte, mardi 9 février, intitulée « Main basse sur l’info » [...] « Il faut cesser de faire croire, assène Elkabbach, que le citoyen journaliste va se substituer bientôt au journaliste citoyen : toutes les expériences citoyennes ont besoin de vrais journalistes pour sélectionner, vérifier et écrire. Alors, chacun à sa place ! » Axel Ganz, fondateur de Prisma Presse, dont les publications (Voici, Gala, Capital, VSD, Télé-Loisirs…) sont réputées pour leur contribution de haut vol à la vitalité de la démocratie, estime qu’à long terme Internet fera naître chez les jeunes « un scepticisme sur les valeurs de notre société » : terrifiante perspective."

Dépêchez vous d'aller lire la totalité de l'article, c'est drôle et donc terrifiant.

Jour 1022

Parquet flottant

Le Syndicat de la Magistrature, le 23 février 2010 :

"la Cour européenne des droits de l’Homme a envoyé un signal très clair à la France en affirmant, dans son arrêt MEDVEDYEV du 10 juillet 2008, que notre parquet ne saurait être considéré comme une autorité judiciaire, parce qu’il « lui manque en particulier l’indépendance à l’égard du pouvoir exécutif »."

Lisez bien le reste de l'article, glaçant au possible...

mercredi 24 février 2010

Jour 1021

Au bout du rouleau

Libération, le 23 février 2010 :

"«Avant, on était crevés au boulot. Maintenant, on est usés partout, tendus tout le temps, dans tous les compartiments de la vie». Ainsi parle le médiateur de la République, Jean-Paul Delevoye, qui remettait ce mardi son rapport annuel (ici en pdf). Il dresse un tableau plutôt sombre de la société, que l'on peut résumer ainsi : les Français sont «fatigués psychiquement». Marre de «la jungle administrative», des galères invraisemblables pour renouveler ses papiers d'identité pour les Français nés à l'étranger. Ou pour faire «simplement» corriger une erreur de l'administration... Le nombre d'affaires transmises au médiateur de la République est en nette progression, +16% par rapport à 2008."

mardi 23 février 2010

Jour 1020

Abject

Le Monde, 22 février 2010 :

"RESF (Réseau éducation sans frontières) a dénoncé lundi dans un communiqué l'expulsion d'une lycéenne marocaine de 19 ans d'Olivet (Loiret) victime de violences de la part de son frère, contre qui elle venait de porter plainte. Selon RESF, la jeune fille, en France depuis 2005 parce qu'elle a voulu échapper à un mariage forcé dans son pays et élève au lycée professionnel Dolto à Olivet, est maltraitée régulièrement par le frère chez qui elle réside. Le 18 février, la jeune fille a déposé une main courante au commissariat de Montargis, puis le lendemain elle a porté plainte à la gendarmerie de Château-Renard. C'est là qu'elle est alors placée en garde à vue avant d'être expulsée samedi en direction du Maroc, selon RESF. RESF précise que la jeune femme a présenté aux autorités un certificat médical avec une incapacité de travail de huit jours. "Najlae ne veut pas retourner au Maroc car elle sait qu'elle est destinée à être mariée à un cousin", écrit RESF dans son communiqué, jugeant l'affaire "ignoble"."

lundi 22 février 2010

Jour 1019

Arrested Development

La rubrique Désintox de Libération, le 19 février 2010 :

"Le 5 novembre 2008, Alain Joyandet, secrétaire d’Etat chargé de la Coopération, assurait dans un discours à propos de l’aide publique au développement: «Il n’y a aucune ambiguïté : nous respecterons tous nos engagements pour parvenir, autour de 2010, à 0,5% de notre aide au développement rapporté au PIB de la France.» Il ne faisait que répercuter les engagements de Jacques Chirac, puis de Nicolas Sarkozy. [...] Nous voilà en 2010, et le compte n’y est pas. Cette année, la France devrait consacrer seulement 0,46% de son RNB à l’APD [...] L’Afrique ne devrait ainsi recevoir que 12 milliards sur les 25 milliards prévus. La faute incombe aux mauvais élèves, parmi lesquels la France. «Les niveaux insatisfaisants de certains donneurs, l’Allemagne, l’Autriche, la France, la Grèce, l’Italie, le Japon et le Portugal, signifient que le niveau de l’aide globale sera moindre que ce qui a été promis», déplore Eckhard Deutscher, président du Comité d’Aide au Développement (CAD) de l’OCDE."

samedi 20 février 2010

Jours 1017 & 1018

C'est mal parti

L'observatoire des Inégalités, le 10 février 2010 :

"Globalement les revenus augmentent, les conditions de vie s’améliorent, on est mieux formé et on vit plus longtemps. Oui mais voilà : ces progrès sont de moins en moins bien partagés. Les plus riches ont vu leurs revenus s’envoler avant la récession et le krach boursier qui a tempéré ces hausses avec une forte baisse des revenus du patrimoine. En même temps, les plus cultivés s’acharnent bec et ongles à défendre l’un des systèmes éducatifs les plus inégalitaires parmi les pays riches, formaté pour convenir aux enfants de diplômés. Et ça marche : les scolarités s’allongent surtout pour les plus diplômés. D’une manière générale, les périodes de ralentissement économique durcissent la compétition, ce qui profite aux plus favorisés. La situation des moins qualifiés, des femmes, des immigrés et des précaires ne se dégrade pas, mais les progrès des années précédentes sont stoppés. Depuis une quinzaine d’années la pauvreté ne baisse plus, le salaire des femmes ne rattrape plus celui des hommes, etc.

Face à cela, les politiques publiques ont plutôt accentué le phénomène. [...] les réformes fiscales menées depuis 2000 ont accru les écarts de niveau de vie au profit des plus aisés. De la même façon, la France ne cesse de réduire son investissement dans le domaine éducatif, et les réformes de l’école (comme les filières précoces) accroissent les inégalités. Certes, la France prend de plus en plus en considération les discriminations. Mais c’est d’une façon très hypocrite quand la précarité se développe et touche au premier chef les salariés les moins qualifiés, souvent jeunes ou "visibles". Que dire des étrangers à qui l’on ferme la porte de millions d’emplois ou que l’on renvoie faute de papiers après les avoir exploités durant quelques années ?"

vendredi 19 février 2010

Jour 1016

Arrêtez de boire...

Maitre Eolas, le 18 février 2010 :

"Le tribunal correctionnel de Charleville-Mézières a rendu il y a peu une décision remarquée par la presse, à raison tant elle sort de l’ordinaire. [...] Un homme de 45 ans a été interpellé pour conduite sous l’empire d’un état alcoolique [...] Lors du procès, la défense va soulever un argument tiré des conditions indignes dans lesquelles s’est déroulée la garde à vue, invitant le tribunal, comme il en a le pouvoir (art. 456 du Code de procédure pénale), à aller constater sur place ce qu’il en est. Ce qu’il va faire. Et le jugement ne mâche pas ses mots. Il a estimé que le prévenu avait subi une « expérience traumatisante » et qu’il avait « déjà payé cher (..) des infractions qui ne relèvent pas d’un niveau de grande délinquance ». « Si des cellules de garde à vue sont d’une saleté révulsante, si l’on y maintient des gens en surnombre pendant des périodes conséquentes, sans dispositif minimum d’hygiène personnelle (..), force est de constater là, un traitement objectivement indigne et dégradant » ajoute-t-il."

Il n'y a pas que ça à retenir de la totalité de l'article, je vous invite donc à le lire.

jeudi 18 février 2010

Jour 1015

Meilleurs vieux

Lu sur un des blogs du Monde, Déchiffrages, le 17 février 2010 :

"La question des retraites donne lieu à une dramatisation indécente, hors de propos dans notre pays. On nous rebat les oreilles avec un « choc démographique » qui a la puissance d’une pichenette. Car si le vieillissement de la population est bien réel, ses effets sur les finances publiques seront de très faible ampleur. Rien qui ne puisse être très aisément financé. [...] De 2007 à 2020, le vieillissement se traduirait en tout par un surcoût de dépenses publiques de 2,7 points de PIB, et se stabiliserait ensuite jusqu’en 2060. Notons que cette perspective n’est due à aucune économie sur les dépenses d’éducation. On peut tirer plusieurs enseignements de ces travaux. Le premier, c’est qu’il est inconvenant de se référer aux réformes conduites dans tel ou tel pays, pour justifier les réformes souhaitables en France. Le deuxième enseignement de ces chiffres, c’est que financer une surcharge de 2,7 points de PIB en quinze ans est tout sauf un exploit. Ce fut d’ailleurs très exactement le cas entre 1980 et 1993 pour les seules pensions de retraites. Aucune « réforme courageuse » n’est alors venue atténuer cette ascension.[...] Mais peut-être cherchent-ils moins à financer les retraites par répartition, qu’à faire émerger spontanément un système par capitalisation, inutile pour la collectivité mais lucratif pour quelques uns."

Merci à Étienne pour m'avoir fait connaître cet article.

mercredi 17 février 2010

Jour 1014

Justice à 0 vitesse

L'Union Syndicale des Magistrats, le 11 février 2010 :

"Madame le Ministre,

Nous avons été avisés que dans tous les ressorts de cours d’appel, la situation budgétaire est telle qu’elle va obliger les chefs de cour et de juridiction à mettre fin ou ne pas renouveler les contrats des assistants de justice. Il en va de même des vacataires alors que vous aviez annoncé des recrutements supplémentaires notamment pour le déploiement de Cassiopée. Par ailleurs, et pour les même raisons, il apparait que dans de très nombreux tribunaux, les juges de proximité vont voir leur activité substantiellement réduite afin que leur paiement soit assuré.

Outre le mépris ainsi affiché à ceux qui collaborent à l’oeuvre de justice, cette situation va générer des dysfonctionnements supplémentaires dans les juridictions.

Les greffes, déjà au bord de l’asphyxie, vont devoir faire face à une charge de travail accrue. Les magistrats vont devoir se passer de l’aide précieuse et du dévouement des assistants de justice. Faute de juges de proximité, les juges d’instance déjà surchargés, notamment par la mise en oeuvre de la réforme des tutelles, vont devoir sans délai assurer des audiences supplémentaires.
Il en va de même des audiences correctionnelles où les magistrats auront de nouveau à siéger comme assesseurs en lieu et place des juges de proximité.

La réduction des effectifs de magistrats se met en place insidieusement. Les recrutements de ces dernières années ne compensent pas les départs en retraite. La réforme de la carte judiciaire montre en outre que les absorptions de juridiction ne s’effectuent pas à effectif constant.

A l’occasion de notre congrès, vous nous aviez pourtant indiqué que vous entendiez recentrer les magistrats sur leur coeur de métier et les entourer d’équipes pluridisciplinaires. Dès lors, pourriez vous nous indiquer ce que vous entendez faire pour mettre fin à cette situation inacceptable tant pour les fonctionnaires que pour les magistrats, qui conduit inexorablement à une nette dégradation du fonctionnement des juridictions au détriment du justiciable." (leur emphase)

mardi 16 février 2010

Jour 1013

Brice le voyeur

Bug Brother, le 11 février 2010 :

"En août 2009, le ministère de l’Intérieur faisait fuiter auprès du Figaro un “Rapport sur l’efficacité de la vidéoprotection” dont la lecture démontrait, a contrario, l’inefficacité des 20 000 caméras de vidéosurveillance contrôlées par la police et la gendarmerie, et les tripatouillages statistiques et méthodologiques des fonctionnaires de l’Intérieur. En annexe de ce rapport, le ministère proposait une liste de 18 “faits marquants d’élucidation, grâce à la vidéoprotection“. Aucun d’entre-eux ne mentionne explicitement un système de vidéosurveillance contrôlé par le ministère de l’Intérieur… [...] En résumé, seuls 3 des 18 “faits marquants d’élucidation, grâce à la vidéoprotection“, l’ont été grâce aux systèmes de vidéosurveillance de la voie publique vantés dans ce “rapport sur l’efficacité de la vidéoprotection“.

83% des affaires présentées en exemple l’ont été grâce à des caméras qui n’ont rien à voir avec ces 20 000 caméras placées sur la voie publique tant vantées par le ministère de l’Intérieur, qui veut en multiplier le nombre par trois.

On comprend mieux pourquoi Brice Hortefeux propose, dans la LOPPSI2, d’autoriser des personnes privées à installer des caméras dans des lieux ouverts au public “particulièrement exposés à des risques d’agression ou de vol“, alors que les cas sont pour le moment limités aux risques de terrorisme, et donc ce pour quoi Brice Hortefeux veut également remplacer « dans tous les textes législatifs et réglementaires, le mot “vidéosurveillance” par le mot “vidéoprotection” »…

L’objectif n’est donc pas tant de tripler le nombre de caméras sur la voie publique, avec comme objectif les 60 000 caméras qu’avait annoncé Michèle Alliot-Marie, mais des millions, en considérant que toutes les caméras, dans les magasins, les banques, les administrations, partout… y compris votre propre caméra vidéo perso, participent en fait à l’effort de vidéosurveillance “vidéoprotection” du ministère de l’Intérieur."

lundi 15 février 2010

Jour 1012

Pour bien commencer la semaine...

Maitre Eolas, le 9 février 2010 :

"Coïncidence ? Depuis début janvier, je n’ai jamais eu autant de garde à vue de mineurs. C’est peut-être les hasards de la commission d’office, donc je demande à mes confrères qui assurent les permanences, qu’en est-il de votre côté ?

[...]

Une jeune fille de 15 ans, sans casier, en garde à vue pour avoir tenté de voler une paire de chaussures en solde (40€ chez Monoprix, donc 20 € partout ailleurs ; je rappelle que ma venue a coûté 63€ au contribuable) ; un jeune homme de 15 ans, sans casier non plus, en garde à vue pour avoir fait un croc-en-jambe à un camarade à la sortie du collège. Sur ce dernier, quand l’OPJ m’a dit ça, j’ai demandé de combien était l’incapacité totale de travail de la victime : je m’attendais à une fracture ou un trauma crânien. Non, rien, elle est ressortie de l’hôpital au bout de 10 mn, pas un jour d’ITT. J’indique mon incompréhension : violences volontaires sans ITT, c’est une contravention de 4e classe, 750€ d’amende max, bref, c’est aussi grave que porter une burqa, mais ça ne justifie par une garde à vue faute de prison encourue. Réponse du policier : mais la victime est mineure de 15 ans puisque c’est un camarade de classe qui n’a pas encore fêté son anniversaire, et les faits ont eu lieu à proximité d’un établissement d’enseignement : deux circonstances aggravantes, donc cinq ans encourus, art. 222-13, 1° et 11° du Code pénal. Avis à la population : désormais, bousculer un camarade dans la cour de récréation, c’est deux heures de colle ET cinq ans de prison.

Donc, il y aurait eu des consignes pour mettre le paquet sur les gardes à vue des mineurs au nom des objectifs chiffrés que ça ne m’étonnerait pas. Ça y ressemble.

Ce qui aura pour effet mécanique et mathématique d’augmenter les chiffres des gardes à vue de mineurs et de délinquance des mineurs.

Je parie donc une bouteille de champagne contre une boîte de petits pois que quand le gouvernement sortira sa réforme de l’ordonnance de 1945 sur l’enfance délinquante, on aura un beau communiqué nous disant : regardez, la délinquance des mineurs explose, +30% sur le premier semestre, vite, vite, il faut voter une loi donnant à la justice les moyens de taper plus fort, car c’est en cognant nos enfants et en ayant peur d’eux que nous construirons la France de demain."

dimanche 14 février 2010

Jour 1010 & 1011

LOPSA

Le Syndicat de la Magistrature, le 8 février 2010 :

"« A force de réfléchir avant de légiférer, on reste immobile. »

Frédéric Lefebvre, humoriste

Le projet de « loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure » (dite LOPPSI II, en référence à la « loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure » du 29 août 2002) sera débattu demain à l’Assemblée nationale.

Ce texte - déposé en mai 2009 et sur lequel vient de s’abattre, à l’approche des élections régionales, un déluge d’amendements destinés à le durcir tous azimuts - offre un condensé de l’idéologie primaire et dangereuse qui gouverne depuis plusieurs années le traitement des questions de « sécurité ».

En fait de « performance », ses promoteurs ont renouvelé l’exploit de concilier l’inutile et l’inacceptable, au nom d’un projet de société où l’absurde le dispute à la paranoïa.

Ainsi, dans le Brazil qui se dessine, les caméras envahiront les rues et la justice sera rendue à distance, derrière un écran d’ordinateur.

Le projet de loi prévoit en effet de permettre à toutes les entreprises privées d’implanter « sur la voie publique » des systèmes de vidéosurveillance (« vidéoprotection » dans la novlangue) « aux abords de leurs bâtiments et installations ». De leur côté, les préfets pourront autoriser la mise en place de tels dispositifs en cas de « manifestation ou rassemblement de grande ampleur » présentant un « risque » pour l’ordre public.

L’objectif est clair : généraliser l’espionnage des espaces publics, au nom d’une « efficacité » d’autant plus hypothétique que le fameux « exemple anglais » s’apparente à un « véritable fiasco » selon l’expression d’un responsable de Scotland Yard…

Évacuant les justiciables des palais de justice, le projet prévoit de systématiser le recours à la « visioconférence », notamment pour réduire le nombre des « extractions » de détenus et d’étrangers en rétention administrative perçues par la police comme des « charges indues ». La Chancellerie avait déjà diffusé une circulaire en ce sens le 5 février 2009, au demeurant illégale. À la demande d’Eric Ciotti, particulièrement sensible aux sirènes de la place Beauvau, c’est donc l’avènement d’une justice virtuelle, délocalisée et déshumanisée qui s’annonce.

L’obsession du fichage policier imprègne également ce projet. Non contente de reconduire les dispositifs actuels - pourtant détournés de leurs objectifs initiaux, truffés d’erreurs, incontrôlables et, de fait, incontrôlés - la majorité UMP s’apprête à les interconnecter et à les étendre. Les données relatives à un suspect innocenté ne seront pas systématiquement effacées : seront donc maintenues dans les fichiers dits « d’antécédents » des personnes qui, en réalité, n’en ont pas !

Dans ce énième fourre-tout législatif, on trouve aussi :

- un couvre-feu pour les mineurs de 13 ans, qui ne manquera pas d’engendrer des contrôles d’identité abusifs ;

- un nouveau « contrat de responsabilité parentale » renforçant la pénalisation des familles en difficulté (amende de 450 euros en cas de violation du couvre-feu et possible suspension des prestations sociales en cas de refus de contracter) ;

- l’inquiétante ébauche d’un traitement administratif des mineurs délinquants par la transmission systématique de toutes les décisions judiciaires les concernant au préfet et au président du conseil général ;

- un filtrage policier des sites internet, aussi inefficace que lourd de menaces ;

- la réintroduction de peines automatiques en matière routière ;

- une augmentation des pouvoirs de la police municipale et la création d’une milice policière baptisée « réserve civile »…

Le Syndicat de la magistrature et le Syndicat des avocats de France appellent les parlementaires et tous les citoyens soucieux du respect des équilibres démocratiques à s’opposer fermement à ce nouveau projet liberticide qui poursuit en réalité d’autres objectifs que la lutte contre la délinquance et nous prépare une société du Contrôle.

Il est urgent de sortir du cauchemar sécuritaire qui détruit progressivement notre Etat de droit !"


vendredi 12 février 2010

Jour 1009

Les yeux dans les bleus

Le Monde, 11 février 2010, tribune de Guy Verhofstadt, président du groupe de l'Alliance des démocrates et des libéraux au Parlement européen, ancien premier ministre belge :

"Pour ses voisins, la France a souvent été un modèle d'inspiration et d'admiration, par l'intensité et la portée universelle des débats intellectuels dont elle a le secret. Elle est source d'accablement pour ses amis qui la voient se perdre dans une polémique stérile sur l'identité nationale. L'opportunité politicienne de ce débat, sa conduite hésitante et ses finalités floues donnent en effet l'impression désastreuse que la France a peur d'elle-même. Il y a décidément quelque chose de pourri en République française. [...] Enfin, quelles sont les finalités de cette affaire ? Apprendre La Marseillaise à l'école ? L'absurde le dispute au grotesque. [...] Tous les pays ont des problèmes d'immigration, les ex-pays coloniaux plus que les autres, mais nous savons bien que c'est moins l'islam qui pose problème que le manque de formation et le chômage."

Pour ce qui est des commentaires faits par nos gouvernants, n'oubliez que certains ont des échéances électorales contrairement à l'auteur de cette tribune...

jeudi 11 février 2010

Jour 1008

Mondialisation mon amour

Ligue des Droits de l'Homme, 11 février 2010 :

"L’AEDH s’élève contre l’application de l’accord intérimaire entre l’Union européenne et les États-Unis d’Amérique sur le traitement et le transfert de données de messagerie financière de l’Union européenne aux États-Unis d’Amérique.

Cet accord validé en urgence le 30 novembre 2009 par le Conseil, pour échapper à la procédure de codécision du traité de Lisbonne (applicable dès le 1er décembre 2009) et à la prise en compte des observations faites par le Parlement européen nécessite cependant un vote d’avis conforme de celui-ci. La Commission parlementaire « Libertés civiles, justice et affaires intérieures » a eu le courage de voter contre cet accord. Nous demandons au Parlement européen de s’y opposer.

De nombreuses questions seront posées par l’AEDH sur le contenu et les implications de cet accord, en tout état de cause :
Il ne respecte ni les articles 7 et 8 de la Charte des droits fondamentaux, ni les principes de proportionnalité et de nécessité inscrits dans le Traité de l’Union, ni la directive européenne relative à la protection et au traitement des données personnelles. Il soumet l’Union européenne et ses résidents aux règles juridiques de protection des données des Etats Unis ainsi qu’à sa politique anti-terroriste. Il ne permet pas de recours juridictionnel de la part des citoyens européens concernant l’utilisation de leurs données personnelles par les autorités américaines.

Contrairement à ce qui est affirmé en son l’article 1, il n’y a pas de respect intégral de la vie privée, ni de protection des données personnelles. Ces droits fondamentaux sont relégués pour un monde futur sans terrorisme réel ou supposé.
Le principe de finalité, des données à caractère personnel, inscrit dans la loi européenne est bafoué. Pour un particulier ou une entreprise, une transaction commerciale passe obligatoirement par une institution financière avec pour finalité la transmission de données financières. Ces données sont détournées pour servir à identifier des personnes susceptibles d’être liées au terrorisme.

Les seules garanties données, de bonne application de cet accord, le sont par les rapports, classifiés et secrets, de Monsieur Jean-Louis Bruguière, personnalité européenne éminente mais dont la pertinence des rapports a pu être mise en cause par des parlementaires européens.

L’AEDH ne peut en conséquence que condamner un tel accord ainsi que la procédure utilisée par la Commission et le Conseil pour échapper au nouveau pouvoir de codécision du Parlement. Elle demande aux parlementaires européens et aux citoyens et résidents de l’Union européenne de s’opposer à la mise en application de cet accord."

mercredi 10 février 2010

Jour 1007

Plutôt 1984 que Meilleur des mondes

La Ligue des Droits de l'Homme, le 9 février 2010 :

"Le projet de « loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure » (Loppsi), dont les députés entament la discussion, est porteur d’un saut qualitatif considérable dans la construction d’une société de la surveillance, du soupçon et de la peur.

Même s’il se présente comme un fourre-tout hétéroclite, sa logique est claire : il s’agit de renforcer, d’intégrer et de concentrer tous les instruments disponibles de fichage, de traçage et de contrôle social dont les gouvernants actuels sont sans cesse plus demandeurs.

C’est la multiplication des systèmes de vidéosurveillance, y compris désormais des manifestations, alors que toutes les expériences étrangères concluent à leur inefficacité dans la plupart des cas ; l’interconnexion des fichiers de police alors que la Cnil a établi que ces fichiers sont truffés d’erreurs ; le filtrage policier des sites Internet et la chasse aux internautes ; la création d’une justice virtuelle par la systématisation de la visioconférence pour les auditions de détenus ou d’étrangers en rétention administrative.

C’est surtout la légalisation des « mouchards électroniques » introduits dans les ordinateurs personnels à l’insu des citoyens espionnés. Et le superfichier « Périclès » pourra croiser tous les renseignements fournis par ces fichiers, par les puces téléphoniques, les factures de paiement en ligne, les numéros de pièces d’identité…

A quoi s’ajoutent un couvre-feu pour les mineurs à partir de 13 ans, un nouveau contrat de responsabilité parentale renforçant la pénalisation des familles en difficulté, et la création d’une véritable milice policière accompagnée de l’élargissement des pouvoirs des polices municipales.

La Ligue des droits de l’Homme invite chaque parlementaire à mesurer la responsabilité qui est la sienne devant le changement de société dont ce projet de loi est porteur. Elle appelle les citoyens à refuser d’être traités comme de présumés délinquants sous contrôle étatique permanent, dans les moindres recoins de leur vie privée."

mardi 9 février 2010

Jour 1006

Mauvais calculs

Le Monde, 9 février 2010 :

"Dans son rapport annuel, publié mardi 9 février, la Cour des comptes pointe une nouvelle fois une série d'anomalies dans la gestion des comptes publics. [...] Les inspecteurs fantômes de l'académie de Paris. Créé par Napoléon Bonaparte, ces fonctionnaires étaient à la base chargés de l'inspection des enseignants et des établissements scolaires du second degré. Au fil du temps, la gestion de ces agents a évolué. Selon la Cour, ils sont aujourd'hui des conseillers du président de la République, du premier ministre ou des ministres, voire des élus locaux et continuent d'assurer ces fonctions. Seul 1 sur 22 inspecteurs effectuait en juin 2009 la mission d'inspection de l'éducation. [...] De janvier 2003 à septembre 2008, le nombre de voitures banalisées possédées par la police nationale a augmenté de 21 % (de 1 218 à 1 469 véhicules). "Les usages privés sont généralisés", note la Cour. Elle relève aussi que 31 véhicules sont à disposition de personnes sans rapport avec la police, dont "un ancien président de la République, deux anciens premiers ministres", des anciens ministres et des fonctionnaires. [...] La Cour des comptes évalue le préjudice des fraudes à deux milliards d'euros par an, dont plus de la moitié est à imputer aux employeurs qui ne déclarent pas leurs salariés et ne payent pas les cotisations chômages."

Ad nauseam...

lundi 8 février 2010

Jour 1005

Sondages sous contrôles

Un excellent article de l'Acrimed, le 8 février 2010 :

"quand le gouvernement lance une campagne agressive pour justifier la baisse des dépenses de l’Etat (ou du moins de certaines d’entre elles…) et les suppressions de poste massives dans la fonction publique, le Figaro opine du chef en annonçant en « une » – comme en écho et par magie – la vérité révélée par un sondage : « 9 Français sur 10 pour la baisse des dépenses publiques ». Comment pourrait-on légitimement s’opposer à 90% de la population ? [...] On s’étonnera, si on n’a lu que cet article (et surtout sa « une »), de constater que « la réduction de la dette publique » n’apparaît qu’en 11ème position des thèmes « tout à fait prioritaires », bien loin derrière « la lutte contre le chômage », « la santé », « l’éducation », « l’avenir des retraites », « le relèvement des salaires et du pouvoir d’achat », « la lutte contre la précarité », etc. Quelle surprise dès lors que le Figaro n’ait pas titré « Le chômage, la santé et l’éducation au cœur des préoccupations des Français », ou encore « Relever les salaires et lutter contre la précarité : une priorité selon les Français » ! D’autant que les écarts ne sont pas minces : 65% et 54% des enquêtés jugent que « la lutte contre le chômage » et « le relèvement des salaires et du pouvoir d’achat » sont « tout à fait prioritaires », contre 36% affirmant de même pour « la réduction de la dette publique »."

La lecture de la totalité de l'article est hautement recommandé.

dimanche 7 février 2010

Jours 1003 & 1004

Ne rien lâcher

Ligue des Droits de l'Homme, le 6 février 2010 :

"Face à ces dérives, il y a urgence, urgence à réagir et à construire ensemble. Nous en appelons à un nouveau contrat citoyen.

Rien ne nous condamne à subir l’injustice, à craindre l’avenir, à nous méfier sans cesse davantage les uns des autres. Rien ne nous prédestine à vivre dans une société de surveillance, de discriminations et d’exclusion.

Rien n’oblige à ce que le destin de tous ne soit plus que l’affaire d’un seul, que la politique ne soit plus que mise en scène, que la citoyenneté se réduise à des protestations éphémères.

Nous valons mieux que cela. Avant que le jeu des concurrences et des compétitions subalternes ne risque d’obscurcir la préparation d’échéances décisives, reprenons la parole. Mettons au centre des débats la défense des droits et des libertés, la demande d’égalité et de solidarités durables qui monte du pays. La démocratie est aujourd’hui asphyxiée ? Faisons-lui reprendre souffle et vie.

C’est le sens de notre campagne « Urgence pour les libertés, urgence pour les droits ». Dans des dizaines de réunions publiques, de rencontres avec la population, les militants de la Ligue des droits de l’Homme écoutent et partagent le refus de l’inacceptable et l’espoir d’un vrai changement. Avec les acteurs de la société civile, associations, syndicats, collectifs et réseaux citoyens qui pratiquent le « devoir de résister » et font vivre l’« insurrection des consciences », ils recherchent des alternatives crédibles pour un nouveau « vivre ensemble ».

Ainsi, au fil des échanges, émergent des attentes concrètes et précises. Pour y répondre, nous mettons en débat des propositions porteuses d’un avenir plus humain, plus juste et plus solidaire.

La fin du cumul des mandats, le droit de vote pour les étrangers aux élections locales, la désignation non partisane des membres du Conseil constitutionnel et des Autorités indépendantes.

La suppression de la « rétention de sûreté », des « peines planchers » automatiques et des tribunaux d’exception ; la priorité aux alternatives à la prison et l’interdiction des « sorties sèches » sans accompagnement des fins de peine en milieu ouvert ; la fin des contrôles au faciès, de l’emploi militarisé des forces de police face aux « classes dangereuses » ; la sanction des violences policières et la création d’une vraie police de proximité, au service de la sûreté de tous et du respect des citoyens.

Le refus du fichage généralisé, l’encadrement par la loi des fichiers de police ; la maîtrise des technologies de la surveillance, du fichage et du traçage, la garantie judiciaire de la protection des données personnelles et de la vie privée. La défense de l’égalité face au racisme, au sexisme et aux discriminations : l’interdiction de toute prise en compte de données personnelles relatives aux « origines géographiques » ; l’engagement pour la « mixité des droits » et l’adoption d’une loi-cadre sur les violences faites aux femmes.

L’abrogation des lois xénophobes, la régularisation des familles des écoliers, des travailleurs, de tous ces sans-papiers qui vivent ici, qui travaillent ici et qui resteront ici parce que personne n’a intérêt à leur expulsion et que c’est avec eux que nous construirons notre avenir.

La défense, la reconstruction et la modernisation des services publics, richesse de tous les territoires ; une politique du logement social porteuse de mixité sociale, de solidarité territoriale et de préservation de l’environnement ; la priorité à l’école publique, qui seule accueille tous les enfants sans discriminations, le rétablissement du statut public de La Poste, la suppression des franchises médicales, l’abrogation du bouclier fiscal et de l’injustice fiscale organisée ; une vraie « sécurité sociale professionnelle » adaptée aux risques d’aujourd’hui et la sécurisation des contrats de travail ; bref, le choix de l’égalité et des solidarités contre la précarité et la mise en concurrence de tous avec tous.

Voilà autant d’« urgences » pour les droits de l’Homme et pour la citoyenneté, voilà les bases possibles d’un véritable changement qui redonnerait de l’oxygène à la démocratie et de l’espoir dans l’avenir.

La Ligue des droits de l’Homme appelle tous les citoyens à se saisir de toutes ces urgences, à les porter et à les mettre en débat. Elle propose à tous ses partenaires, acteurs de la société civile, d’en discuter et, à partir des attentes et des demandes des mouvements de défense des droits, de bâtir un « Pacte pour les droits et pour la citoyenneté ». Car les citoyens ont le droit de savoir ce qu’en pensent les forces politiques et si les candidats qui solliciteront bientôt leurs suffrages entendent faire réellement le choix d’une société de libertés, d’égalité et de solidarités.

Ensemble, nous le pouvons !"

vendredi 5 février 2010

Jour 1002

Alliot pipote

Le Syndicat de la Magistrature, le 5 février 2010 :

"Madame le garde des Sceaux,

Monsieur le ministre des affaires étrangères,

Vous avez annoncé, dans une tribune conjointe publiée par le quotidien Le Monde le 6 janvier 2010, votre intention de créer un pôle « génocides et crimes contre l’humanité » au tribunal de grande instance de Paris.

[...]

Cependant, la volonté que cette annonce entend affirmer est contredite par la complaisance manifestée par la France en matière de lutte contre les crimes internationaux.

Il n’est qu’à observer la façon dont votre gouvernement envisage de transposer le Statut de Rome portant création de la Cour Pénale Internationale (CPI) pour en avoir la désolante confirmation.

En effet, le projet de loi « portant adaptation du droit pénal à l’institution de la CPI » instaure des verrous procéduraux qui privent de facto les victimes de crimes internationaux d’un accès au juge français.

En particulier, ce texte :

- impose le critère de la résidence habituelle des suspects sur le territoire français ;

- subordonne les poursuites à la condition que les crimes soient punis par la loi du pays où ils ont été commis, comme s’il ne s’agissait pas d’actes heurtant la conscience de l’humanité tout entière ;

- confie le monopole des poursuites au ministère public, en rupture avec la tradition pénale française et en violation du principe d’égalité ;

- subordonne les poursuites à la condition que la CPI ait expressément décliné sa compétence.

[...]

Avec un tel projet de loi, la France devrait donc demeurer une terre d’impunité pour les auteurs des crimes les plus graves, en dépit des incantations qui scandent votre tribune.

Ce projet a d’ailleurs fait l’objet, hier encore, d’avis très sévères de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH) et de la Coalition Française Pour la Cour Pénale Internationale (CFCPI) qui rassemble une grande partie des ONG qui s’intéressent aux questions internationales.

En outre, votre gouvernement porte la responsabilité politique du retard avec lequel la France entreprend de transposer ce statut. Il n’est pas inutile de rappeler que ce texte, finalisé en 2006, a vu son examen indéfiniment reporté. Après avoir été voté au Sénat en juin 2008, il est au point mort à l’Assemblée nationale depuis juillet 2009…

Par ailleurs, comment ne pas relever l’évidente contradiction entre la création de ce nouveau pôle devant notamment regrouper des juges d’instruction et la suppression annoncée de cette fonction ?

Plus fondamentalement, à quoi pourront bien servir de tels pôles s’ils sont composés de magistrats du parquet dont l’indépendance ne serait pas garantie ?

[...]

Vous ne pouvez pas décemment mettre en scène « la volonté de la France de lutter sans faiblesse contre l’impunité » des auteurs de crimes internationaux et, simultanément, confier leur poursuite et leur instruction à des parquets plus inféodés que jamais au pouvoir exécutif…

En réalité, il ne fait de doute pour personne que votre souci de complaire à certains chefs d’Etats étrangers est plus tenace que votre volonté affichée de voir les crimes internationaux effectivement sanctionnés.

À cet égard, l’attitude actuelle du parquet dans les affaires les plus sensibles - notamment celles qui portent sur des crimes de masse et plus généralement celles qui peuvent mettre en cause des personnalités étrangères et peser sur les intérêts diplomatiques de la France - illustre parfaitement la duplicité de votre discours.

1. Tunisie : Affaire Ben Saïd

Le 11 octobre 1996, Madame Gharbi, de nationalité tunisienne, est interpellée par des agents de la DST tunisienne et retenue pendant deux jours au commissariat de Djendouba où elle est victime d’actes de torture et d’humiliation (coups multiples sur le visage et le corps, suspension à une barre de bois posée entre deux tables et coups de bâtons, violences sur les parties génitales, insultes).

Le 9 mai 2001, elle apprend que Khaled Ben Saïd, qu’elle désigne comme l’un de ses tortionnaires, serait en poste sur le territoire français comme vice-consul au Consulat de Tunisie à Strasbourg. Madame Gharbi décide de déposer plainte contre lui sur le fondement de la compétence universelle des juridictions prévue par la Convention internationale contre la torture. Le parquet de Paris est dessaisi au profit de celui de Strasbourg.

Le 25 juin 2001, l’avocat de la plaignante adresse un courrier au procureur général près la Cour d’appel de Colmar évoquant le risque évident de fuite du suspect.

Le 2 novembre 2001, le commissaire en charge de l’enquête préliminaire sous la direction du parquet informe K. Ben Saïd du dépôt d’une plainte à son encontre et le convoque verbalement pour une audition.

Le 16 janvier 2002, le procureur de la République ouvre une information pour actes de torture, avec cette circonstance que l’auteur présumé était dépositaire de l’autorité publique et que les faits ont été commis dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions.

Le 14 février 2002, le juge d’instruction, informé du fait que K. Ben Saïd a quitté la France, délivre un mandat d’arrêt international contre lui, mandat qui demeurera non exécuté, de même que la commission rogatoire internationale délivrée par le juge d’instruction aux autorités judiciaires tunisiennes restera sans effet.

Le 16 juin 2006, le procureur de la République signe un réquisitoire définitif aux fins de non-lieu. À la suite d’un nouveau témoignage sous X venant corroborer les allégations de Mme Gharbi, une seconde notification de fin d’information est faite par le juge d’instruction fin 2006, ce qui n’empêchera pas un second réquisitoire définitif aux fins de non-lieu rendu par le parquet. Le juge d’instruction ordonne alors la mise en accusation de K. Ben Saïd devant la Cour d’assises du Bas-Rhin pour actes de torture et de barbarie commis les 11 et 12 octobre 1996 dans les locaux de la police de Djendouba.

À l’audience, le parquet requiert l’acquittement de l’accusé. La Cour d’assises condamne le 15 décembre 2008 K. Ben Saïd à la peine de huit années d’emprisonnement pour complicité par instigation d’actes de torture et de barbarie.

Le parquet, décidément peu enclin à voir en ce personnage officiel tunisien un tortionnaire, fait appel de la décision de condamnation.

Vous en conviendrez vous-même, il est assez rare que, dans les affaires de droit commun, le ministère public fasse preuve d’une telle mansuétude…

2. Rwanda : l’opération « Turquoise »

Des victimes rwandaises portent plainte avec constitution de partie civile contre des militaires français pour complicité de génocide et de crimes contre l’humanité pendant l’opération « Turquoise ». Elles invoquent une collusion entre les forces du gouvernement intérimaire rwandais et les militaires français et dénoncent le fait que les camps contrôlés par l’armée française aient été accessibles aux auteurs principaux du génocide, ainsi que la présence de militaires français sur les lieux où ont été commis les crimes.

Parce que le parquet refuse d’ouvrir l’information judiciaire, la doyenne des juges d’instruction doit étayer les éléments de la plainte. Elle projette donc de se rendre sur place, au Rwanda. Le parquet et le quai d’Orsay tentent alors de la dissuader d’entreprendre le voyage.

Dans un courrier du 28 octobre 2005, le ministère français des affaires étrangères insiste sur les risques de « pressions importantes, voire de menaces » en cas de transport du juge d’instruction au Rwanda aux fins d’audition, la France ne « disposant pas de moyens militaires de protection dans cet Etat »…

Le 2 novembre 2005, le procureur général près la Cour d’appel de Paris, Yves Bot, transmet au juge d’instruction une note émanant du ministère de la Défense « faisant état des risques pouvant peser sur votre déplacement au Rwanda projeté du 20 au 25 novembre 2005 prochain ».

Le 17 novembre 2005, le procureur du Tribunal aux armées, visant ces derniers courriers, fait état de la possibilité de prise en charge financière par la direction des services judiciaires des frais de transport des parties civiles en vue d’une audition en France et non au Rwanda.

Néanmoins, le juge d’instruction se déplace en novembre 2005 à Kigali et y entend les six parties civiles.

Le parquet n’aura alors de cesse d’obtenir l’annulation de la procédure.

Le 23 décembre 2005, le procureur de la République, qui y est désormais contraint, ouvre une information judiciaire contre X mais conteste la recevabilité de quatre des six plaintes en raison du « défaut de caractère direct et personnel de leur préjudice ».

Par ordonnance non conforme du 16 février 2006, le juge d’instruction déclare recevables les quatre constitutions de partie civile. Le parquet fait appel de cette ordonnance et, le 11 avril 2006, le procureur soulève devant la chambre de l’instruction la nullité d’actes de procédure.

Le 29 mai 2006, la chambre déclare mal fondé l’appel du parquet sur la recevabilité des constitutions de partie civile et, le 3 juillet 2006, elle rejette la requête du parquet tendant à l’annulation d’actes de procédure accomplis par le magistrat instructeur.

L’information peut alors commencer, mais si longtemps après la plainte…

3. Algérie : l’affaire des moines de Tibéhirine

En 1996, sept moines français sont assassinés en Algérie. À l’époque, le drame est attribué aux Groupes Islamistes Armés.

Aucune enquête exhaustive n’est entreprise, alors même qu’il s’agit de la mort violente de plusieurs ressortissants français à l’étranger.

Alain Marsaud, ancien juge d’instruction antiterroriste et ancien député UMP, affirme : « C’est une affaire qui a été enterrée volontairement ». Il rappelle qu’en 1996, il avait reçu des informations essentielles mettant en cause l’Etat algérien dans ce dossier. Il s’en était ouvert à Jacques Toubon, alors Garde des sceaux, qui lui avait dit qu’il « n’était pas question d’ouvrir une information judiciaire ».

Effectivement, l’information judiciaire ne sera pas ouverte avant… 2004, soit huit ans après les faits.

Or, en juillet 2009, un témoignage vient conforter une thèse qui affleurait déjà dans le dossier : ces assassinats pourraient résulter d’une « erreur » de l’armée ou des services secrets algériens…

4. USA : les vols aériens de la CIA

Le 31 mars 2002, un avion en provenance du Canada et à destination de la Turquie se pose à l’aéroport de Brest, vraisemblablement pour ravitaillement, alors que dans le même temps, la sécurité canadienne enquête sur les allées et venues de l’appareil.

Le 20 juillet 2005, un autre appareil en provenance cette fois de Norvège se pose à l’aéroport du Bourget à Paris après s’être posé dix fois au Canada et six fois à Guantanamo.

Ces allées et venues suspectes s’inscrivent dans un contexte où la presse et de nombreux rapports d’ONG dénoncent les transports illégaux de détenus effectués par des agents de la CIA vers des pays alliés où se trouvent des centres de détention secrets servant de « centres d’interrogatoires poussés » des « combattants » qualifiés d’« illégaux » après les attentats du 11 septembre 2001. Lors de ces transits, ces appareils se seraient ainsi posés sur les territoires de différents Etats de l’Union européenne.

Le 21 décembre 2005, une plainte de la Fédération internationale des droits de l’Homme et de la Ligue des droits de l’Homme est déposée au tribunal de grande instance de Bobigny.

Le 23 août 2006, le procureur classe la procédure sans suite, « fin de non-recevoir » confirmée par un second courrier du parquet d’octobre 2006, en réponse à un courrier de protestation des ONG.

Il est peu de dire que, dans cette affaire, le parquet n’a pas mis un entrain excessif à rechercher la vérité…

5. Congo Brazzaville : les « Disparus du Beach »

Des disparitions à grande échelle ont eu lieu entre les 5 et 14 mai 1999 concernant des personnes qui s’étaient réfugiées dans la région du Pool, au sud de Brazzaville, pendant la guerre civile de 1998. Ces personnes étaient passées en République Démocratique du Congo et revenaient au Congo Brazzaville par le port fluvial de Brazzaville, grâce à un accord tripartite définissant un couloir humanitaire sous les auspices du Haut commissariat aux réfugiés (HCR). L’association des parents des personnes arrêtées par la force publique et portées disparues a recueilli et collecté les témoignages de nombreuses familles sur les circonstances des disparitions. Dans ce cadre, sur une période allant de mars à novembre 1999, plus de trois cent cinquante cas de disparitions ont été recensés.

Le 5 décembre 2001, la FIDH, la LDH et l’Observatoire congolais des droits de l’Homme (OCDH) déposent une plainte auprès du procureur de la République contre Denis Sassou Nguesso, président de la République du Congo, le général Pierre Oba, ministre de l’Intérieur, de la sécurité publique et de l’administration du territoire, Norbert Dabira, inspecteur général des armées résidant en France, le général Blaise Adoua, commandant de la Garde républicaine, dite garde présidentielle, et tous autres que l’instruction pourrait révéler. Le 1er février 2002, une information judiciaire est ouverte au TGI de Meaux.

Le 23 mai 2002, sur commission rogatoire délivrée par les deux magistrats instructeurs, le général Dabira est interpellé à son domicile en France, puis entendu le 8 juillet 2002. Il bénéficie alors du statut de témoin assisté. Les juges le convoquent pour une nouvelle audition en septembre : les autorités congolaises annoncent que le général Dabira ne déférera pas à cette convocation ; ils expriment leur refus de la compétence universelle de la France et leur volonté de porter l’affaire devant la Cour internationale de justice pour conflit de compétences entre la France et le Congo.

Le 16 septembre 2002, les juges d’instruction délivrent un mandat d’amener contre Norbert Dabira pour « crimes contre l’humanité, pratique massive et systématique d’enlèvements de personnes suivis de leur disparition pour des motifs idéologiques et en exécution d’un plan concerté contre un groupe de population civile d’avril 1999 à juillet 1999 ». Le même mois, les juges, conformément au code de procédure pénale, adressent aux ministres français de la justice et des affaires étrangères une demande de « déposition écrite » du président Sassou Nguesso, à l’occasion de sa visite en France. Cette demande ne lui aurait jamais été transmise par les autorités françaises…

Le 19 juin 2003, la Cour internationale de justice rend une ordonnance refusant les mesures conservatoires tendant à suspendre l’instruction en France. Le 5 janvier 2004, un mandat d’arrêt international est délivré à l’encontre du général Dabira.

De passage dans la capitale française, J-F N’Dengue, chef de la police congolaise, est arrêté sur commission rogatoire. M. N’Dengue était en mai 1999 en charge de la sécurité au port fluvial du Beach de Brazzaville lorsque plusieurs centaines de réfugiés congolais de retour dans leur pays furent enlevés par des éléments de la garde présidentielle et exécutés dans l’enceinte même du palais présidentiel, comme l’a confirmé l’enquête française. Mis en examen le 2 avril 2004 par le juge d’instruction, J-F N’Dengue est placé en détention provisoire par le juge des libertés et de la détention, tant au regard des risques évidents de fuite et de concertation qu’en raison de la gravité des faits. Dans la soirée, le procureur de Meaux ainsi que le conseil de J-F. N’Dengue font appel de la décision du JLD par un « référé-liberté ». Avec une diligence extraordinaire, le parquet général réussira à faire juger cet appel à deux heures du matin, dans la nuit du 2 au 3 avril 2004.

Quelques jours plus tard, le 5 avril 2004, le procureur de la République de Meaux, toujours particulièrement diligent, présente devant la chambre de l’instruction une requête en nullité des actes d’information relatifs à J-F N’Dengue. Le 22 novembre 2004, la chambre de l’instruction annule le réquisitoire introductif et l’ensemble de la procédure subséquente, arrêt censuré par la Cour de cassation qui renvoie l’affaire devant la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Versailles.

Actuellement, l’instruction est toujours suivie, à l’issue de cette épopée judiciaire, par un juge d’instruction de Meaux. Mais le temps ainsi gagné a permis aux autorités du Congo Brazzaville de faire juger les présumés responsables des faits, lesquels ont tous été acquittés à Brazzaville, au terme d’un procès retransmis sur la chaîne de télévision nationale. Le juge d’instruction en charge de l’information en 2004 a demandé à être entendu par le Conseil Supérieur de la magistrature sur les pressions dont il a fait l’objet de la part du parquet dans cette affaire, et sur les atteintes ainsi portées à l’indépendance de la magistrature. A ce jour, aucune suite n’a été donnée à l’audition du magistrat instructeur par le CSM...

6. République de Côte d’Ivoire : l’affaire « TRAFIGURA »

La société TRAFIGURA BEHEER BV était l’affréteur du PROBO KOALA, navire battant pavillon panaméen, lequel avait déchargé 528 m3 de « slops » (déchets maritimes) dans différents districts d’Abidjan, les 19 et 20 août 2006.

Au mois de février 2007, le bilan provisoire d’une intoxication par inhalation de gaz toxique d’habitants de ces quartiers s’élevait à 15 décès et des centaines de milliers d’intoxications.

Le 27 juin 2007, une plainte était déposée auprès du procureur de la République près le TGI de Paris pour « administration de substances nuisibles, homicide involontaire, corruption active de personnes relevant d’Etats étrangers autres que les Etats membres de l’Union européenne et d’organisations internationales publiques autres que les institutions des Communautés européennes et infraction aux dispositions particulières de mouvements transfrontaliers de déchets ».

Le 16 avril 2008, le procureur de la République, après enquête préliminaire, rendait une décision de classement sans suite, en raison de l’extranéité totale de la procédure (pas d’attache durable en France des dirigeants d’entreprises impliqués, implantation à l’étranger des filiales du groupe TRAFIGURA et ouverture d’une procédure aux Pays-Bas).

En juin 2008, un recours hiérarchique était formé par les plaignants auprès du procureur général. Aucune réponse ne leur était adressée.

Pendant ce temps, la justice anglaise, saisie sur le même fondement, permettait une indemnisation des victimes à hauteur de 30 millions de livres sterling…

8. USA : affaire Donald Rumsfeld

À la suite des attentats du 11 septembre 2001, Donald Rumsfeld, secrétaire d’Etat à la Défense du gouvernement américain, a autorisé, par le biais de mémos, le recours à des méthodes d’interrogatoire dites « musclées », à l’évidence constitutives d’actes de torture. Certaines techniques ont été mises en oeuvre sous sa supervision, notamment à Abu Ghraib (Irak) et Guantanamo.

Dès l’année 2002, Donald Rumsfeld a personnellement organisé, selon les ONG plaignantes, plusieurs séances de torture infligées à des personnes soupçonnées d’activités terroristes.

Le 25 octobre 2007, la FIDH et la LDH déposent une plainte auprès du procureur de la République près le TGI de Paris contre Donald Rumsfeld à l’occasion de sa visite privée dans la capitale, sur le fondement de la Convention des Nations Unies contre la torture. Le 16 novembre 2007, le procureur, sans contester les allégations de torture, décide de classer la procédure sans suite, en se basant sur une indication donnée par le ministère des affaires étrangères sur une immunité dont bénéficierait Donald Rumsfeld.

Saisi d’une contestation de cette décision, le procureur général près la Cour d’appel de Paris répond en invoquant à nouveau l’immunité de juridiction pénale pour confirmer la décision de classement sans suite. Dans sa décision, le procureur général se réfère au jugement rendu par la Cour internationale de justice en 2002, qui avait retenu une immunité pour un ministre des affaires étrangères en visite à l’étranger dans l’exercice de ses fonctions. Or, en l’espèce, Donald Rumsfeld, ancien secrétaire d’Etat à la Défense, se rendait en France en visite privée…

Le 21 mai 2008, la FIDH et ses organisations affiliées aux Etats-Unis, le Center for Constitutional Rights (CCR) et, en France, la LDH ainsi que le European Center for Constitutional and Human Rights (ECCHR), envoient une lettre ouverte à la ministre française de la justice. La lettre demande à Rachida Dati d’intervenir auprès du procureur général près la Cour d’appel de Paris afin que soit révisée sa position du 27 février 2008, accordant à Donald Rumsfeld une immunité de juridiction pénale pour actes de torture. La lettre est également envoyée à Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et François Zimmeray, ambassadeur de France pour les droits de l’Homme.

Par courrier de réponse du 23 juin 2008, la garde des Sceaux fait sienne l’interprétation du procureur général et indique à ces organisations qu’elles peuvent redéposer plainte, cette fois-ci avec constitution de partie civile. Cette constitution de partie civile que vous entreprenez aujourd’hui d’interdire en la matière…

9. Angola, Burkina Faso, Congo Brazzaville, Guinée Equatoriale et Gabon : la bataille judiciaire des associations contre les biens mal acquis des dirigeants

En mars 2007, les associations Sherpa, Survie et la Fédération des congolais de la Diaspora déposent plainte auprès du procureur de la République de Paris contre les familles dirigeantes de l’Angola, du Burkina Faso, du Congo Brazzaville, de la Guinée Equatoriale et du Gabon, en révélant qu’ils possèdent des patrimoines immobiliers considérables qui n’ont pu être constitués au moyen de leurs seuls salaires et émoluments. La plainte vise le recel de détournement de fonds publics qui incrimine le fait de détenir sur le sol français des biens qui ont été acquis de manière illégale.

En juin 2007, une enquête préliminaire est diligentée par le parquet de paris. Elle confirme la plupart des accusations portées par les plaignants et révèle par ailleurs l’existence de nombreux autres biens, immobiliers et mobiliers (voitures, comptes bancaires). L’enquête fait également apparaître le caractère particulièrement atypique de certains financements : Edith Bongo, épouse du président gabonais, a ainsi fait l’acquisition d’une Daimler Chrysler au moyen d’un chèque tiré sur un compte ouvert auprès de la Banque de France par le Trésor Public Gabonais. Les services de police ont en outre mis en évidence le rôle joué par divers intermédiaires dans la réalisation de ces opérations. En dépit de ces résultats d’enquête, l’affaire est classée en novembre 2007, le procureur de la République considérant que l’infraction n’est pas suffisamment caractérisée.

Le 9 Juillet 2008, Transparence Internationale France, Sherpa et des citoyens congolais et gabonais déposent une seconde plainte simple auprès du procureur de la République de Paris. Cette plainte reprend exactement les mêmes faits que ceux dénoncés seize mois plus tôt par Sherpa, mais les plaignants entendent, cette fois-ci, se constituer partie civile dans un second temps. Cette nouvelle plainte fait l’objet d’un classement sans suite le 3 septembre 2008.

Le 2 décembre 2008, Transparence Internationale France et un citoyen gabonais déposent une plainte avec constitution de partie civile devant la doyenne des juges d’instruction du TGI de Paris à l’encontre de Denis Sassou Nguesso, président du Congo Brazzaville, de Teodore Obiang, président de Guinée Equatoriale et d’Omar Bongo, président du Gabon. En mai 2009, le juge d’instruction déclare recevable la constitution de partie civile de Transparence Internationale France. Le parquet, fidèle à sa volonté de ne pas faire aboutir cette affaire, fait appel de cette décision.

Le 17 septembre 2009, lors de l’audience devant la chambre de l’instruction, le représentant du parquet général requiert, avec une logique sans faille, l’irrecevabilité de la plainte d’une association au motif que cette affaire relevait de l’intérêt général, dont seul le ministère public pouvait assurer la défense ! Le 29 octobre 2009, la chambre de l’instruction juge irrecevable la plainte de l’ONG Transparence Internationale, spécialisée dans la lutte contre la corruption.

Vous admettrez qu’il n’est pas fréquent, dans les affaires de droit commun, de voir l’autorité de poursuite faire ainsi feu de tout bois pour éviter qu’une enquête se poursuive…

* * *

Cette revue affligeante des affaires dans lesquelles le ministère public s’est illustré par son zèle à freiner ou à neutraliser toute enquête gênante pour les intérêts internationaux de la France n’est malheureusement pas exhaustive, mais particulièrement édifiante.

Les graves difficultés dans lesquelles se débattent les juges d’instruction actuellement saisis des dossiers de génocides et de crimes de guerre en disent aussi long sur les priorités de votre gouvernement que la façon dont vous entreprenez de transcrire le Statut de Rome et celle dont vous « gérez » ces affaires.

Comment expliquer autrement que les magistrats saisis de ces procédures hors normes aient simultanément la charge d’instruire une centaine de dossiers de droit commun ?

De même, comment interpréter la réponse lapidaire, à la limite du mépris, que la hiérarchie judiciaire a récemment opposée à la demande de décharge de services annexes formulée par certains de nos collègues parisiens ?

Enfin, le refus de leur affecter des assistants de justice spécialisés ne procède-t-il pas de la même volonté d’obstruction ?

Davantage que de proclamations d’intentions, la justice a besoin, dans un cadre garantissant réellement son indépendance, de moyens légaux, humains et matériels adaptés.

Nous vous prions d’agréer, Madame le garde des Sceaux, Monsieur le ministre des affaires étrangères, l’expression de notre considération vigilante."

jeudi 4 février 2010

Jour 1001 bonus

Jour 1001

Le bon chien-chien

Sur Bug Brother un excellent résumé de la saga hadopi dont voici un court extrait :

"Le 16 décembre, Frédéric Lefebvre, dans un discours mémorable, en appelle à la régulation de l’internet, qui “provoque chaque jour des victimes” :

Combien faudra-t-il de jeunes filles violées pour que les autorités réagissent ? Combien faudra-t-il de morts suite à l’absorption de faux médicaments ? Combien faudra-t-il d’adolescents manipulés ? Combien faudra-t-il de bombes artisanales explosant aux quatre coins du monde ? Combien faudra-t-il de créateurs ruinés par le pillage de leurs œuvres ?

Problème : le 18, on découvre que le propre site web de Frédéric Lefebvre est truffé de dessins de presse pillés sans même en avoir demandé l’autorisation à leurs créateurs… dessins qui, pour certains, dénoncent précisément les propos et l’action du porte-parole de l’UMP."

mercredi 3 février 2010

Jour 1000

C'est pas gay

LibéRennes, le 3 février 2010 :

"Comment parler des relations amoureuses entre personnes du même sexe aux enfants? C’est en substance la question que s’est posé Sébastien Watel, réalisateur rennais, lorsqu’il s’est lancé dans la réalisation du “Baiser de la Lune” un court-métrage d’animation qu’il destine aux écoliers de CM1/CM2.[...]La présidente du parti chrétien-démocrate Christine Boutin a demandé de son côté dans une lettre ouverte au ministre de l'Education Luc Chatel "l'interdiction de la diffusion du film" dans les écoles, "au nom du respect de la neutralité de l'Education nationale"."

mardi 2 février 2010

Jour 999

Vieux comme le monde

L'inénarrable Maitre Eolas, le 1er février 2010 :

"Brice Hortefeux, le 30 janvier 2010, au sujet de l’assassinat d’un couple de septuagénaires par, semble-t-il, des cambrioleurs :

“les sanctions pénales seront aggravées” pour ce type de délinquance”. “Ce n’est pas la même chose d’agresser, de cambrioler un octogénaire”, a-t-il dit.

Code pénal, art. 221-4 :

Le meurtre est puni de la réclusion criminelle à perpétuité lorsqu’il est commis : (…)

3° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur ;

[...]

Vous connaissiez la règle “un fait divers, une loi ?”. Elle a atteint un nouveau pallier : désormais, c’est un fait divers, votons ce qui existe déjà."

lundi 1 février 2010

Jour 998

Reporters sans foutaises

Le site de l'Acrimed, le 1 février 2010 :

"Il existe, il a toujours existé, « des complots » et « des comploteurs » ainsi que des sociétés secrètes et, plus banalement encore, des lobbies et des groupes de pression qui cherchent, de manière plus ou moins cachée, à peser sur les prises de décision politiques. Il existe aussi des gens qui pensent que le monde est entièrement gouverné par ce qu’ils pensent être autant de forces occultes qui tireraient les ficelles et que tout s’expliquerait par là. Sous cette forme, le conspirationnisme est moins une « théorie » qu’une vision de la société et de l’histoire qui mérite d’être critiquée, c’est-à-dire d’abord analysée et comprise. [...] Vous menez une recherche sur le lobby militaro-industriel américain qui cherche par des moyens discrets à peser sur les prises de décisions politiques, et l’on peut vous accuser de voir des complots partout ; vous enquêtez sur le fait de savoir qui a fait couler le Rainbow Warrior ou quel fut le rôle de la CIA dans la chute d’Allende au Chili et vous êtes censé être obsédé par les actions des services secrets qui comploteraient contre la démocratie ; vous suivez l’épistémologie de Gaston Bachelard selon laquelle il n’y a de « science que du caché » et vous êtes là encore atteint par ce qui finalement serait moins une théorie qu’une sorte de maladie. [...] Les journalistes, du moins la minorité qui occupe le sommet de la hiérarchie professionnelle et dont la tête ou la signature est connue et reconnue, cultivent une revendication d’indépendance dont dépend le crédit qu’il conviendrait d’accorder à ce qu’ils disent : ils sont censés dire et écrire librement ce qu’ils pensent, sans préjugés ni esprit partisan et ne servir que la vérité et la démocratie. Mais cette revendication n’est pour une large part qu’une croyance : une croyance que menace de défaire brutalement toute critique des médias qui, s’appuyant sur les méthodes des sciences sociales, leur rappelle que, comme tout individu, les journalistes sont socialement conditionnés, que le sentiment de liberté qu’ils éprouvent effectivement réside en grande partie dans le fait qu’ils sont les bonnes personnes à la bonne place dans un ensemble social très vaste et très complexe.. C’est pourquoi, placer sous le titre de « théorie du complot » une sociologie (imaginaire) des médias, qui ferait des journalistes de simples marionnettes des puissants, offre un repoussoir commode à toute tentative d’objectivation qui se propose de mettre méthodiquement en relation position sociale, propriétés sociales et prise de position, sans se taire sur les personnes et les faits qui les illustrent."