dimanche 18 octobre 2009

Jours 891 & 892

Derrière les barreaux

L'Observatoire International des Prisons, le 14 octobre 2009 :

"Dix ans après la mise en évidence, au travers des commissions d’enquête parlementaires et du rapport Canivet, de la nécessité d’une réforme radicale du droit de la prison inscrivant dans le marbre de la loi le respect des exigences de l’Etat de droit et des droits de l’Homme, force est de constater que la loi pénitentiaire votée hier par le Parlement a tout du « détournement d’objet social ». La tâche dévolue au législateur était pourtant sans ambigüité. Pour que la prison ne soit plus cette zone de « sous-droit » (pour ne pas dire de « non droit ») où travaillent des personnels pénitentiaires assimilés à des « sous-fonctionnaires » et où vivent des détenus considérés comme des « sous-citoyens », il lui revenait d’exercer pleinement sa responsabilité. En rétablissant une « hiérarchie des normes » totalement inversée en prison, qui autorise l’administration à faire son droit et faire sa loi à coups de décrets, de circulaires et de notes. En alignant le droit pénitentiaire sur le droit commun : par exemple, en dotant le détenu qui travaille d’un contrat en bonne et due forme et non un ersatz ; ou en affirmant en matière de procédure disciplinaire son droit d’être jugé par un juge indépendant et impartial, dans le cadre d’un procès équitable. En s’opposant aux velléités de cette administration d’opérer une classification des détenus selon leur supposée « dangerosité » et d’instaurer en conséquence une différenciation des régimes de détention que le Contrôleur général des lieux de privation de liberté qualifie de « pure et simple ségrégation ». Ou encore en bannissant les mesures et actes les plus attentatoires à la dignité humaine comme le placement contraint en cellule collective ou la fouille intégrale. Las, avec cette loi pénitentiaire « nous avons au mieux, du droit constant, au pire et en bien des points, des régressions manifestes », analyse la juriste Martine Herzog-Evans. Un comble tant la situation des prisons qualifiée d’ « humiliation pour la République » en 2000 par le Sénat n’a eu de cesse de se dégrader depuis lors, par les effets combinés d’une surenchère pénale permanente, d’une surpopulation carcérale endémique et d’une gestion sécuritaire de la détention. Et ce malgré les réelles avancées de la jurisprudence administrative et européenne.
Loin de respecter la lettre et l’esprit des préconisations du conseil de l’Europe caractérisés par une approche résolument réductionniste tant du recours à l’emprisonnement que des restrictions pouvant être imposées aux droits des détenus, le texte adopté par le Parlement ne règlera en rien les maux d’une institution que d’aucuns continuent à appréhender comme un « mal nécessaire » sans s’interroger ni sur son échec ni sur le sens qu’elle doit avoir dans une démocratie. Il faut toutefois noter et saluer l’attachement de plus en plus large au sein du monde politique au principe selon lequel « pour résoudre le paradoxe qui consiste à réinsérer une personne en la retirant de la société, il n’y a d’autre solution que de rapprocher autant que possible la vie en prison des conditions de vie à l’extérieur, la société carcérale de la société civile ». Un principe qui devait permettre à la réforme de s’affranchir d’une conception d’un autre âge de la peine privative de liberté. C’est dans cette perspective que les recours à venir - devant le Conseil constitutionnel d’abord puis devant le Conseil d’Etat - permettront, espérons-le, de neutraliser la portée d’un texte qui se révèle un remède pire que le mal."