Forteresse Europe
Un des blogs du Monde Diplomatique, Vision Cartographiques, le 1er juin 2010 :
"L’enfermement des indésirables n’est certes pas nouveau. Qu’on pense aux premiers camps de concentration, établis en Afrique du Sud pendant la guerre des Boers au début du XXe siècle, à l’internement des républicains espagnols en France après la victoire des troupes franquistes en Espagne à la fin des années 1930, ou encore à celui des Américains d’origine japonaise aux Etats-Unis au début des années 1940 après Pearl Harbour. Cependant, il est longtemps resté inscrit dans une logique de protection de la sécurité de l’Etat ou de surveillance de personnes présumées dangereuses. La mise en détention de ressortissants étrangers pour des motifs liés à leur seule condition de migrants ou de demandeurs d’asile est un phénomène plus récent.
[...]
Le plus souvent, les lieux d’enfermement des migrants sont situés dans des postes de police ; parfois, dans des prisons (Allemagne, Chypre, Irlande) ; et même — dans plusieurs pays d’Europe centrale — dans de vieilles casernes de l’armée soviétique. Plus au sud, des camps insulaires apparaissent, au gré des naufrages, faits de tentes ou de bâtiments de fortune (Espagne, Grèce, Italie, Malte). Là, les conditions matérielles sont très précaires. Ailleurs, certains établissements récemment construits offrent de meilleures conditions de logement, mais leur gestion sécurisée renforce leur aspect carcéral et participe de la criminalisation croissante des migrants.
Bien que les régimes administratifs et judiciaires diffèrent d’un Etat membre à l’autre, voire à l’intérieur d’un même pays, le fonctionnement de la machine à refouler les étrangers se ressemble. Partout, on constate un accroissement progressif de la durée légale de la détention administrative.
[...]
Depuis l’adoption, en décembre 2008, de la directive « retour » par l’Union européenne, qui en fixe la durée maximum à 18 mois, trois pays – l’Espagne, l’Italie et la Grèce – ont augmenté la durée légale de la détention des étrangers pour pouvoir mieux les expulser.
Selon les termes de cette directive, la détention des étrangers devrait rester d’un usage exceptionnel dans la procédure d’éloignement, et réservée aux cas où « il existe un risque de fuite, ou quand (l’intéressé) évite ou empêche la préparation du retour ». Les chiffres montrent que, en réalité, l’enfermement est un élément clé du dispositif. La multiplication des camps au cours des dix dernières années s’articule avec la rationalisation des modalités d’expulsion : cela se traduit notamment par leur installation à proximité de tous les grands aéroports et ports internationaux, afin de faciliter le tri dès l’arrivée et les départs par « vols groupés » (autrement dit par charter).
Nul n’est épargné : les malades, les familles avec de jeunes enfants, et plus généralement toutes les personnes dites « vulnérables » peuvent aujourd’hui être détenues, y compris, de plus en plus, les demandeurs d’asile que leur statut devrait pourtant protéger (lire l’article d’Alain Morice et Claire Rodier). Invisible, peu documenté et à peine encadré juridiquement, l’internement administratif des étrangers est tout à la fois symbolique et générateur de multiples violations des droits fondamentaux."
Un des blogs du Monde Diplomatique, Vision Cartographiques, le 1er juin 2010 :
"L’enfermement des indésirables n’est certes pas nouveau. Qu’on pense aux premiers camps de concentration, établis en Afrique du Sud pendant la guerre des Boers au début du XXe siècle, à l’internement des républicains espagnols en France après la victoire des troupes franquistes en Espagne à la fin des années 1930, ou encore à celui des Américains d’origine japonaise aux Etats-Unis au début des années 1940 après Pearl Harbour. Cependant, il est longtemps resté inscrit dans une logique de protection de la sécurité de l’Etat ou de surveillance de personnes présumées dangereuses. La mise en détention de ressortissants étrangers pour des motifs liés à leur seule condition de migrants ou de demandeurs d’asile est un phénomène plus récent.
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Le plus souvent, les lieux d’enfermement des migrants sont situés dans des postes de police ; parfois, dans des prisons (Allemagne, Chypre, Irlande) ; et même — dans plusieurs pays d’Europe centrale — dans de vieilles casernes de l’armée soviétique. Plus au sud, des camps insulaires apparaissent, au gré des naufrages, faits de tentes ou de bâtiments de fortune (Espagne, Grèce, Italie, Malte). Là, les conditions matérielles sont très précaires. Ailleurs, certains établissements récemment construits offrent de meilleures conditions de logement, mais leur gestion sécurisée renforce leur aspect carcéral et participe de la criminalisation croissante des migrants.
Bien que les régimes administratifs et judiciaires diffèrent d’un Etat membre à l’autre, voire à l’intérieur d’un même pays, le fonctionnement de la machine à refouler les étrangers se ressemble. Partout, on constate un accroissement progressif de la durée légale de la détention administrative.
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Depuis l’adoption, en décembre 2008, de la directive « retour » par l’Union européenne, qui en fixe la durée maximum à 18 mois, trois pays – l’Espagne, l’Italie et la Grèce – ont augmenté la durée légale de la détention des étrangers pour pouvoir mieux les expulser.
Selon les termes de cette directive, la détention des étrangers devrait rester d’un usage exceptionnel dans la procédure d’éloignement, et réservée aux cas où « il existe un risque de fuite, ou quand (l’intéressé) évite ou empêche la préparation du retour ». Les chiffres montrent que, en réalité, l’enfermement est un élément clé du dispositif. La multiplication des camps au cours des dix dernières années s’articule avec la rationalisation des modalités d’expulsion : cela se traduit notamment par leur installation à proximité de tous les grands aéroports et ports internationaux, afin de faciliter le tri dès l’arrivée et les départs par « vols groupés » (autrement dit par charter).
Nul n’est épargné : les malades, les familles avec de jeunes enfants, et plus généralement toutes les personnes dites « vulnérables » peuvent aujourd’hui être détenues, y compris, de plus en plus, les demandeurs d’asile que leur statut devrait pourtant protéger (lire l’article d’Alain Morice et Claire Rodier). Invisible, peu documenté et à peine encadré juridiquement, l’internement administratif des étrangers est tout à la fois symbolique et générateur de multiples violations des droits fondamentaux."