Nouvel ordre moral
Libération, le 23 juillet 2011 :
"C’est dommage que la critique soit morte. Par exemple, il y a deux ans, le rappeur Orelsan se faisait mordre par la gauche pour sa chanson Sale pute, alors qu’il suffisait de l’écouter une fois pour comprendre qu’elle dénonçait le machisme. En revanche, votre fille de 12 ans écoute depuis avril un manifeste pro-vie, et cela n’a l’air de déranger personne. Ni la chaîne NRJ12, ni Skyrock, qui le diffusent en boucle. La chanson en question, c’est Aurélie, tube dancehall de Colonel Reyel, jeune étoile des charts français. Les paroles d’Aurélie passent pourtant difficilement inaperçues : «Aurélie n’a que 16 ans/ et elle attend un enfant/ Ses amies et ses parents lui conseillent l’avortement/ Elle n’est pas d’accord, elle voit les choses autrement/ Elle dit qu’elle se sent prête pour qu’on l’appelle "maman".»
Jusque-là, tout va bien. Aurélie a bien le droit de ne pas avorter et d’emmerder ses parents. C’est même, semble-t-il, une tendance sociologique lourde. A quoi rêvent les jeunes filles de 2011 ? A être mère au foyer. Aurélie est donc le reflet de ce nouvel ordre moral français. [...] Moralité : «Mettre un enfant au monde ne devrait pas être puni/ C’est la plus belle chose qui soit et si tu le nies/ C’est que tu n’as rien compris», conclut le chanteur dans son clip, joignant les mains en signe de prière, yeux au ciel. [...] Pour sa première expérience sexuelle, Aurélie a d’ailleurs évité la contraception : «Elle l’a jamais fait, elle a tenté juste le bon gars/ Là elle se dit bingo, ils sont seuls dans la Twingo/ Donc, ça va swinguer, elle enlève son tanga/ Il réussit le ace comme Tsonga/ Oui, mais voilà, neuf mois plus tard/ Il n’assume pas et se sauve comme un bâtard.» C’est à peu près le récit d’Eve tentatrice faisant avaler la pomme à Adam. Gare à Aurélie, la violeuse de chauffeurs de Twingo, qui veut, comme le tambourine Colonel Reyel, être «mère à tout prix» et «donner la vie»"
Libération, le 23 juillet 2011 :
"C’est dommage que la critique soit morte. Par exemple, il y a deux ans, le rappeur Orelsan se faisait mordre par la gauche pour sa chanson Sale pute, alors qu’il suffisait de l’écouter une fois pour comprendre qu’elle dénonçait le machisme. En revanche, votre fille de 12 ans écoute depuis avril un manifeste pro-vie, et cela n’a l’air de déranger personne. Ni la chaîne NRJ12, ni Skyrock, qui le diffusent en boucle. La chanson en question, c’est Aurélie, tube dancehall de Colonel Reyel, jeune étoile des charts français. Les paroles d’Aurélie passent pourtant difficilement inaperçues : «Aurélie n’a que 16 ans/ et elle attend un enfant/ Ses amies et ses parents lui conseillent l’avortement/ Elle n’est pas d’accord, elle voit les choses autrement/ Elle dit qu’elle se sent prête pour qu’on l’appelle "maman".»
Jusque-là, tout va bien. Aurélie a bien le droit de ne pas avorter et d’emmerder ses parents. C’est même, semble-t-il, une tendance sociologique lourde. A quoi rêvent les jeunes filles de 2011 ? A être mère au foyer. Aurélie est donc le reflet de ce nouvel ordre moral français. [...] Moralité : «Mettre un enfant au monde ne devrait pas être puni/ C’est la plus belle chose qui soit et si tu le nies/ C’est que tu n’as rien compris», conclut le chanteur dans son clip, joignant les mains en signe de prière, yeux au ciel. [...] Pour sa première expérience sexuelle, Aurélie a d’ailleurs évité la contraception : «Elle l’a jamais fait, elle a tenté juste le bon gars/ Là elle se dit bingo, ils sont seuls dans la Twingo/ Donc, ça va swinguer, elle enlève son tanga/ Il réussit le ace comme Tsonga/ Oui, mais voilà, neuf mois plus tard/ Il n’assume pas et se sauve comme un bâtard.» C’est à peu près le récit d’Eve tentatrice faisant avaler la pomme à Adam. Gare à Aurélie, la violeuse de chauffeurs de Twingo, qui veut, comme le tambourine Colonel Reyel, être «mère à tout prix» et «donner la vie»"