dimanche 4 octobre 2009

Jours 877 & 878

Ne juges point...

Le Syndicat de la Magistrature, le 2 octobre 2009 :

"Madame le garde des Sceaux,

Cette semaine, deux ministres du gouvernement auquel vous appartenez ont publiquement mis en cause l’institution judiciaire dans des termes inacceptables.

Vous ne pouvez en effet ignorer que, suite à l’opération dite de « démantèlement » de la « jungle » à Calais, Monsieur Eric Besson, ministre de l’Immigration et de « l’Identité nationale », s’est cru autorisé à faire le commentaire suivant :

« 129 (étrangers en situation irrégulière) ont été placés en centre de rétention. Parmi eux, à ce jour : (…) 89 ont été remis en liberté. [...] Tout en restant parfaitement respectueux de l’indépendance des juridictions, il n’est pas interdit de constater que certaines d’entre elles libèrent quasi systématiquement les étrangers en situation irrégulière qui leur sont présentés. » (communiqué de presse du 28 septembre 2009) Cette présentation idéologique, qui tente de masquer l’échec d’une entreprise de pure communication, est proprement scandaleuse. Elle est d’abord contraire à la vérité. Il n’est en effet pas inutile de rappeler que :

[...]

- si le taux de remise en liberté a été beaucoup plus important en l’espèce, c’est en raison des nombreuses violations des droits des étrangers que n’a pas manqué d’occasionner une opération aussi spectaculaire que brutale (séparation des conjoints, arrestation de nombreux mineurs, mépris des règles protectrices du droit d’asile…) ;

- en particulier, les conditions de transfert souvent lointain des étrangers interpellés se sont logiquement révélées incompatibles avec l’exercice effectif de leurs droits élémentaires (accès à un avocat, à un interprète, aux autorités consulaires et aux conseils de la CIMADE) ;

- dans la très grande majorité des cas, les décisions de remise en liberté stigmatisées par monsieur Besson ont été confirmées en appel.

Cette description fallacieuse constitue surtout une grave atteinte au principe de la séparation des pouvoirs, en ce qu’elle met en cause l’impartialité des nombreux magistrats qui ont veillé au respect du droit, conformément à leur mission constitutionnelle de sauvegarde des libertés individuelles."