Le goût des bottes
Le Monde Diplomatique, 14 janvier 2010 :
"Dans son hommage à Philippe Séguin, le 12 janvier, le président de l’Assemblée nationale Bernard Accoyer a rappelé, au titre des hauts faits à retenir du disparu, que celui-ci avait écrit, en 1990, un livre dans lequel, « rompant avec la tradition héritière de Victor Hugo, [il] entreprit de réhabiliter la mémoire de Napoléon III, substituant au personnage caricatural de Badinguet la vision d’un empereur moderniste et soucieux du bien commun, qui équipa et enrichit la France ». Par ces quelques lignes, le président de l’Assemblée nationale profite d’une cérémonie funèbre pour réhabiliter l’auteur d’un coup d’Etat (le 2 décembre 1851) dont le premier acte fut de dissoudre l’Assemblée nationale, de faire exécuter sommairement des opposants et d’en déporter d’autres en masse. Rapidement, il supprima la République pour établir le Second Empire et rétablir des privilèges. Les soulèvements populaires à Paris et dans plusieurs départements aboutirent à une répression sanglante. Une préfecture, celle des Basses Alpes (Digne), fut même un moment prise par les Républicains, contre lesquels l’empereur envoya une armée qui fut battue. Napoléon en expédia une seconde qui les massacra ou les déporta.
[...]
Cette déclaration, faite au détour d’un hommage funèbre, n’est pas une anicroche isolée. Il s’insère dans un ensemble de déclarations toutes bien cohérentes où Napoleon III fait figure de modèle. Ainsi, Le Monde du 15 novembre 2008 pose-t-il tranquillement cette question : « La mémoire collective diabolise Napoléon III, alors qu’il est considéré comme un modernisateur de la France. En est-il de même pour Nicolas Sarkozy, qui voulait incarner la rupture mais a été perçu dès ses débuts comme un président “bling-bling” ? » A aucun moment la question des libertés publiques n’est évoquée.
Plus significatif encore, le lundi 10 décembre 2007, le ministre de l’Outre mer et maire de Nice, Christian Estrosi, s’était rendu au Royaume-Uni, aux frais du contribuable, pour réclamer les cendres de Napoléon III (mort en exil en Angleterre après le rétablissement de la République en 1871). Les autorités actuelles de la France verraient-elles dans un régime autoritaire, mais très libéral sur le plan économique, le modèle à suivre ?"
Que dire sinon que les hommes médiocres se réfèrent souvent à leurs semblables...
Le Monde Diplomatique, 14 janvier 2010 :
"Dans son hommage à Philippe Séguin, le 12 janvier, le président de l’Assemblée nationale Bernard Accoyer a rappelé, au titre des hauts faits à retenir du disparu, que celui-ci avait écrit, en 1990, un livre dans lequel, « rompant avec la tradition héritière de Victor Hugo, [il] entreprit de réhabiliter la mémoire de Napoléon III, substituant au personnage caricatural de Badinguet la vision d’un empereur moderniste et soucieux du bien commun, qui équipa et enrichit la France ». Par ces quelques lignes, le président de l’Assemblée nationale profite d’une cérémonie funèbre pour réhabiliter l’auteur d’un coup d’Etat (le 2 décembre 1851) dont le premier acte fut de dissoudre l’Assemblée nationale, de faire exécuter sommairement des opposants et d’en déporter d’autres en masse. Rapidement, il supprima la République pour établir le Second Empire et rétablir des privilèges. Les soulèvements populaires à Paris et dans plusieurs départements aboutirent à une répression sanglante. Une préfecture, celle des Basses Alpes (Digne), fut même un moment prise par les Républicains, contre lesquels l’empereur envoya une armée qui fut battue. Napoléon en expédia une seconde qui les massacra ou les déporta.
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Cette déclaration, faite au détour d’un hommage funèbre, n’est pas une anicroche isolée. Il s’insère dans un ensemble de déclarations toutes bien cohérentes où Napoleon III fait figure de modèle. Ainsi, Le Monde du 15 novembre 2008 pose-t-il tranquillement cette question : « La mémoire collective diabolise Napoléon III, alors qu’il est considéré comme un modernisateur de la France. En est-il de même pour Nicolas Sarkozy, qui voulait incarner la rupture mais a été perçu dès ses débuts comme un président “bling-bling” ? » A aucun moment la question des libertés publiques n’est évoquée.
Plus significatif encore, le lundi 10 décembre 2007, le ministre de l’Outre mer et maire de Nice, Christian Estrosi, s’était rendu au Royaume-Uni, aux frais du contribuable, pour réclamer les cendres de Napoléon III (mort en exil en Angleterre après le rétablissement de la République en 1871). Les autorités actuelles de la France verraient-elles dans un régime autoritaire, mais très libéral sur le plan économique, le modèle à suivre ?"
Que dire sinon que les hommes médiocres se réfèrent souvent à leurs semblables...