Sondez, sondez, il en restera toujours quelque chose
Le Monde Diplomatique, 23 février 2011 :
"Le jugement rendu le 16 février par la 17e Chambre du tribunal de grande instance de Paris fait plaisir. Il concerne le procès en diffamation intenté par M. Patrick Buisson, dirigeant de l’institut de sondages Publifact et proche conseiller du président de la République, à notre collaborateur Alain Garrigou, professeur de science politique à l’université de Paris-Ouest-Nanterre. Les magistrats considèrent dans leur arrêt que « l’ensemble des témoins dont il avait connaissance, ces différentes études, les réponses qu’il avait données dans le cadre de son audition par la Commission des finances de l’Assemblée nationale ainsi que sa compétence dans le domaine des sondages permettaient à Alain Garrigou de s’interroger sur les anomalies révélées par les différents documents et d’envisager, son propos relevant alors pour l’essentiel du registre politique, l’éventualité de la constitution « d’un trésor de guerre » par le demandeur, pouvant faciliter le financement ultérieur de campagne électorale de Nicolas Sarkozy. Compte tenu du sujet d’intérêt public alors abordé, du contexte politique à forte tonalité polémique dans lequel elle a été proférée, l’hypothèse envisagée n’a pas excédé les limites de la liberté d’opinion volontairement polémique. […] Il convient en conséquence de débouter Patrick Buisson de l’ensemble de ses demandes ».
Cette victoire judiciaire est importante dans un contexte où la liberté des chercheurs apparaît chaque jour plus menacée (voir dans l’édition de mars du Monde diplomatique, en kiosques mercredi 2 mars, l’article de Howard S. Becker). Elle prend aussi tout son sens sur le terrain des sondages. Le 14 février dernier, une proposition de loi a été adoptée à l’unanimité au Sénat. Elle prévoit d’instaurer une régulation du marché des sondages politiques par un véritable contrôle assorti de sanctions, par la transparence telle que la publication des chiffres bruts d’intention de vote et par l’interdiction de toute gratification aux sondés. Très significativement, le gouvernement de Nicolas Sarkozy a opposé son veto à la réforme : les sondages occupent en effet une place centrale dans la politique française. Mais leur dérive est dorénavant reconnue.
Plus drôle, par une ironie de l’histoire, il semblerait que M. Buisson n’en ait pas complètement terminé avec la justice qu’il avait saisie avec autant d’enthousiasme. Le 22 février, on apprenait qu’un juge d’instruction venait d’être nommé pour enquêter sur les sondages de l’Elysée, attribués sans appel d’offre à Publifact…"
Le Monde Diplomatique, 23 février 2011 :
"Le jugement rendu le 16 février par la 17e Chambre du tribunal de grande instance de Paris fait plaisir. Il concerne le procès en diffamation intenté par M. Patrick Buisson, dirigeant de l’institut de sondages Publifact et proche conseiller du président de la République, à notre collaborateur Alain Garrigou, professeur de science politique à l’université de Paris-Ouest-Nanterre. Les magistrats considèrent dans leur arrêt que « l’ensemble des témoins dont il avait connaissance, ces différentes études, les réponses qu’il avait données dans le cadre de son audition par la Commission des finances de l’Assemblée nationale ainsi que sa compétence dans le domaine des sondages permettaient à Alain Garrigou de s’interroger sur les anomalies révélées par les différents documents et d’envisager, son propos relevant alors pour l’essentiel du registre politique, l’éventualité de la constitution « d’un trésor de guerre » par le demandeur, pouvant faciliter le financement ultérieur de campagne électorale de Nicolas Sarkozy. Compte tenu du sujet d’intérêt public alors abordé, du contexte politique à forte tonalité polémique dans lequel elle a été proférée, l’hypothèse envisagée n’a pas excédé les limites de la liberté d’opinion volontairement polémique. […] Il convient en conséquence de débouter Patrick Buisson de l’ensemble de ses demandes ».
Cette victoire judiciaire est importante dans un contexte où la liberté des chercheurs apparaît chaque jour plus menacée (voir dans l’édition de mars du Monde diplomatique, en kiosques mercredi 2 mars, l’article de Howard S. Becker). Elle prend aussi tout son sens sur le terrain des sondages. Le 14 février dernier, une proposition de loi a été adoptée à l’unanimité au Sénat. Elle prévoit d’instaurer une régulation du marché des sondages politiques par un véritable contrôle assorti de sanctions, par la transparence telle que la publication des chiffres bruts d’intention de vote et par l’interdiction de toute gratification aux sondés. Très significativement, le gouvernement de Nicolas Sarkozy a opposé son veto à la réforme : les sondages occupent en effet une place centrale dans la politique française. Mais leur dérive est dorénavant reconnue.
Plus drôle, par une ironie de l’histoire, il semblerait que M. Buisson n’en ait pas complètement terminé avec la justice qu’il avait saisie avec autant d’enthousiasme. Le 22 février, on apprenait qu’un juge d’instruction venait d’être nommé pour enquêter sur les sondages de l’Elysée, attribués sans appel d’offre à Publifact…"