De la Justice en dictature
Syndicat de la Magistrature, le 29 avril 2011 :
"Ce quinquennat nous aura décidément habitués aux réformes inspirées par une volonté présidentielle qui ne peut souffrir de délais, singulièrement dans le domaine de la justice. L’urgence avec laquelle il faut, chaque année ou presque, ajouter une nouvelle couche au mille-feuille pénal peut difficilement convaincre qu’il s’agit de donner corps à des orientations mûrement réfléchies. Pour un Président qui ne conçoit l’adaptation de la justice qu’au prisme d’une cause des victimes totalement sacralisée, il y a toujours un fait divers pour venir justifier l’urgente nécessité de nouvelles mesures de prévention de la récidive ou d’aggravation de la répression, au point que la réactivité finit par se substituer à l’analyse et l’opportunisme à tenir lieu de réflexion.
Le projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale n’échappe pas à la règle : à peine évoquée à l’automne 2010, cette réforme, qui vient pourtant bouleverser en profondeur - et selon des procédures fort complexes - les conditions de jugement des délits et des crimes, doit « évidemment » être adoptée avant l’été 2011 … Quitte à bousculer un Ministre de la justice sommé d’en faire sa priorité puis, dans la foulée, le Parlement : on peinera à comprendre quelles considérations tenant à l’objet de ce texte justifient que l’examen en soit soumis à la procédure parlementaire accélérée ne permettant qu’une lecture devant chaque assemblée. Chacun aura compris que s’il ne peut évidemment justifier ce choix d’un travail parlementaire « au rabais », le calendrier présidentiel l’explique exclusivement.
Dans le même mouvement, on aura d’ailleurs passé par pertes et profits la concertation avec les organisations professionnelles représentatives du monde judiciaire. Il faut savoir à cet égard qu’à aucun moment le Syndicat de la magistrature n’a été consulté avant que le projet de loi ne soit adopté en Conseil des ministres, si l’on excepte le fait qu’il a été reçu une heure le 16 décembre 2010 par un conseiller du Garde des sceaux qui s’est, à l’époque, montré dans l’incapacité totale de tracer la moindre perspective sur le contenu du projet.
Telle est donc la conception qui prévaut en matière d’adaptation de la justice : des réformes « presse-bouton » et une défiance constante à l’égard des magistrats, défiance qui, au cas particulier, imprègne tant le contenu du texte que les modalités de son élaboration."
Syndicat de la Magistrature, le 29 avril 2011 :
"Ce quinquennat nous aura décidément habitués aux réformes inspirées par une volonté présidentielle qui ne peut souffrir de délais, singulièrement dans le domaine de la justice. L’urgence avec laquelle il faut, chaque année ou presque, ajouter une nouvelle couche au mille-feuille pénal peut difficilement convaincre qu’il s’agit de donner corps à des orientations mûrement réfléchies. Pour un Président qui ne conçoit l’adaptation de la justice qu’au prisme d’une cause des victimes totalement sacralisée, il y a toujours un fait divers pour venir justifier l’urgente nécessité de nouvelles mesures de prévention de la récidive ou d’aggravation de la répression, au point que la réactivité finit par se substituer à l’analyse et l’opportunisme à tenir lieu de réflexion.
Le projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale n’échappe pas à la règle : à peine évoquée à l’automne 2010, cette réforme, qui vient pourtant bouleverser en profondeur - et selon des procédures fort complexes - les conditions de jugement des délits et des crimes, doit « évidemment » être adoptée avant l’été 2011 … Quitte à bousculer un Ministre de la justice sommé d’en faire sa priorité puis, dans la foulée, le Parlement : on peinera à comprendre quelles considérations tenant à l’objet de ce texte justifient que l’examen en soit soumis à la procédure parlementaire accélérée ne permettant qu’une lecture devant chaque assemblée. Chacun aura compris que s’il ne peut évidemment justifier ce choix d’un travail parlementaire « au rabais », le calendrier présidentiel l’explique exclusivement.
Dans le même mouvement, on aura d’ailleurs passé par pertes et profits la concertation avec les organisations professionnelles représentatives du monde judiciaire. Il faut savoir à cet égard qu’à aucun moment le Syndicat de la magistrature n’a été consulté avant que le projet de loi ne soit adopté en Conseil des ministres, si l’on excepte le fait qu’il a été reçu une heure le 16 décembre 2010 par un conseiller du Garde des sceaux qui s’est, à l’époque, montré dans l’incapacité totale de tracer la moindre perspective sur le contenu du projet.
Telle est donc la conception qui prévaut en matière d’adaptation de la justice : des réformes « presse-bouton » et une défiance constante à l’égard des magistrats, défiance qui, au cas particulier, imprègne tant le contenu du texte que les modalités de son élaboration."