lundi 30 novembre 2009

Jour 935

Les vaches

Le Figaro, 30 novembre 2009 :

"«Malgré nos avis et recommandations, les conditions de garde à vue ne se sont pas améliorées, au contraire» , estime Roger Beauvois, président de la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS). À la veille de sa disparition, la commission, dont les attributions vont à l'avenir être confiées à un défenseur des droits aux attributions beaucoup plus larges, dresse un bilan peu flatteur de la situation. Les plaintes qui parviennent à la commission mettent en lumière deux thèmes récurrents : l'utilisation de la fouille corporelle et l'usage du menottage, jugés trop fréquents. «En principe, explique Roger Beauvois, une fouille corporelle, qui implique une mise à nu, nécessairement humiliante, n'est nécessaire que lorsqu'un individu est dangereux, pour autrui ou pour lui-même - comme l'a d'ailleurs souligné une instruction ministérielle en 2004, lorsque Nicolas Sarkozy était ministre de l'Intérieur. Mais lors de nos auditions, les fonctionnaires nous disent encore trop souvent qu'ils procèdent systématiquement à ces fouilles, quel que soit le profil des personnes concernées…» L'une des plaintes récemment parvenue à la commission émanait d'un couple de personnes âgées de plus de 60 ans, à la retraite, ayant reçu par erreur de la banque le chéquier d'un autre client du même établissement. Après avoir émis quelques chèques de faibles montants - par mégarde, disent les époux - ils sont convoqués au commissariat où ils se rendent sans difficulté. Là ils sont placés en garde à vue, et dénudés… L'homme devra également déchiffrer sans ses lunettes ses PV d'auditions. Car le retrait des lunettes et du soutien-gorge est une autre pratique sécuritaire liée au placement en garde à vue, souvent contestée par les intéressés. Jean-Marie Delarue, le contrôleur des lieux privatifs de liberté, a d'ailleurs estimé, après une visite effectuée en janvier dernier dans le commissariat de Besançon, que ces retraits «constituent une atteinte à la dignité de la personne qu'aucune exigence de sécurité ne peut justifier». «Ce sont des gestes vexatoires, et souvent inutiles ; cela fait partie de ces pratiques anciennes sur lesquelles on oublie de réfléchir, renchérit Roger Beauvois. Personne nous a jamais donné le chiffre des pendaisons par soutien-gorge…»"

samedi 28 novembre 2009

Jours 933 & 934

En douce...

L'excellent blog du Monde "Bug Brother", le 27 novembre 2009 :

"Suite au scandale Edvige, les parlementaires avaient décidé de s’intéresser aux fichiers policiers, et, devant la somme de problèmes recensés, proposé que la création de ces fichiers fassent désormais l’objet d’un débat parlementaire, et donc d’une loi.

Sur ordre du gouvernement, les députés UMP viennent de rejeter la proposition de loi qui avait pourtant, initialement, fait l’objet d’un rare consensus parlementaire : rédigée par Delphine Batho (PS) et Jacques-Alain Bénisti (UMP), elle avait été adoptée, à l’unanimité, par la commission des lois de l’Assemblée.

En lieu et place, les députés veulent modifier la loi informatique et libertés pour donner carte blanche au gouvernement, et empêcher le Parlement d’être saisi de la création des futurs fichiers.

Delphine Batho en révélant, en juin dernier, que le nombre de fichiers policiers avait augmenté de 70% ces trois dernières années, et que 25% d’entre-eux étaient “hors la loi” (faute de bases légales), les députés Delphine Batho (PS) et Jacques-Alain Bénisti (UMP) avaient jeté comme un froid.

Mandatés par la commission des Lois de l’Assemblée, suite à la polémique autour du fichier Edvige, les deux députés avaient, dans un geste suffisamment rare pour être relevé, décidé de co-signer une proposition de loi, adoptée dans la foulée, et à l’unanimité, par la commission des lois, visant à améliorer l’encadrement des fichiers policiers.

Las : en créant, par simple décret, les deux fichiers censés remplacer Edvige au lendemain des émeutes de Poitiers (voir Adieu Edvige, bonjour Edwige²), Brice Hortefeux avait déclaré la guerre à cette proposition de loi parlementaire, dont la mesure phare prévoyait que tout fichier policier devait être débattu à l’Assemblée.

Le texte de Batho et Bénisti n’ayant toujours pas été inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée, le groupe des parlementaires socialistes avait décidé de profiter de sa journée d’initiative parlementaire pour le soumettre aux députés, le 19 novembre dernier.

Alors même qu’elle avait pourtant été rédigée, et portée, par un député PS et un autre UMP, avant d’être adoptée, à l’unanimité, par la commission des lois, présidée par un député UMP, le gouvernement et l’UMP qualifièrent alors la proposition de loi de… “socialiste“, et appelèrent à voter contre. L’UMP enterre “en grande pompe” le travail de l’Assemblée

Un “enterrement en grande pompe sur ordre du Gouvernement“, dixit Delphine Batho, qui déplore la schizophrénie de la majorité à l’Assemblée, dont les pouvoirs étaient pourtant censés avoir été renforcés depuis la loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République de juillet 2008, mais qui pour le coup se contente d’avaliser les désidératas du gouvernement de l’ex-ministre de l’Intérieur Sarkozy, principal responsable des problèmes posés par les fichiers policiers…

[...]

Alors que le texte initial de Batho et Bénisti prévoyait que la création de fichiers policiers devait désormais relever de la loi, l’amendement (.pdf) en question prévoit, lui, qu’ils fassent l’objet d’un simple arrêté dès lors qu’ils répondent à 11 finalités, et permettent de, en vrac :

faciliter les rapprochements entre infractions, la recherche et l’identification d’éléments biométriques et biologiques, ou de personnes et d’objets “signalés“, la constatation des infractions, la diffusion et le partage des informations entre services de police judiciaire, la centralisation des informations relatives à la prévention des atteintes à la sécurité publique, la gestion administrative et la transmission des décisions de justice, le contrôle d’accès à certains lieux, le recensement des personnes fichées, ainsi que l’alimentation automatique de certains fichiers…

On voudrait donner un blanc-seing aux fichiers policiers qu’on ne s’y prendrait pas autrement [...]

A toutes fins utiles, la CNIL dénonce, depuis des années, les problèmes posés par les fichiers policiers (voir En 2008, la CNIL a constaté 83% d’erreurs dans les fichiers policiers), et Alex Türk, son président, n’a d’ailleurs eu de cesse l’an passé de tonner, dans les médias, qu’”il y a bien plus dangereux qu’Edvige !“, désignant clairement le STIC, “casier judiciaire bis” truffé d’erreurs et qui fiche plus de la moitié des Français.

[...]

On se sent tout de suite mieux protégé…"

vendredi 27 novembre 2009

Jour 932

Bis repetita

Un blog du Figaro, le 26 novembre 2009 :

"Si Christine Lagarde n'existait pas, il faudrait l'inventer. [...] La preuve : que le nombre de demandeurs d'emploi en catégorie A - la seule qu'elle connaisse - augmente de 21600 en septembre ou de 52400 en octobre - soit une multiplication par deux et demi tout de même -, Christine Lagarde fait exactement les mêmes commentaires.

[...]

Ainsi fin octobre, concernant les chiffres du mois de septembre, la ministre a pris "note de cette hausse du nombre de demandeurs d'emploi qui confirme que les effets de la crise sur le marché du travail se poursuivent". Après avoir constaté "que la dégradation de l'emploi a ralenti significativement depuis le début de l'année, en particulier pour les jeunes", elle indiquait alors que "les mesures prises par les pouvoirs publics depuis plusieurs mois portent leurs fruits". Elle rappelait enfin "que la situation du marché du travail reste difficile". Mieux, que "la tendance à la dégradation de l'emploi devrait se poursuivre plsuieurs trimestres, car même une reprise graduelle de l'activité ne se traduira pas par un repli immédiat du chômage."

[...] le mois suivant, rebelote, la ministre remet ça. Dans son communiqué envoyé ce jeudi 26 novembre au soir, Christine Lagarde "prend note de cette augmentation qui fait suite à cinq mois de hausse plus contenue et reflète la poursuite des effets de la crise sur le marché du travail". Tiens, un air de déjà lu. Continuons. Ensuite, la ministre "considère que l'influence sur l'emploi des mesures décidées par le gouvernement va continuer à monter en puissance". Toujours cette terrible impression de déjà-lu... Enfin passons. Pour conclure, elle rappelle "que la situation du marché du travail reste difficile" et que "la tendance à la dégradation de l'emploi devrait se poursuivre plusieurs trimestres, car une reprise graduelle de l'activité ne se traduirait pas par un repli immédiat du chômage.""

jeudi 26 novembre 2009

Jour 931

L'argent n'a pas d'odeur...

Le Figaro, 25 novembre 2009 :

"Un peu plus d'un an après la brève guerre en Géorgie, le pays négociateur du cessez-le-feu d'août 2008, régulièrement violé par Moscou, s'apprête à vendre des bateaux de guerre à la Russie. [...] La nécessité de fournir du travail aux chantiers navals de Saint-Nazaire aurait pesé lourd dans la décision et fini par vaincre les réticences initiales de l'Élysée. Face à cette perspective économique et financière, le code de bonne conduite européen sur les exportations d'armes, qui stipule la nécessité «de prévenir l'exportation d'équipements qui pourraient être utilisés à des fins de répression interne ou d'agression internationale ou contribuer à l'instabilité régionale» n'a pas fait le poids…"

mercredi 25 novembre 2009

Jour 930

Même les flics s'emballent

Libération, le 22 novembre 2009 :

"Lors de l'inauguration samedi d'une maison d'arrêt dans la Sarthe, le Premier ministre a jugé évidente la nécessité de "repenser" les conditions de la garde à vue, acte "grave" qui ne doit pas être envisagé comme "un élément de routine" par les enquêteurs.

"L'union SGP-unité police ne peut que souscrire à cette belle déclaration de principe démocratique", a commenté le syndicat.

Mais "c'est le gouvernement qui impose des quotas d'interpellations aux fonctionnaires de la police nationale, tout en mettant la pression sur les policiers par une politique du chiffre aveugle ne leur permettant plus d'exercer avec discernement", a-t-il ajouté. "C'est le gouvernement qui impose le nombre de gardes à vue comme un indicateur essentiel de l'activité des services".

"Il est donc trop facile de faire comme si les policiers étaient responsables de cette situation, en les transformant une fois encore en boucs émissaires", a protesté M. Comte."

mardi 24 novembre 2009

Jour 929

La pétition de la semaine

Ligue des Droits de l'Homme, le 23 novembre 2009 :

"« La loi Bachelot « Hôpital Santé Territoire » accélère la logique de rentabilité à l’hôpital. Elle impose aux établissements hospitaliers restructurations, fusions, regroupements… Son objectif : diminuer les dépenses à tout prix, travailler plus avec moins de personnel…

Cette politique signifie le démantèlement des structures qui pratiquent les interruptions volontaires de grossesse. Rien n’a été fait pour le maintien de cette activité malgré les affirmations des pouvoirs publics.

Il s’agit d’une atteinte grave à l’obligation d’organiser l’offre de soin en matière d’avortement à l’hôpital public, une remise en cause de la qualité des soins. Délais d’attente importants, refus de la prise en charge en particulier des mineures et des étrangères sans papiers, quota d’IVG, sectorisation et fermetures de structures sont la traduction concrète de cette politique pour les usagères.

Ce processus de dégradation répond autant à des objectifs idéologiques qu’économiques. C’est la liberté des femmes de décider d’avoir ou non des enfants qui est remise en cause."

lundi 23 novembre 2009

Jour 928

Police de la santé

Libébordeaux, le 23 novembre 2009 :

"Drôle de manière de commencer la semaine, pour les élèves de Saint-Sulpice-de-Royan, petite commune de 2800 âmes en Charente maritime. Accueillis en classe ce matin, comme tous les lundis, ils ont été renvoyés chez eux dès 9h30, par la gendarmerie venue faire appliquer l’arrêté de fermeture de l’école. Tout avait commencé vendredi soir, avec un coup de fil de la préfecture à 20 heures passées, informant le maire Martial de Villelume (divers droite) que les sept classes de l’établissement n’accueilleraient aucun élève de la semaine. «J’ai trouvé le procédé un peu cavalier, il était tard, c’était compliqué de prévenir les familles, j’ai donc estimé qu’on avait tout le temps de voir quelle était la réalité de l’infection, et qu’on ouvrirait normalement aujourd’hui pour en discuter tous ensemble». C’est ce qui a été fait. Jusqu’à l’arrivée des forces de l’ordre. [...] Quatorze enfants étaient malades la semaine dernière, sur plus de 160. Aucun test n’a été pratiqué pour vérifier s’il s’agissait de grippe A. «On fonctionne sur de la suspicion, poursuit Martial de Villelume. Rien n’est avéré. L’an dernier, à la même époque, il y avait autant d’absents, sinon plus. C’est de saison, les gastro, les rhinites, les otites, les angines, et quelques grippes». Pour lui, la mesure n’a «aucun sens». «Tous les parents n’ont pas forcément de solution pour faire garder les enfants. Ca veut dire qu’ils vont s’organiser pour les regrouper chez les uns, chez les autres, et ça ne résout absolument aucun problème s’il s’agit d’éviter la contamination»."

samedi 21 novembre 2009

Jours 926 & 927

Hortefeux ment toujours

Libération, rubrique désintox, le 17novembre 2009 :

"«En 2010, on va recruter 10 754 policiers et gendarmes. Au total, sur dix-huit mois, ce seront 15 000 policiers et gendarmes qui seront recrutés.»

Brice Hortefeux ministre de l'Intérieur lors de sa conférence de presse, le 12 novembre.

[...]

Un spectateur un peu distrait de la conférence de presse pourrait comprendre que les effectifs des forces de l’ordre progressent. C’est sûrement le but d’Hortefeux de le faire croire. Mais c’est faux. [...] Il faut donc se référer aux documents budgétaires du projet de loi de finances pour constater que les effectifs de la police et de la gendarmerie vont en fait baisser en 2010. Pour la police nationale, le nombre d’entrées prévu en 2010 est de 6 000 équivalent temps plein contre 7 390 sorties prévues. Bilan : un solde déficitaire de 1 390. Et qui, selon Yannick Danio, délégué de l’union SGP Unité police, atteint même 2 018 postes si l’on se limite aux agents «opérationnels» (par opposition aux administratifs). Même tendance pour la gendarmerie, avec 6 514 entrées prévues contre 7 817 sorties. Dans les deux cas, les effectifs font les frais de la Révision générale des politiques publiques (RGPP) qui postule le non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux. Les forces de l’ordre vont donc perdre 2 744 postes en 2010. Une chute en droite ligne des orientations prises en 2008. Le gouvernement ayant alors affiché l’objectif de supprimer 7 000 équivalent temps plein de policiers et de gendarmes dans le cadre de la programmation triennale 2009-2011. Ce qui explique que les syndicats aient trouvé saumâtres les effets de manche d’Hortefeux sur les recrutements."

vendredi 20 novembre 2009

Jour 925

Besson a toujours mauvaise haleine

Syndicat de la magistrature, le 19 novembre 2009 :

"Le ministre des expulsions et de « l’identité nationale » a annoncé mercredi 18 novembre qu’il allait « engager une réflexion » sur les « mariages gris ». Il s’agit, nous prévient-il, de partir en croisade contre les mariages « conclus en abusant de la vulnérabilité de personnes en situation de faiblesse, dans le seul but d’obtenir un titre de séjour ou un accès à la nationalité française ».

A l’appui de ce qu’il présente comme une « escroquerie sentimentale à but migratoire », Eric Besson ne fournit aucune étude statistique justifiant la création d’un groupe de travail pour lutter contre ces mariages binationaux. En réalité, en choisissant une expression volontairement indigne et infâmante, ce ministre souhaite attirer l’attention médiatique sur ses gesticulations nauséabondes. Mais il s’agit surtout de jeter l’opprobre sur les mariages mixtes en laissant entendre que l’échec du couple repose nécessairement sur l’intention malveillante du conjoint étranger. A n’en pas douter, le groupe de travail - auquel a opportunément été associé le ministère de la Justice - ne manquera pas de trouver une traduction pénale à ce nouvel écart démagogique. Peut-être pourrait-il commencer par rappeler à Eric Besson que les distinctions entre les personnes physiques à raison de leur origine constitue une discrimination aux termes de l’article 225-1 du Code pénal ?

Avec cette dernière provocation, la majorité au pouvoir nous rappelle qu’il est donc possible, en France, en 2009 :

- de déclarer publiquement qu’un jeune homme « ne correspond pas du tout au prototype » de « l’Auvergnat » parce qu’il mange du cochon et boit de la bière, ou encore que c’est quand « il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes » ;
- de demander aux intellectuels de se soumettre à un devoir de réserve lorsqu’ils entendent exprimer un point de vue sur le sarkozisme ;
- de qualifier de « gris » des mariages prétendument douteux entre français et étranger ;

Le Syndicat de la magistrature est profondément indigné de l’escalade verbale à l’œuvre au plus haut sommet de l’Etat et rappelle son attachement aux principes fondamentaux de la liberté du mariage comme du droit à une vie privée et familiale sans discriminations."

jeudi 19 novembre 2009

Jour 924

Battu par la France

Le dernier billet de Maitre Eolas, le 19 novembre 2009 :

"La cour d’appel de Rouen vient de confirmer purement et simplement le jugement du tribunal de grande instance de la même ville qui avait débouté le parquet de sa demande de contestation de la nationalité formée à l’encontre du brigadier Ounoussou Guissé [...] Et pour le coup de pied de l’âne, qu’il me soit permis de faire remarquer à notre excellent ministre qu’avant de parler d’identité nationale, il faudrait peut-être qu’il apprenne à reconnaître un Français quand il en voit un. Surtout s’il porte l’uniforme de l’Armée dans un théâtre d’opération hostile et ce faisant expose sa vie. C’est plus que ce que ceux qui lui contestaient sa nationalité ont fait eux-même. Peut-être que maintenant, la France pourra permettre à son citoyen de faire venir son épouse et ses enfants, ce qui lui était jusqu’à présent refusé par le pays qu’il sert et pour lequel il s’est battu."

mercredi 18 novembre 2009

Jour 923

Faire du vieux avec du vieux

L'Humanité, le 13 novembre 2009 :

"Nicolas Sarkozy a détaillé hier, à la Chapelle-en-Vercors (Drôme), une vision aussi contestable qu’inquiétante de la République, passée au crible de ses injonctions sur « l’identité nationale française ». « La République, c’est l’autorité de l’État, l’égalité des chances, le mérite, le travail », a-t-il lancé, en fustigeant « l’égalitarisme ». [...] le président de la République a présenté les 35 heures comme une « erreur tragique » entérinant le « renoncement à la valeur du travail ». Il a ensuite exalté « le travail et la famille » pour défendre la suppression des droits de succession et l’instauration du bouclier fiscal. Chômeurs et autres « assistés » ont été violemment pris pour cible, dans le même temps, par le chef de l’État, qui entend opposer « celui qui fait son travail » et « celui qui ne fait rien ».
Curieuse vision de la République, aussi, lorsque l’hôte de l’Élysée a exalté ce que celle-ci devrait, selon lui, « à l’Ancien Régime ». Fidèle à sa stratégie de réécriture et de manipulation de l’histoire, Nicolas Sarkozy a vilipendé « l’expérience sanglante de la Terreur », mais glorifié « le rêve capétien réalisé » de l’unité de la France. Avant d’appeler à « vibrer avec le sacre de Reims » des rois de France. Dans une envolée antilaïque, il a ensuite assuré qu’il n’y avait « pas un seul libre penseur, pas un franc-maçon, pas un athée qui ne se sente, au fond de lui, héritier de la chrétienté ». Confondant « l’identité nationale » avec « les cathédrales, les clochers d’église », il a décrété  : « Être français est un honneur, il nous appartient à tous de le mériter. » Paraphrase limpide d’un slogan du FN."

mardi 17 novembre 2009

Jour 922

Milipol

Le Figaro, 16 novembre 2009 :

"Le Figaro dresse le portrait-robot du policier de demain. Loin de la science-fiction puisque ces équipements devraient se développer dans les toutes prochaines années. [...] Lancé il y a deux ans, un programme de minidrones commence à trouver des applications opérationnelles.» Ainsi, l'aéronef de poche Elsa à aile fixe peut venir en appui pour n'importe quelle mission de renseignement : maniable, projetable à deux kilomètres de son point d'envol, il est truffé de caméras à grande focale, fonctionnant de jour comme de nuit. Un drone quadricoptère miniature de la taille d'une boîte à chaussures complète l'attirail : léger et lui aussi silencieux, ce mouchard du ciel est capable d'espionner en vol stationnaire. [...] «Face à la radicalisation croissante de certaines franges de la population contre la police, tout est fait pour mieux protéger nos hommes», martèle-t-on à la Direction générale de la police nationale (DGPN). Doté d'un casque durci dont la visière est plus résistante, le policier va porter des lunettes ergonomiques résistant aux plombs de chasse, comme ceux qui avaient été tirés à Villiers-le-Bel. Au besoin, un curieux bouclier souple, plus maniable, le placera à l'abris des balles tandis que de nouveaux gilets sont censés résister à la plupart des calibres en circulation. Grâce aux dernières évolutions de l'industrie des textiles, les tissus des tenues, plus résistants, protégeront contre les armes blanches. Pour compléter leur arsenal, des centaines de «lanceurs de 40 mm» vont être distribués : jaune et noire, cette arme non létale fera mouche à 50 mètres, c'est-à-dire au-delà du jet de pavé ou de cocktail Molotov. Pour l'heure, le flash-ball n'est précis qu'à quinze mètres… Alimenté par une multitude de munitions, le «LDB 40» pourra marquer à la peinture indélébile des manifestants violents pour mieux les appréhender. Ou les affaiblir grâce à la dernière trouvaille antiémeute, une munition incapacitante à base de poivre de Cayenne appelé à remplacer le lacrymogène."

lundi 16 novembre 2009

Jour 921

Réfléchissez

Syndicat de la Magistrature, le 12 novembre 2009 :

"Explosion des procédures pour outrage, inflation des poursuites pour refus de prélèvement ADN, multiplication des pressions hiérarchiques dans les fonctions publiques, arrestations aléatoires de manifestants, invention de la « mouvance anarcho-autonome » présumée « terroriste », pressions anti-syndicales, stigmatisation de la jeunesse, intimidation policière de bénévoles qui viennent en aide aux sans-papiers et aux sans-logis…

La liste des tentatives visant à décourager l’engagement militant et l’expression critique ne cesse de s’allonger.

Tout se passe comme si, dans un contexte de durcissement du climat social, le gouvernement et ses relais plus ou moins zélés voulaient faire taire toute contestation, qu’elle émane des animateurs du mouvement social (syndicalistes, étudiants, militants associatifs et politiques) ou, plus largement, des citoyens qui refusent la dénaturation de leurs métiers et la destruction du lien social.

Loin d’être un épiphénomène, il s’agit d’une tendance lourde en phase avec la régression sécuritaire en cours. Face au démantèlement de l’Etat social et au renforcement de l’Etat pénal, un front du refus se fait jour, divers dans ses manifestations, mais nourri du sentiment commun que nos fondamentaux démocratiques sont en danger. C’est l’exercice même de la liberté d’expression de ce refus qui est aujourd’hui remis en cause, voire sanctionné.

Dans ce contexte, la justice pénale est largement instrumentalisée, comme l’illustrent, dans des registres divers, les poursuites initiées contre le DAL pour « dépôt d’objets sur la voie publique » (à savoir des tentes abritant des êtres humains…), les sévères condamnations frappant des syndicalistes en lutte (président de l’USTKE en Nouvelle-Calédonie, ouvriers de l’usine CONTINENTAL à Clairoix…), ou encore l’invention programmée d’un délit anti-bandes qui, au bénéfice d’une définition particulièrement floue, ferait peser une lourde menace sur le droit de manifester.

Mais d’autres formes d’intimidation existent, en particulier dans le cadre professionnel où les sanctions disciplinaires et para-disciplinaires sont parfois utilisées pour censurer les manifestations critiques, qu’elles soient syndicales ou non.

Fidèle à ses principes fondateurs, le Collectif Liberté Egalité Justice (CLEJ), qui rassemble de nombreuses organisations syndicales, associatives, politiques et citoyennes, entend exercer une veille active pour recenser, analyser, faire connaître, dénoncer et combattre toutes les formes d’atteintes aux initiatives de résistance démocratique."

dimanche 15 novembre 2009

Jours 919 & 920

Le meilleur des monstres

La Ligue des Droits de l'Homme, le 13 novembre 2009 :

"Imaginons un pays démocratique où l’institution judiciaire subit, en moins de 10 ans, environ 23 réformes (d’ampleur variable), et où une 24e réforme, bouleversant la procédure pénale se profile. Imaginons que dans ce même pays, les deux syndicats de magistrats soient vent debout contre le gouvernement, les avocats en rébellion, les personnels découragés. Imaginons que la Cour Européenne des droits de l’Homme considère que les magistrats du Parquet de ce pays ne méritent pas cette qualification car trop liés au pouvoir exécutif, lequel d’ailleurs ne se cache nullement pour donner les instructions qui lui plaisent et procéder aux nominations qui lui conviennent. Imaginons que ce pays, parmi les plus riches de la planète, ait un budget de la Justice si réduit qu’il se situe au 27e rang des pays membres de l’Union Européenne. Imaginons que les organes de contrôle européens comme les parlementaires de ce pays ne cessent, année après année, de dénoncer l’état scandaleux des prisons de ce pays et l’enfermement comme seule solution. Imaginons une opinion publique partagée entre un besoin sans cesse croissant de trouver « un responsable » à tout et un manque de confiance avéré dans l’institution judiciaire : Ce pays existe, c’est la France."

vendredi 13 novembre 2009

Jour 918

Ils récidivent

Le Syndicat de la Magistrature, le 12 novembre 2009 :

"L’Assemblée nationale s’apprête à examiner, les 17 et 18 novembre prochain, le projet de loi tendant à « amoindrir le risque de récidive criminelle ».

Initialement inspiré du rapport du premier président de la Cour de cassation, ce projet a été totalement remanié après l’arrestation de l’agresseur de Marie-Christine Hodeau.

Examiné désormais en urgence, ce projet de loi se présente sous une forme très technique et apparaît donc quasiment illisible pour ceux qui ne sont pas au fait de la législation pénale en matière d’exécution des peines.

Pourtant, ce texte comporte des dispositions tellement attentatoires à nos principes démocratiques qu’il exige un vrai débat public.

Quatrième loi sur la récidive en à peine 4 ans, ce projet s’inscrit dans une surenchère répressive qui emprunte aux nostalgiques de la peine de mort leur philosophie obscurantiste et repose sur le postulat que le délinquant restera, quoiqu’il advienne, un « homme dangereux » qu’il faut donc surveiller et contraindre sa vie durant.

Peu importe que cette doctrine ait déjà démontré son inefficacité en terme de lutte contre la délinquance – laquelle, selon les statistiques officielles, ne cesse d’augmenter ces dernières années malgré un dispositif répressif sans égal - il s’agit de poursuivre une politique aveugle qui réduit le délinquant à son acte et lui conteste toute capacité réelle d’évolution.

Peu importe que la notion même de dangerosité ne soit pas réellement définie et puisse donc être l’objet de tous les arbitraires, il s’agit, en son nom, de restreindre le champ des libertés pour s’inscrire dans une logique de sûreté et donc de méfiance généralisée envers tous ceux qui, un jour, ont enfreint la loi.

A peine votée, la loi sur la rétention de sûreté de février 2008 est ainsi élargie puisque le seuil permettant d’y recourir est abaissé.

Le projet prévoit également de généraliser le recours à la « castration chimique », y compris pour les condamnés qui n’ont jamais commis d’infraction sexuelle ! Il foule aux pieds le secret médical, pierre angulaire de la relation de soins, en prévoyant pour le médecin traitant une obligation de dénonciation au juge.

Dans une démarche de défiance vis à vis du juge, les concepteurs du texte n’hésitent pas à accorder au parquet des pouvoirs exorbitants comme celui de délivrer des mandats en lieu et place du juge qui n’aurait pas juger utile d’y recourir.

Un condamné pourra également être retenu « le temps nécessaire », sans statut et sans droits, lorsqu’il n’aura pas respecté une mesure de surveillance de sûreté.

Les mesures de surveillance sont multipliées sans limite et sans fondement puisque l’on va jusqu’à prévoir, après une libération conditionnelle réussie, la possibilité de placer sous surveillance de sûreté et donc possiblement en rétention de sûreté, un individu réinséré...

On balaie en somme d’importants principes de l’Etat de droit au nom d’une « guerre » contre la dangerosité dont personne n’est en réalité capable de définir les contours.

Mais, le texte ne s’arrête pas là. Poursuivant dans cette idéologie de la méfiance, il resserre l’étau contre tous ceux qui ont eu un jour affaire à la justice. Il prévoit ainsi de soumettre au prélèvement génétique(,) les personnes dispensées de peine par le tribunal. Grâce au vieil adage selon lequel il n’y a (a) pas de fumée sans feu, il s’agit doncd’étendre inconsidérement le fichage : le fait de comparaître une fois en justice pour des faits si mineurs qu’ils n’entraînent pas de condamnation serait malgré tout l’indice d’une dangerosité à de surveiller…

En démocratie, la fin justifie-t-elle les moyens ? Est-on prêt à tant de sacrifices pour nos libertés au nom d’une lutte contre la récidive qui sera de toute façon illusoire tant la prévention ne peut se résumer à la surveillance et au contrôle médical ?

Croit-on vraiment que c’est par un simple traitement de « castration chimique » que l’on combattra la délinquance sexuelle ?

Le courage politique consisterait à admettre qu’en matière de réadaptation il n’existe pas de réponse miracle, que la peine doit avoir un terme pour permettre au condamné réinséré de ne plus être systématiquement ramené à son acte, que la lutte contre la récidive dépend avant tout des moyens donnés en milieu ouvert comme en prison pour permettre une prise en charge éducative, sociale et éventuellement médicale, utile à l’individu comme à la société.

De ce débat pourtant essentiel, il ne sera évidemment pas question. La frénésie sécuritaire emporte tout sur son passage et notamment notre capacité à penser sereinement. Dans l’esprit de nos gouvernants, il faut « surveiller et punir » en instrumentalisant la souffrance des victimes.

Cet engrenage infernal est sans fin. Parions que le prochain fait divers constituera une nouvelle occasion pour durcir le dispositif. La prédictivité de la dangerosité étant impossible, c’est finalement toute la population qu’il faudra surveiller et contrôler. Nos gouvernants ne rêvent-ils pas d’une société où la vidéo surveillance serait généralisée afin d’épier chacun et éviter un potentiel passage à l’acte, où le prélèvement ADN se ferait à la naissance pour être certains d’avoir dès l’origine fiché le délinquant à venir, où nos moindre faits et gestes seraient répertoriés dans un fichier ad hoc ?

Le Syndicat de la magistrature dénonce cette société orwelienne que l’on nous prépare. Il s’insurge contre ce nouveau projet de loi qui, au prétexte de lutter contre la récidive, tourne le dos à l’humanité au profit d’une croyance dans le « criminel né » qui a tant inspiré l’idéologie fasciste.

Il appelle tous les démocrates à engager le débat et à s’opposer à ce cauchemar obscurantiste."

jeudi 12 novembre 2009

Jour 917

Pas de l'oie

Ligue des Droits de l'Homme, le 12 novembre 2009 :

"Selon le député Eric Raoult, le ministre de la Culture devrait rappeler la romancière Marie Ndiaye à son « devoir de réserve » parce qu’elle aurait tenu des propos « peu respectueux […] à l’égard du chef de l’Etat », alors qu’ayant reçu le prix Goncourt elle « défend les couleurs littéraires de la France ». Si la Ligue des droits de l’Homme vient de lancer une campagne intitulée « Urgence pour les libertés, urgence pour les droits », c’est qu’elle se rappelle le temps où les amis de monsieur Raoult qualifiaient l’ORTF de « voix de la France » pour soumettre à la censure du ministre de l’Information les journalistes qui y travaillaient. Il fait encore mieux aujourd’hui : ce sont maintenant les écrivains qui doivent marcher au pas et témoigner leur « respect » au « chef de l’Etat ». Avant que le New York Times ne soit tenté par un nouveau parallèle entre la France et le Gabon, rappelons à ce député amateur de marche au pas la réaction du général De Gaulle aux démangeaisons répressives d’un ministre de l’Intérieur : « On ne poursuit pas Jean-Paul Sartre ». C’était l’époque, il est vrai, où les poursuites pour « outrage au président de la République » étaient bien moins nombreuses qu’aujourd’hui : en République, le respect ne se commande pas, il se mérite."

mercredi 11 novembre 2009

Jour 916

Hadopipi de chat

Article du Telegraph, le 19 septembre 2009 :

"A five-year research programme, called Project Indect, aims to develop computer programmes which act as "agents" to monitor and process information from web sites, discussion forums, file servers, peer-to-peer networks and even individual computers. Its main objectives include the "automatic detection of threats and abnormal behaviour or violence". Project Indect, which received nearly £10 million in funding from the European Union, involves the Police Service of Northern Ireland (PSNI) and computer scientists at York University, in addition to colleagues in nine other European countries. [...] A separate EU-funded research project, called Adabts – the Automatic Detection of Abnormal Behaviour and Threats in crowded Spaces – has received nearly £3 million. Its is based in Sweden but partners include the UK Home Office and BAE Systems. It is seeking to develop models of "suspicious behaviour" so these can be automatically detected using CCTV and other surveillance methods. The system would analyse the pitch of people's voices, the way their bodies move and track individuals within crowds." (mon emphase)

mardi 10 novembre 2009

Jour 915

Lobbying encore

Communiqué de Presse du Réseau Environnement Santé, le 4 novembre 2009 :

"La révélation des liens étroits entre le Professeur Bruno Lina, le Groupe d’Expertise et d’Information sur la Grippe (GEIG), le Comité de lutte contre la grippe et l’industrie pharmaceutique est une illustration supplémentaire de la nécessité d’assainir la situation de l’expertise en France. Qu’un groupe financé à 100 % par les producteurs de vaccins serve de conseiller à la Ministre de la Santé est une incongruité qui devrait cesser, voire même être sanctionnée. La stratégie du Ministère repose depuis le début sur l’hypothèse d’une épidémie touchant 30 % de la population et responsable de 0,4 % de décès (soit 250 000 morts). Il est stupéfiant que ce scénario puisse constituer encore aujourd’hui le scénario de référence alors même que le bilan de la grippe A dans l’hémisphère Sud montre que son impact est de loin inférieur à celui de la grippe saisonnière. [...] Ce grave dysfonctionnement de l’expertise publique montre la nécessité de développer la capacité d’expertise dans les organismes de recherche publique en France et de rompre avec la logique d’une recherche publique de plus en plus mise au service des intérêts privés."

lundi 9 novembre 2009

Jour 914

1984 redux

Le Figaro, le 9 novembre 2009 :

"Le chef de l'Etat a utilisé dimanche le site de socialisation pour partager ses souvenirs de la chute du Mur. Problème : certaines contradictions mettent en doute son témoigagne. [...] Problème : le témoignage du chef de l'Etat présente plusieurs contradictions. D'abord, personne - à Paris comme à Berlin - ne semblait, le matin du 9 novembre, prédire une chute rapide du mur. Ensuite, fait remarquer un journaliste de Libération, aucun rassemblement ne s'est produit à l'ouest du mur le 9 novembre. Enfin, plusieurs documents tendent à mettre en doute la présence d'Alain Juppé à Berlin le 9 novembre. Même si l'ancien premier ministre affirme sur le site de la mairie de Bordeaux qu'il se trouvait bien dans la capitale allemande le jour où les poste-frontières ont levé les barrières, il indique dans un autre témoignage, diffusé sur TV5, qu'il y est arrivé «le 10 ou le 11». Et à en croire une bibliographie de l'édile bordelais, «Le Joker», ce n'est que le 16 novembre, avec François Léotard et Alain Madelin, qu'Alain Juppé s'est rendu à Berlin."

dimanche 8 novembre 2009

Jours 912 & 913

Touche pas à népote

Le Figaro, 8 novembre 2009 :

"Même si l'Elysée dément tout «traitement de faveur», c'est une intervention qui devrait de nouveau faire grincer des dents. Quelques jours après «l'affaire Jean Sarkozy», c'est au tour d'un autre fils du chef de l'Etat, Pierre Sarkozy, de se voir reprocher un coup de pouce de la présidence [...] Associé d'une société de production musicale, l'aîné des fils Sarkozy se serait récemment plaint auprès de l'Elysée, après avoir essuyé un refus d'aide financière de la part de la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP), évaluée à un peu moins de 10.000 euros. Un conseiller du président aurait alors contacté la SCPP, dans le cadre d'une «simple demande d'information», affirme l'Elysée."

vendredi 6 novembre 2009

jeudi 5 novembre 2009

Jour 910

Brice a du mal avec les chiffres

Libération, le 4 novembre 2009 :

"Des couvre-feux pour les délinquants de moins de 13 ans. C'est «l'idée» lancée hier soir par le ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux, qui l'étaye d'un argument récurrent à droite: la délinquance des mineurs ne cesserait d'augmenter. [...] la part des mineurs dans le total des mis en cause (mineurs et majeurs confondus) n'a pas augmenté de 5% en un an, loin s'en faut. En fait, elle diminue: de 0,31 % en 2008 par rapport à 2007 (passant de 18,04% à 17,73% des mis en cause). Un chiffre quasi-stable depuis 2004, et globalement en baisse sur dix ans puisqu'on enregistrait 22% en 1998 et près de 20% en 2002. [...] le nombre de moins de 13 ans pour lesquels le juge des enfants a été saisi pour faits de délinquance est plutôt à la baisse: 3092 en 2002, 3644 en 2004, 3397 en 2006. Le nombre de moins de 13 ans condamnés pour crimes sur la même période est aussi en baisse. [...] En tout état de cause, la délinquance des moins de 13 ans reste un phénomène marginal: en 2007, les mineurs de moins de 13 ans condamnés ne représentaient que 0,28% de l'ensemble des condamnés."

mercredi 4 novembre 2009

mardi 3 novembre 2009

Jour 908

75% des apocalypses sont nucléaires

Le Monde, 3 novembre 2009 :

"Dans une déclaration commune, les autorités de sûreté nucléaire britannique, française et finlandaise ont émis, lundi, des réserves sur les systèmes de sûreté des réacteurs nucléaires EPR, demandant aux exploitants et au fabricant "d'améliorer la conception initiale de l'EPR". [...] La critique porte sur la trop grande interconnexion entre deux systèmes de contrôle, supposés être indépendants, l'un faisant fonctionner le réacteur et l'autre assurant sa sécurité. "L'indépendance de ces systèmes est importante. En effet, si un système de sûreté est appelé à servir en cas de perte d'un système de contrôle, alors ces deux systèmes ne doivent pas faillir simultanément", soulignent lundi les autorités de sûreté du nucléaire française (ASN), britannique (HSE/ND) et finlandaise (STUK)."

lundi 2 novembre 2009

Jour 907

Manque d'instruction

Le Syndicat de la Magistrature, le 29 octobre 2009, long, mais très instructif :

Le parquet n’étouffe pas les affaires. » Jean-Claude MARIN, procureur de la République de Paris le 10 novembre 2005

« Il serait erroné de conclure de la hiérarchie réelle et indispensable du parquet que ses décisions sont nécessairement celles de la hiérarchie. Dans les sociétés modernes, le propre du chef est d’aider à l’émergence des bonnes décisions, en favorisant le dialogue et l’échange. Il n’est bien sûr pas question d’imposer d’en haut des décisions toutes faites. Cela ne fonctionnerait pas. » Laurent LE MESLE, procureur général de Paris Le 9 janvier 2009

« Enterrer des affaires, je ne vois pas pourquoi, et je ne vois pas surtout comment. » Michèle ALLIOT-MARIE, garde des sceaux Le 5 juillet 2009

« Croyez-vous que, aujourd’hui, on puisse arrêter une affaire sensible ? C’est impossible et c’est heureux. » Nicolas SARKOZY, président de la République Le 8 juillet 2009

« Je remarque que, dans le passé, même s’il y a eu des tentatives de bloquer certaines enquêtes, elles n’ont jamais atteint leur but puisque les médias s’en sont saisis. » Rachida DATI, député européen Le 29 août 2009

« La nature ainsi que la structure du parquet donnent aux magistrats la possibilité d’agir selon les principes de hiérarchisation interne, d’indivisibilité et d’indépendance. » Rapport dit du « comité Léger » Le 1er septembre 2009

Mesdames et Messieurs les représentants du pouvoir exécutif, Messieurs les hauts procureurs,

Par vos déclarations angéliques tout entières au service d’un projet politique d’asservissement de la justice, vous contribuez, avec l’autorité qui est la vôtre, à mystifier le peuple français. Vous n’hésitez pas, alors que se joue le destin d’une institution, le juge d’instruction - qui, malgré ses défauts, dont nous étions prêts à discuter, présentait l’immense avantage d’une certaine indépendance - à fausser les termes d’un débat essentiel en affectant de croire que le ministère public, qui vous est tout acquis, pourra mener toutes les enquêtes avec la même indépendance que le juge que vous entendez supprimer.

Vous avez une conscience aiguë, aux fonctions qui sont les vôtres, de la duplicité de votre discours. Vous percevez parfaitement l’un des enjeux principaux de votre réforme, qui est d’anéantir l’une des principales garanties du système pénal actuel, et de contrôler sans réserve toute la justice, alors même que vous savez que son indépendance a été pensée au bénéfice du peuple et non à celui de ses juges.

Le droit comparé vous enseigne que le parquet français est celui dont le rapport entre l’étendue de ses pouvoirs et la précarité de son statut est le moins porteur de garanties pour le justiciable. La Cour européenne des droits de l’Homme vous l’a clairement dit : le ministère public ne présente pas les caractéristiques d’une autorité judiciaire parce qu’il n’est pas indépendant du pouvoir exécutif. Qu’à cela ne tienne : vous renforcez encore son pouvoir sans changer son statut.

Nous n’ignorons pas plus que vous les objectifs de votre discours, parce que nous travaillons chaque jour dans vos parquets, ou à côté, comme juges du siège, mais également au ministère de la justice, où se décide chaque jour le sort des affaires que vous appelez « sensibles ». Nous savons qu’il s’agit pour vous de garder le contrôle absolu de ces affaires, quelles qu’en soit le coût pour la démocratie.

Aujourd’hui, afin que chacun puisse se faire une opinion qui ne soit pas faussée par votre propagande, nous rappelons les faits qui confortent nos inquiétudes et que vous ne sauriez honnêtement contredire : tel qu’il est conçu et tel qu’il fonctionne, le parquet français n’offre pas les garanties minimales d’indépendance et d’impartialité qui vous permettraient de lui confier la direction de toutes les enquêtes.

Meaux, avril 2004. Un juge d’instruction, saisi deux ans plus tôt pour crimes contre l’humanité dans l’affaire dite des « disparus du Beach », a réuni suffisamment d’éléments pour penser que Jean-François N’DENGUE, le chef de la police congolaise à l’époque des faits, a participé aux crimes sur lesquels il enquête. Celui-ci est interpellé le 1er avril 2004, déféré le lendemain, mis en examen et placé en détention provisoire, eu égard aux risques évidents de fuite, aux risques de concertation et à la gravité des faits. De manière surprenante au regard des pratiques quotidiennes des parquets, le ministère public n’a pas requis cette incarcération. Comme la défense de Jean-François N’DENGUE, le parquet fera appel du placement en détention, de façon complètement inaccoutumée. Plus grave, avec une diligence extraordinaire, le parquet général réussira à faire juger cet appel à deux heures du matin, dans la nuit du 2 au 3 avril 2004, réunissant en catimini un greffier et trois magistrats. Est-ce une survivance de la Françafrique ?

Basse Terre, depuis 2006 : des plaintes sont déposées par plusieurs associations pour « administration de substances nuisibles », s’agissant de l’utilisation, postérieurement à son interdiction en 1993, du chlordécone, un pesticide destiné à éradiquer un parasite des bananiers, dont l’utilisation a provoqué la mort de nombreuses personnes. Stratégie du parquet devant cette affaire de santé publique qui, aux Antilles, a traumatisé la population : contester, jusque devant la Cour de cassation, la recevabilité à agir des parties civiles, afin de faire annuler l’ensemble du dossier. Il est vrai que ce dossier a été ouvert sur constitution de partie civile en 2006, devant l’inertie du ministère public. Bien sûr, la Cour de Cassation a donné tort au parquet, et l’enquête a pu se poursuivre, délocalisée au pôle de santé publique de Paris. Détail : les possibles mis en cause dans cette affaire sont de riches industriels, tout l’opposé, en somme, des victimes…

Paris, tribunal aux armées, 6 février 2006 : par ordonnance, la juge d’instruction de ce tribunal estime recevables quatre plaintes accusant l’armée française, lors de l’opération Turquoise, de complicité de génocide au RWANDA en 1994. Ce faisant, elle s’oppose frontalement au parquet qui a pris des réquisitions contraires et qui, fait assez rare, décide de faire appel de cette décision sur la recevabilité. Le 29 mai 2006, malgré des réquisitions contraires, la chambre de l’instruction devait définitivement valider ces plaintes. Le parquet avait déjà tout fait pour ne pas enquêter sur cette affaire : saisi des plaintes avec constitution de partie civile, il avait, là encore de façon inaccoutumée, refusé d’ouvrir une information judiciaire, au prétexte que les plaintes n’étaient pas suffisamment étayées – alors que justement, l’objet de l’information judiciaire aurait été d’étayer ces plaintes ! Question : les conséquences politiques prévisibles d’une telle affaire sont-elles dénuées de tout lien avec l’abdication par le parquet dans ce dossier de son rôle d’autorité de poursuite ?

Paris, octobre 2006, affaire BORREL. Sophie CLEMENT, la juge qui instruit ce dossier, recueille des indices graves ou concordants contre deux ressortissants de Djibouti, soupçonnés d’avoir participé à l’assassinat du juge Bernard BORREL. Comme ces deux individus sont en fuite, elle demande au parquet de PARIS de se prononcer sur la délivrance de mandats d’arrêt. Le parquet répond que cette délivrance est prématurée, alors que le crime date d’octobre 1996, et que l’ADN de l’un de ces individus a été retrouvé sur le vêtement du défunt ! Maître MORICE, l’avocat de la veuve BORREL, évoque une « obstruction systématique du parquet dans la recherche de la vérité ». II est vrai que dans une affaire connexe de subornation de témoins, le parquet général de VERSAILLES s’était déjà opposé à la délivrance de deux mandats d’arrêt contre le Procureur et le chef des services secrets de Djibouti, sans, bien sûr, être suivi par la chambre de l’instruction, qui avait confirmé la délivrance de ces mandats. A partir de mai 2007, toujours extrêmement « indépendant » de l’exécutif, qui soutient désormais la thèse de l’assassinat, le procureur de Paris prend un communiqué dans lequel il explique pourquoi il fait sienne la thèse criminelle.

Créteil, juin 2007. Des écoutes téléphoniques laissent penser que Christian PONCELET, alors président du Sénat, pourrait être intervenu pour obtenir des marchés publics en faveur d’un homme d’affaires, moyennant finances. Ces écoutes sont transmises au parquet de Paris, qui décide prudemment de ne pas ouvrir d’information judiciaire. Ce n’est que près de deux ans plus tard, en mars 2009, alors qu’il avait quitté ses hautes fonctions depuis plusieurs mois, que Christian PONCELET sera entendu, hors garde à vue, par la police. La décision de ne pas saisir un juge d’instruction, et le train de sénateur pris par l’enquête, n’ont évidemment rien à voir avec quelque mansuétude que ce soit pour un homme alors au pouvoir.

Versailles, octobre 2007 : après avoir terminé d’instruire l’affaire dite « de la fondation Hamon », dans laquelle Charles PASQUA, André SANTINI et une quinzaine de personnes étaient mis en examen pour détournement de fonds publics et prise illégale d’intérêt, la juge d’instruction communique le dossier au parquet pour règlement. Un an plus tard, c’est-à-dire quatre fois le délai légal et nonobstant le caractère sensible du dossier (André SANTINI étant par ailleurs secrétaire d’Etat), le parquet adresse au juge un réquisitoire supplétif. Mais comme la juge d’instruction estime avoir suffisamment d’éléments, elle refuse de reprendre ses investigations, qui ne lui paraissent pas de nature à faire avancer la vérité, mais plutôt à retarder le dossier. Le procureur de la République fait alors appel de son ordonnance, soutenu par le procureur général. Le 20 mars 2009, la chambre de l’instruction ordonne le supplément d’information. La belle constance du parquet et de la chambre de l’instruction à vouloir faire perdre encore plusieurs mois à une affaire déjà vieille de six ans, afin d’affûter les charges contre un secrétaire d’Etat et un ancien ministre, ne peut que susciter l’admiration.

Paris, octobre 2007 : Le casino « indépendant » de Gujan-Mestras, en Gironde a déposé plainte avec constitution de partie civile en mars 2007 pour favoritisme. Il soupçonne le ministère de l’intérieur d’avoir protégé les intérêts financiers des grands groupes que sont Partouche et Barrière, à son détriment. Ce « petit casino » a en effet obtenu devant les juridictions administratives plusieurs annulations de décisions en défaveur du ministère de l’intérieur, relatives à l’exploitation de machines à sous supplémentaires. La gérante du casino avait peu d’espoir de voir sa plainte aboutir. Agacée, elle dépose en octobre 2007 une autre plainte pour extorsions contre Bernard LAPORTE, très en cour à Paris, qui s’était vanté de pouvoir lui obtenir, moyennant finances, la précieuse autorisation. Il s’agissait, d’après lui, d’une « plaisanterie ». Elle n’a pas été déçue : le 7 mars 2008, le parquet de Paris classe purement et simplement cette plainte. S’agissant du premier dossier, le procureur de la République demande à la doyenne Françoise NEHER de déclarer la plainte irrecevable, ce que celle-ci refuse de faire. Appel du parquet. Le 11 avril 2008, malgré les réquisitions contraires du procureur général, la chambre de l’instruction confirme que la plainte est recevable et que l’affaire doit être instruite. Le procureur de Paris a eu raison de se méfier : le 17 septembre 2008, la juge d’instruction Françoise DESSET a fait une perquisition place Beauvau…

Nanterre, février 2008. Le juge d’instruction qui enquête sur les emplois fictifs de la ville de Paris souhaite se dessaisir de son dossier au profit d’une juge d’instruction parisienne qui enquête sur l’affaire dite des « chargés de mission » de la même ville. Problème : cette dernière a mis, dans ce dossier, Jacques CHIRAC en examen au mois de novembre précédent, et elle ne fait pas partie des juges qui se laissent impressionner. Dans un bel élan de solidarité avec la défense, le parquet de Nanterre s’oppose - fait rarissime - au dessaisissement. Le juge ne suit pas ses réquisitions, et le parquet fait appel de l’ordonnance – cas sans doute unique dans l’histoire judiciaire française. La Cour d’appel confirme le dessaisissement : le parquet général se pourvoit en cassation et obtiendra enfin gain de cause… Il n’en demeure pas moins qu’en s’opposant à la jonction, le procureur de Nanterre et le procureur générale de Versailles ont été salués par Maître VEIL, l’avocat de Jacques CHIRAC. En effet, celui-ci ne pouvait pas juridiquement faire appel de l’ordonnance de dessaisissement : heureusement que le ministère public veillait.

Paris, 12 février 2008. Deux juges d’instruction, en charge de l’affaire dite des faux électeurs du cinquième arrondissement, renvoient notamment Jean et Xavière TIBERI devant le tribunal correctionnel. Depuis avril 2006, ces magistrats attendaient les réquisitions du parquet qui ne sont jamais venues. Furieux de ce renvoi, le procureur de la République Jean-Claude MARIN n’a pas hésité à dénoncer avec un aplomb incroyable « une immixtion des juges dans la campagne électorale. Je note que les juges auraient pu renvoyer Jean TIBERI plus tôt, pourquoi ne l’ont-ils pas fait ? ». Ce magistrat oubliait de dire que, le 23 novembre 2007, les juges d’instruction lui avaient signifié qu’ils rendraient leur ordonnance sans les réquisitions si celles-ci n’arrivaient pas. Il serait évidemment excessif d’analyser l’étonnante lenteur du parquet comme une volonté de faire traîner encore un peu plus une procédure ouverte depuis plus de dix ans…

Créteil, janvier 2009 : le tribunal correctionnel condamne quatre policiers à huit mois d’emprisonnement avec sursis pour des violences aggravées, condamnation dont ils font appel. Le parquet n’avait pourtant pas épargné ses efforts pour éviter que cette affaire arrive entre les mains du tribunal, requérant deux non-lieux pendant l’instruction, et ne demandant pas de peine lors de l’audience. Cette affaire ne susciterait aucun commentaire s’il n’était observé que le parquet ne manifeste pas une telle mansuétude dans les affaires quotidiennes de violences.

Créteil, avril 2009 : le procureur de la République requiert un non-lieu au bénéfice de René DAHAN. Le 27 octobre 2006, ce commerçant et sa femme sont agressés chez eux par trois individus. Au terme d’une bagarre, René DAHAN se saisit de l’arme d’un des agresseurs, provoquant leur fuite. Il tire trois balles dans de dos de l’un d’eux qui meurt. René DAHAN est mis en examen pour meurtre et placé quelques jours en détention provisoire à la demande du parquet. Nicolas SARKOZY, alors ministre de l’intérieur, écrit un courrier au ministère de la justice, pour s’offusquer de cette détention : « cette affaire suscite une émotion considérable parmi nos concitoyens, qui ont du mal à admettre qu’un honnête homme, agressé chez lui, menacé de mort avec une arme soit en retour mis en examen et placé en détention provisoire ». Durant la première partie de l’information judiciaire, c’est-à-dire avant les propos de Nicolas SARKOZY, le parquet avait réfuté la thèse de la légitime défense. Mais, bien sûr, analyser les réquisitions de non-lieu, inhabituellement signées par le procureur de la République en personne, comme un gage donné aux plus hautes autorités de l’Etat relève de la plus insigne mauvaise foi.

Paris, 7 mai 2009 : le parquet fait appel de l’ordonnance de recevabilité des plaintes avec constitution de partie civile déposées contre des chefs d’état africains pour recel et complicité de détournements de biens publics et privés. Pourtant, au moment des dépôts de plaintes simples en mars 2007, le parquet les avait jugées parfaitement recevables, puisqu’une enquête avait été diligentée, classée en novembre 2007 pour cause « d’infraction insuffisamment caractérisée ». C’est donc des plaintes avec constitution de partie civile que les associations Transparence Internationale, Sherpa, ainsi qu’un citoyen gabonais étaient contraints de déposer en décembre 2008, plaintes déclarées recevables le 5 mai 2009 par la doyenne des juges d’instruction. Le 17 septembre 2009, la chambre de l’instruction a examiné la recevabilité de ces plaintes et le représentant du parquet général a requis avec un aplomb assez remarquable leur irrecevabilité. Il a en effet soutenu que cette affaire relevait de l’intérêt général, dont seul le ministère public pouvait assurer la défense. Or, justement, le ministère public avait décidé de ne pas agir dans ce dossier. Ou comment préserver les relations avec nos amis chefs d’Etats africains…

Rennes, 9 mai 2009 : une motarde, qui circule sur une bretelle d’autoroute entre Rennes et Lorient, est dangereusement doublée par un gros 4X4 qui s’amusait à la coller au point d’avoir touché le coffre arrière de la motocyclette. Le véhicule prend la fuite et, d’après la plaignante, ses occupants lui font un bras d’honneur. Elle parvient à relever le numéro d’immatriculation et dépose plainte. La police effectue alors ses recherches et comprend qu’il s’agit d’un véhicule appartenant au premier ministre François FILLON, et que le conducteur n’était autre qu’un de ses fils. Celui-ci a été convoqué pour un… rappel à la loi. La lutte contre l’insécurité routière, priorité affichée du gouvernement, trouve parfois des limites.

Paris, juin 2009 : Qui a commandité l’attentat de Karachi le 8 mai 2002, dans lequel quatorze personnes dont onze français ont trouvé la mort ? Al Qaïda comme l’enquête s’acharne à le démontrer ? Cet attentat n’est-il pas au contraire le résultat de représailles à la suite de l’arrêt en 1995 du versement de commissions au Pakistan dans la foulée de contrats de livraison de sous-marins, commissions ayant pu générer des rétro-commissions ayant servi à financer la campagne électorale d’Edouard BALLADUR en 1995 ? Ce qui est certain en revanche, c’est que plusieurs éléments qui militaient en ce sens, parvenus à la connaissance du parquet, n’ont pas été joints au dossier des magistrats instructeurs. Quoi qu’il en soit, le chef de l’Etat, qui avait un rôle essentiel dans la campagne d’Edouard BALLADUR en 1995, a qualifié cette hypothèse de « fable ». Le parquet de Paris lui a immédiatement emboîté le pas en publiant un communiqué pour affirmer qu’aucun « élément objectif » ne reliait l’attentat à un contentieux franco-pakistanais.

Paris, juillet 2009 : révélations sur l’affaire dite des moines de Tibéhirine. En 1996, sept moines français sont exécutés en Algérie. A l’époque, le drame est attribué aux Groupes Islamistes Armés. Aucune enquête n’aura lieu, contrairement à la pratique la plus systématique lorsqu’un ressortissant français meurt à l’étranger de mort violente. En juillet 2009, un témoignage vient conforter une thèse qui affleurait déjà dans le dossier : ces assassinats pourraient résulter d’une « erreur » de l’armée ou des services secrets algériens. Alain MARSAUD, ancien juge d’instruction antiterroriste et ancien député UMP, affirme : « c’est une affaire qui a été enterrée volontairement ». Il rappelle qu’en 1996, il avait reçu des informations essentielles mettant en cause l’Etat algérien dans ce dossier. Il s’en était ouvert à Jacques TOUBON, alors garde des sceaux, qui lui avait dit qu’il « n’était pas question d’ouvrir une information judiciaire ». Effectivement, l’information judiciaire ne sera pas ouverte avant… 2004, soient huit ans après les faits. Ce qui n’empêche pas aujourd’hui certains d’affirmer que le parquet peut, à sa guise, ouvrir des informations judiciaires et que le garde des sceaux n’a absolument pas le pouvoir de s’y opposer.

Ajaccio, 31 juillet 2009 : le juge d’instruction Jean-Bastien RISSON renvoie devant le tribunal correctionnel plusieurs individus pour des vols de yachts de luxe. Parmi ces mis en examen, Imad et Moez TRABELSI, neveux du président tunisien BEN ALI. Le parquet décide alors de ne pas convoquer à l’audience les deux neveux, décidant de disjoindre leur sort, et assurant qu’il seront « jugés rapidement en Tunisie ». Le 30 septembre 2009, le tribunal a donc condamné les seconds couteaux, mais pas les frères TRABELSI. Cette attitude incroyable du parquet, en totale contradiction avec l’ordonnance du juge d’instruction, peut-elle s’analyser autrement que comme une volonté de soustraire deux dignitaires du régime tunisien à la justice Française ?

Pornic, 26 août 2009, un individu est mis en garde à vue pour refus d’obtempérer : il a roulé largement au dessus de la vitesse autorisée, et ne s’est pas arrêté lorsque les gendarmes ont voulu l’interpeller. Ces derniers comprennent vite que l’intéressé n’est pas n’importe qui : il est le frère de Jean-Marie HUET, directeur des affaires criminelles et des grâces de Michèle ALLIOT-MARIE. Ils informent immédiatement le parquet de Saint-Nazaire, qui leur demande de remettre cet homme de bonne fratrie en liberté, et « que la procédure lui soit transmise sous pli fermé ». Les gendarmes ajoutent dans leur rapport : « un classement sans suite est déjà décidé par l’autorité judiciaire ». Tellement énervés, les gendarmes, qu’ils ont fait paraître la nouvelle dans leur revue mensuelle. Enervés par quoi, d’ailleurs ?

Paris, septembre 2009, ouverture du procès dit « Clearstream ». Le procureur de la République tient lui-même le siège de l’accusation. Quelques jours plus tôt, il a affirmé sur une radio que Dominique de VILLEPIN avait été « un bénéficiaire parfaitement conscient » de la falsification de fichiers nominatifs. A l’époque pourtant où celui-ci était premier ministre, le parquet de Paris développait une vision très différente du dossier, rapportée par le Canard Enchaîné : « Dominique de Villepin ne pouvait imaginer que Jean-Louis GERGORIN ait mis sa réputation en jeu en utilisant des listings qu’il savait faux ». Relever que l’argumentation juridique du parquet de Paris dans cette affaire sert opportunément mais systématiquement les intérêts du pouvoir en place relève, à l’évidence, de la calomnie.

Paris, 1er septembre 2009 : le parquet classe sans suite l’enquête ouverte contre François PEROL pour prise illégale d’intérêt. Au début de l’année 2009, le secrétaire général adjoint de l’Elysée a été nommé à la tête des Banques Populaires et des Caisses d’Epargne, sans que la Commission de Déontologie ne soit saisie. Le président de la République avait alors affirmé faussement que la commission avait été saisie. Devant l’ampleur des protestations, une enquête a donc été ouverte. Deux mois plus tard, le député Jérôme CAHUZAC a indiqué qu’ « aucune audition n’avait eu lieu dans le cadre de cette enquête », accusant le pouvoir de vouloir l’étouffer. Qui pourra encore accuser le parquet de Paris d’une trop grande sévérité envers les justiciables ?

Nanterre, septembre 2009. Dans la procédure opposant Liliane BETTENCOURT et sa fille Françoise, le journal Le Monde titre : « Affaire BETTENCOURT : le parquet tente de bloquer la procédure ». En effet, lors de l’audience du 3 septembre 2009 où Françoise BETTENCOURT poursuivait le photographe François-Marie BANIER pour abus de faiblesse par voie de citation directe, le parquet a pris des réquisitions tendant à contester la recevabilité de la partie civile. Le tribunal n’a pas suivi ces réquisitions, et le parquet a immédiatement fait appel. La cour d’appel, par arrêt du 18 septembre 2009, a débouté le parquet de son appel. Il est vrai qu’imaginer que le soutien du parquet à la cause de la femme la plus riche de France ne résulte pas que d’une application scrupuleuse des règles de droit serait parfaitement inconvenant. Selon que vous serez puissant ou misérable…

Nanterre : l’enlisement des dossiers… Affaire de l’informatisation des collèges des Hauts-de-Seine, affaire du marché du chauffage du grand quartier d’affaire, affaires de la SEM92, de la SEM Coopération, affaire de la rénovation des collèges du département… Le procureur de Nanterre, Philippe COURROYE, nommé contre l’avis du CSM et décoré par le Président de la République, ne manque pas de travail. Il a pourtant choisi de conserver la maîtrise de certains de ces dossiers en ne confiant pas les enquêtes à un juge d’instruction. Lorsqu’il l’a fait, c’est d’ailleurs la police qui a cessé de travailler, comme l’a révélé un courrier d’une juge versé dans un dossier. Comme le remarque le journal Le Point en septembre 2008 : « La plupart des dossiers progressent peu depuis deux ans. Nommé en mars 2007 à la tête du parquet de Nanterre, le procureur, a surpris par son manque de pugnacité ». Surpris, vraiment ?

Paris, la valse des non-lieux. Ces derniers mois, on ne compte plus les dossiers sensibles dans lesquels le procureur de Paris a demandé aux juges d’instruction de prononcer des non-lieux. L’affaire des 3 millions d’euros dont auraient bénéficié Charles PASQUA et Jean-Charles MARCHIANI de la part des frères SAFA ? Non-lieu requis le 30 juin 2009. L’affaire « pétrole contre nourriture » et ses 22 mis en examen ? Non-lieu requis pour Charles PASQUA, Christophe de MARGERIE et son équipe, malgré le projet de renvoi au correctionnel du substitut régleur, croit savoir Charlie-Hebdo. L’affaire VIVENDI ? Non-lieu général requis en janvier 2009, malgré les conclusions de l’AMF. Ce qui vaut à Jean-Claude MARIN le surnom, dans ce même journal, de « roi des fossoyeurs ». Celui là même qui jurait naguère, la main sur le cœur, que « le parquet n’étouffe pas les affaires ».

Paris, 28 septembre 2009. Mais l’affaire d’entre les affaires, celle dans laquelle le parquet ne se sera rien épargné pour qu’elle n’aboutisse pas, c’est évidemment celle dite des « chargés de mission de la Ville de Paris », dans laquelle Jacques CHIRAC et de nombreuses personnalités sont mises en examen pour avoir fait payer par la ville de PARIS des employés qui travaillaient en réalité à tout autre chose. Jugeons-en plutôt : à la suite de la réception d’un courrier anonyme par un juge d’instruction de Créteil, qui le transmet à PARIS, une minuscule enquête est ouverte par le parquet, presque immédiatement classée sans suite. En 1998, grâce à la pugnacité d’un contribuable parisien, l’enquête redémarre sur plainte avec constitution de partie civile. A la faveur de la loi sur l’immunité pénale du chef de l’Etat, elle est mise en attente pendant quelques années. Début 2009, la juge d’instruction Xavière SIMEONI, qui a achevé son enquête, transmet le dossier au parquet pour réquisitions. Surprise : durant le procès CLEARSTREAM, Jean-Claude MARIN trouve le temps de signer un réquisitoire de non-lieu général. Quelques éléments de contexte : le procureur de la République de Paris, qui a signé ces réquisitions, a été directeur des affaires criminelles et des grâces de Dominique PERBEN. Surtout, Laurent LE MESLE, son supérieur hiérarchique, a été le propre conseiller de Jacques CHIRAC pour les affaires judiciaires à l’Elysée. Comment concilier ces fonctions passées avec l’apparence d’impartialité qui doit s’attacher aux fonctions de magistrat ? Le Canard Enchaîné s’est amusé à décrire les contorsions auxquelles s’est livré Jean-Claude MARIN (« créez votre emploi fictif grâce au proc’ de Paris »). Il reviendra à la juge d’instruction de dire le droit dans cette affaire : ce n’est pas tous les jours que la question se pose de renvoyer un ancien président de la République devant le tribunal. Pour cela, il ne faut qu’un principe : l’impartialité, et qu’une qualité : l’indépendance.

Ne cherchez pas de scoop, il n’y en a pas. La presse s’est déjà fait l’écho de ces faits, ce qui n’a pas empêché leur répétition... Une actualité chassant l’autre, la mémoire nous fait parfois défaut et on omet d’analyser tous les ressorts de ces affaires judiciaires. Cette compilation ne révèle qu’une chose : la totale hypocrisie de votre discours. Il est aujourd’hui très difficile qu’une affaire sensible prospère devant un tribunal correctionnel lorsque le parquet ne l’a pas souhaité. Demain, avec la suppression annoncée du juge d’instruction, il faudra un miracle. Mais tout cela, vous le savez, puisque c’est essentiellement dans cet objectif que vous l’avez décidée."

dimanche 1 novembre 2009

Jours 905 & 906

Rétention

Publication du rapport 2008 de la Cimade :

"Un processus de bureaucratisation se développe. Les hommes, les femmes disparaissent derrière les chiffres et les dossiers. La violence de la réalité s’efface derrière l’apparente neutralité du vocabulaire. En France on n’enferme pas les étrangers, on les “retient”, on ne les expulse pas, on les “oblige à quitter le territoire”, on les “éloigne”, on les “renvoit”, on les “réadmet”.[...] La réalité est plus sordide que les termes choisis par Eric Besson. Les dérives et les absurdités se multiplient : interpellations à domicile, en particulier de familles, devant des écoles, contrôles d’identité motivés par un crachat sur la voie publique ou une traversée en dehors des clous qui révèlent la multiplication des contrôles au faciès, interpellations massives, encouragement à la délation, etc. L’examen superficiel des “dossiers”, sous un angle répressif, l’application mécanique de la loi sans prise en compte des situations humaines conduisent à l’enfermement de femmes enceintes, d’enfants (y compris de nourrissons), de malades, de personnes dont toute la famille est en France ou qui y vivent et y travaillent depuis parfois plus de 20 ans, mais aussi à l’arrestation de touristes ou d’étrangers en train de rentrer chez eux et stoppés à la frontière pour être expulsés et ainsi gonfler les statistiques."