vendredi 22 juillet 2011

Jour 1532

Un clou de plus dans le cercueil

Le Syndicat de la Magistrature, le 8 juillet 2011 :

"L’heure des comptes a sonné. Dans quelques mois, celui qui a conquis le pouvoir en se présentant comme le protecteur indéfectible de la sécurité des Français sollicitera sa réélection à la présidence de la République. Manifestement efficace en 2007, la posture magique de la « rupture » ne lui sera plus d’aucun secours : c’est bien de son bilan qu’il sera question. Avec un redoutable effet rétrospectif : sur son terrain de prédilection – la « guerre aux voyous » qu’il a choisi d’incarner lorsqu’il était ministre de l’Intérieur (au point de « tuer le job » selon sa modeste expression) –, la période de référence sera bien de dix ans (2002-2012).

A cet égard, le rapport de 248 pages que vient de publier la Cour des comptes sur « l’organisation et la gestion des forces de sécurité publique » entre 2002 et 2010 ressemble fort à une mauvaise nouvelle pour le candidat Nicolas Sarkozy. On comprend, dès lors, que ses plus fidèles soutiens, de Claude Guéant à l’ex-secrétaire général de Synergie-Officiers en passant par le toujours subtil Eric Ciotti, aient immédiatement entrepris d’en saper la crédibilité.

Las, le président de la plus haute juridiction financière a beau être socialiste, près de 90 magistrats de cette vénérable institution – d’ordinaire très respectée – ont participé au délibéré à l’issue duquel a été adopté ce rapport précis et documenté, qui relate les résultats d’une enquête menée par les chambres régionales des comptes dans 52 villes de quatre régions.

A l’aune de la doxa sécuritaire, les conclusions de la Cour sont accablantes : statistiques de la délinquance biaisées et instrumentalisées, effets pervers de la « gestion par objectifs », mauvaise utilisation des effectifs de police et de gendarmerie en baisse depuis 2009, inégalités accrues entre les citoyens selon les territoires en fonction de la localisation des forces de l’ordre, dévoiement de la vidéosurveillance insuffisamment contrôlée et dont l’efficacité n’est pas évaluée, hausse des atteintes aux personnes, augmentation du nombre de policiers municipaux dont la formation est lacunaire...

Le constat n’est pas nouveau. Nombreux sont les policiers et les magistrats qui dénoncent depuis des années les vices et les impasses d’une « politique du chiffre » orchestrée dans une logique exclusive de communication et validée a posteriori par l’affichage de résultats mensongers. Nombreux sont également les observateurs – certes affreusement « droits de l’hommistes » – qui ont rapidement tiré la sonnette d’alarme : la frénésie sécuritaire est aussi inefficace que dangereuse.

Car cette politique de la peur et du pilori a un coût plus élevé encore, qui n’apparaît pas dans les comptes publics mais qui pèse sur la société : elle détruit le lien social, dégrade l’Etat de droit et défigure la justice."