lundi 28 juin 2010

Jour 1144

Un déficit d'explications

La Pompe à Phynance, le 26 mai 2010, de l'excellentissime Frédéric Lordon, à lire dans sa totalité sur son site, comme d'habitude :

"Ainsi, il y a un « problème de dette publique ». Mais au fait, d’où vient-il ?... [...] Les ennemis (amis) de la dette n’aiment rien tant que prendre le problème « des déficits » du côté de la dépense. Jamais des recettes. Ce serait pourtant bien intéressant. Car la défiscalisation systématique apparaît comme l’un des caractères structurels les plus robustes du néolibéralisme. [...] De la baisse de l’impôt sur les sociétés, ramené de 50 % à 33 % par le socialisme moderne (et, bien sûr, sans le moindre effet tangible autre que d’opportunité, sur l’investissement) aux larges défiscalisations des revenus du capital, en passant par les baisses massives et continues des cotisations sociales au nom tantôt de la baisse-du-coût-du-travail-pour-résorber-le-chômage (avec également la belle efficacité qu’on sait), tantôt au nom de l’« attractivité du territoire », jusqu’aux dernières diminutions des taux marginaux de l’impôt sur le revenu, « bouclier fiscal » inclus, et pour ne rien dire du maquis des exemptions en tout genre permettant aux plus riches de ne payer que des clopinettes au fisc, la colonne « recettes » du budget de l’État offre une cohérence d’orientation qui entre dans la cohérence plus vaste de la configuration néolibérale du capitalisme. [...] Sous la perspective présente, les plans d’ajustement budgétaire dramatiques décidés simultanément dans bon nombre de pays européens, perdent leur caractère de rectification gestionnaire (« une politique responsable dans une situation difficile » dixit l’inénarrable Christine Lagarde) pour prendre celui d’une gigantomachie politique. Car le déficit ne sera réduit que par annulation des défiscalisations ou par une régression inouïe de l’État social – et voilà l’os de la « situation difficile » : les possédants (inclus le capital) vs. le reste du corps social."