La guerre ? Grösse malheur !
Le blog Défense en ligne du Monde Diplo, le 8 février 2012 :
"cette autre tendance à se lancer dans des guerres dites « préventives » (où l’on s’érige par avance en juge ou justicier) ou des croisades sociétales (pour la défense des droits des femmes, pour « remodeler le Moyen-Orient ») ce qui revient à s’engager dans une périlleuse « guerre de civilisation » — quitte, en cas de besoin, à fabriquer l’ennemi ou à le démoniser, selon le mode décrit par Pierre Conesa :
— raconter une belle histoire (avec un scénario simple, opposant les bons aux méchants) ;
— embarquer les médias dans l’aventure (sans images, pas de crise !) ;
— identifier si possible la « révolution » grâce à une figure populaire, des héros, des symboles (une couleur, un son, des vêtements, par exemple) ;
— désigner l’ennemi en inventant une menace, en élaborant un discours stratégique, en impliquant les think tanks, instituts, observatoires, services de renseignement ;
— faire orchestrer la légitimation de la guerre par des intellectuels ayant accès aux médias dominants, capables de légender cette guerre « juste » et « rédemptrice », voire de présenter des défaites comme des victoires, etc. ;
— mettre en scène les ONG humanitaires (en sauveurs valeureux, ou en malheureuses cibles).
[...]
Le tout sans véritablement se préoccuper des suites ou effets secondaires de ces engagements, rarement à la hauteur des ambitions. Ainsi, en Libye, la guerre des « démocrates » ou « révolutionnaires » aura surtout été menée au nom « d’Allah Akbar ! » ; elle se sera accompagnée d’une « chasse aux Noirs » appuyée sur des considérations racistes ; elle aura contribué à répandre le désordre dans tout le Sahel ; et débouché ces derniers mois sur des affrontements de factions ou de tribus, et des atteintes majeures aux droits de l’homme dans la Libye nouvelle.
[...]
On insistera aussi sur le rôle central des grands médias, notamment occidentaux, qui multiplient — à chacune de ces crises — les séquences compassionnelles, chauffent à blanc les publics, n’hésitant pas à choisir un camp, attribuant le « beau rôle » à leurs champions — quitte à oublier de rendre compte de la situation « de l’autre côté » (comme en Libye, ou plus récemment en Syrie). La difficulté de « couvrir » l’autre camp, à Tripoli par exemple, en raison de l’hostilité des autorités, ou de la persistance de dangers, ne justifie pas que ce terrain soit déserté, au point de délivrer une information unilatérale, comme ca a été le cas entre mars et septembre 2011 en Libye. Et quitte, aussi, à abandonner franchement le sujet, une fois le Diable liquidé, ou la déception venue : les effets à long terme n’intéressent plus les caméras…"