On se calme
C'est vieux, mais les bonnes analyses ne prennent pas de rides, Police etc., le 13 décembre 2010 :
"Dans la catégorie des ultra-concepts, l’ultra-violence a désormais sa place dans les faits divers, comme s’agissant qualitativement de faits nouveaux.
Faux. Complètement faux.
Le nombre de crimes très violents, faits de déséquilibrés, viols, actes de barbarie, et autres sauvageries listées dans le code pénal, est linéaire dans le temps. (À condition bien sûr que le temps sur lequel s’opère la mesure soit significatif. Des fluctuations de faits peu nombreux enregistrées sur des périodes courtes n’ont aucun sens, c’est une contrainte de la statistique.)
Il y a toujours autant de dingues, c'est-à-dire pas tant que ça pour une société qui marche sur la tête.
On a beau retourner les chiffres dans tous les sens, les homicides sont en baisse constante.
On a beau regarder les gamins d’un sale œil, depuis des années l’âge du premier délit a tendance à croitre.
En fait – quitte à faire hurler de réprobation les convertis – globalement, la violence est en baisse.
Ce serait un affront à l’intelligence de rappeler la violence des pratiques infractionnelles d’un passé lointain, de citer des extraits de Zola, ou de se souvenir que le baron Haussmann a fait installer l’éclairage public dans Paris parce qu’on s’y égorgeait au coin des rues. Etc.
Et même si les plus intégristes du tout-sécuritaire appellent de leurs vœux une répression implacable, l’histoire du droit et de la criminalité démontre que – hormis un effet de catharsis sur une société qui in fine reconnaît quelques bienfaits à la violence – la brutalité de la sanction pénale (de la torture à la peine de mort en passant par les travaux forcés) n’avait pas d’effet sur la délinquance qui lui était contemporaine.
La violence scolaire est un autre exemple intéressant. Elle fait partie de ces nouvelles catégories d’infractions, et pourtant elle a toujours existé aussi, à ceci près qu’elle était indifférenciée, et considérée comme du fait divers. Le véritable changement est l’augmentation des effectifs et de l’âge de la population scolaire de l’enseignement secondaire, et de fait, le transfert de délits inhérents aux post-adolescents et jeunes adultes dans l’enceinte de l’école.
Quoiqu’on en dise aujourd’hui, quelque soit l’écho qu’on lui donne, la vraie violence à l’école a toujours été marginale. Les incivilités et autres dégradations relevées seraient plutôt à mettre en rapport avec les suppressions de postes opérées dans l’Éducation nationale.
Dans le même esprit de saturation en incantations sécuritaires, la loi se gonfle de mots nouveaux, comme autant d’infractions non encore prévues par les textes.
Mais à y regarder de plus près…
Le guet-apens rentre dans le cadre de l’association de malfaiteurs
L’inceste était superflu, la loi dispose déjà qu’une agression sexuelle ou un viol commis sur un mineur par un ascendant ou toute personne ayant autorité constitue une circonstance aggravante.
Un senior fait partie des "personnes vulnérables." Prévu par la loi aussi.
Etc.
Ce gavage de mots doit persuader que tout est mis en œuvre pour que la population se sente rassurée et protégée, tout en sous-entendant de nouvelles pratiques délinquantes très inquiétantes.
Même si les annonces concernant la délinquance sont faites sans aucun paramétrage, aucune indication, permettant une meilleure compréhension.
Récemment, on apprend que les délits contre les seniors sont en augmentation. L’explication se trouve dans la courbe démographique. La France vieillit et les vieux ont toujours été une cible privilégiée des agressions physiques. Ils ne sont pas plus en danger, ils le sont autant qu'avant.
La préoccupation sécuritaire occulte tout le reste, et tombe toujours à point nommé pour occuper l’espace médiatique. La vulnérabilité économique et sociale s’efface quand il le faut derrière le sacro saint chiffre de la délinquance et toutes ses déclinaisons. Ce concept-là fait vendre – ou élire – le reste, plus personne n’y croit.
La sécurité apparait de plus en plus comme un argument électoral par défaut.
On finira par se convaincre qu’une poubelle qui brûle met davantage en danger la République qu’un système de retraites qui se délite. Ou qu’une police nationale, bientôt sacrifiée sur l’autel de la sécurité privée.
Ou peut-être est-ce un écran de fumée ?"
C'est vieux, mais les bonnes analyses ne prennent pas de rides, Police etc., le 13 décembre 2010 :
"Dans la catégorie des ultra-concepts, l’ultra-violence a désormais sa place dans les faits divers, comme s’agissant qualitativement de faits nouveaux.
Faux. Complètement faux.
Le nombre de crimes très violents, faits de déséquilibrés, viols, actes de barbarie, et autres sauvageries listées dans le code pénal, est linéaire dans le temps. (À condition bien sûr que le temps sur lequel s’opère la mesure soit significatif. Des fluctuations de faits peu nombreux enregistrées sur des périodes courtes n’ont aucun sens, c’est une contrainte de la statistique.)
Il y a toujours autant de dingues, c'est-à-dire pas tant que ça pour une société qui marche sur la tête.
On a beau retourner les chiffres dans tous les sens, les homicides sont en baisse constante.
On a beau regarder les gamins d’un sale œil, depuis des années l’âge du premier délit a tendance à croitre.
En fait – quitte à faire hurler de réprobation les convertis – globalement, la violence est en baisse.
Ce serait un affront à l’intelligence de rappeler la violence des pratiques infractionnelles d’un passé lointain, de citer des extraits de Zola, ou de se souvenir que le baron Haussmann a fait installer l’éclairage public dans Paris parce qu’on s’y égorgeait au coin des rues. Etc.
Et même si les plus intégristes du tout-sécuritaire appellent de leurs vœux une répression implacable, l’histoire du droit et de la criminalité démontre que – hormis un effet de catharsis sur une société qui in fine reconnaît quelques bienfaits à la violence – la brutalité de la sanction pénale (de la torture à la peine de mort en passant par les travaux forcés) n’avait pas d’effet sur la délinquance qui lui était contemporaine.
La violence scolaire est un autre exemple intéressant. Elle fait partie de ces nouvelles catégories d’infractions, et pourtant elle a toujours existé aussi, à ceci près qu’elle était indifférenciée, et considérée comme du fait divers. Le véritable changement est l’augmentation des effectifs et de l’âge de la population scolaire de l’enseignement secondaire, et de fait, le transfert de délits inhérents aux post-adolescents et jeunes adultes dans l’enceinte de l’école.
Quoiqu’on en dise aujourd’hui, quelque soit l’écho qu’on lui donne, la vraie violence à l’école a toujours été marginale. Les incivilités et autres dégradations relevées seraient plutôt à mettre en rapport avec les suppressions de postes opérées dans l’Éducation nationale.
Dans le même esprit de saturation en incantations sécuritaires, la loi se gonfle de mots nouveaux, comme autant d’infractions non encore prévues par les textes.
Mais à y regarder de plus près…
Le guet-apens rentre dans le cadre de l’association de malfaiteurs
L’inceste était superflu, la loi dispose déjà qu’une agression sexuelle ou un viol commis sur un mineur par un ascendant ou toute personne ayant autorité constitue une circonstance aggravante.
Un senior fait partie des "personnes vulnérables." Prévu par la loi aussi.
Etc.
Ce gavage de mots doit persuader que tout est mis en œuvre pour que la population se sente rassurée et protégée, tout en sous-entendant de nouvelles pratiques délinquantes très inquiétantes.
Même si les annonces concernant la délinquance sont faites sans aucun paramétrage, aucune indication, permettant une meilleure compréhension.
Récemment, on apprend que les délits contre les seniors sont en augmentation. L’explication se trouve dans la courbe démographique. La France vieillit et les vieux ont toujours été une cible privilégiée des agressions physiques. Ils ne sont pas plus en danger, ils le sont autant qu'avant.
La préoccupation sécuritaire occulte tout le reste, et tombe toujours à point nommé pour occuper l’espace médiatique. La vulnérabilité économique et sociale s’efface quand il le faut derrière le sacro saint chiffre de la délinquance et toutes ses déclinaisons. Ce concept-là fait vendre – ou élire – le reste, plus personne n’y croit.
La sécurité apparait de plus en plus comme un argument électoral par défaut.
On finira par se convaincre qu’une poubelle qui brûle met davantage en danger la République qu’un système de retraites qui se délite. Ou qu’une police nationale, bientôt sacrifiée sur l’autel de la sécurité privée.
Ou peut-être est-ce un écran de fumée ?"