samedi 30 janvier 2010

Jours 996 & 997

Une justice aux ordres

Interview de Robert Badinter dans le Monde, le 30 janvier 2010 :

"L'affaire Clearstream place une nouvelle fois le parquet dans une situation difficile et relance le débat sur sa dépendance à l'égard du pouvoir politique. Quelles conséquences en tirez-vous sur le projet de réforme de la procédure pénale ?

[...] La réforme prétend remplacer le juge d'instruction par un juge des libertés et de l'enquête. La réalité est tout autre: il s'agit de remplacer le juge d'instruction, magistrat du siège indépendant par le procureur. Or, celui-ci est une des parties dans le procès pénal. Sa mission est de réunir les preuves nécessaires pour convaincre le juge de la culpabilité d'un suspect. Le procureur n'a donc pas vocation à réunir les éléments de sa défense. C'est le rôle de l'avocat. Comment imaginer que le procureur enquêtera "à charge et à décharge" dans une affaire d'Etat comme Clearstream, alors qu'il est sous la dépendance de l'exécutif dont il dépend pour sa carrière? La première exigence est donc que les magistrats du parquet bénéficient, au moins, de garanties statutaires d'indépendance pour leur nomination et leur promotion. En clair, ces décisions ne doivent intervenir que sur avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature. Si le statut du parquet devait être maintenu, alors la réforme n'aura fait qu'accroître les pouvoirs de l'exécutif dans le cours des affaires pénales. Et la crédibilité de la justice, loin d'être renforcée, s'en trouvera réduite."