lundi 11 mai 2009

Jour 733

La dictature qui vient

Le Monde, 11 mai 2009 :

"Tessa Polak [...] interpellée le 28 avril par la police antiterroriste (SDAT), placée en garde à vue 72 heures puis relâchée sans aucune charge, cette femme de 36 ans, photographe de profession, dénonce aujourd'hui une "manœuvre d'intimidation". Membre active d'un comité de soutien aux neuf personnes mises en examen dans l'affaire des sabotages de voies SNCF, elle en connaît quelques-unes, en a croisé d'autres à Tarnac, en Corrèze, où elle s'est déjà rendue. Mais elle ne s'attendait pas, six mois après l'arrestation des neuf le 11 novembre 2008, a être, à son tour, interpellée de la sorte dans la rue. [...] Ce 28 avril, en début d'après-midi, Tessa Polak circule en voiture dans le 20e arrondissement à Paris avec Benjamin Rosoux, l'un des mis en examen de Tarnac, à ses côtés. "A l'angle de la rue des Pyrénées et de la rue Jourdain, alors que je ralentissais, une nuée de types a surgi, dit-elle. Ma vitre était ouverte, je me suis retrouvée avec un pistolet sur la tempe tandis que deux autres me braquaient de face. J'ai cru à un car-jacking." Il s'agit en fait de policiers en civil. Eberluée, elle ne se souvient que de ces mots : "Terroriste ! Terroriste !" Menottée, elle est embarquée dans une autre voiture [...] Dans le coffre de la voiture de Tessa Polak, la SDAT en découvre 400 autres exemplaires [du livre L'insurrection qui vient] . "Ils ont fait 'Bingo !', comme s'ils avaient découvert une cache d'armes, ironise-t-elle. [...] Tout au long de sa garde à vue, et des "8 à 10 interrogatoires", la jeune femme comprend qu'elle a fait l'objet d'une surveillance. [...] "Ce qui m'a étonnée, poursuit Tessa Polak, c'est que leurs investigations portaient beaucoup sur le livre. Le type de questions qu'ils m'ont posé, la manière avec laquelle ils le faisaient, c'était pour valider leurs fantasmes. Le mot 'cellule' revenait sans cesse…" Après 48 heures, elle est brièvement présentée au juge d'instruction Thierry Fragnoli pour une prolongation de sa garde à vue. Tessa Polak jure alors l'avoir entendu dire : "Ce n'est pas ma faute mais vous allez payer pour les autres." "J'étais sonnée", dit-elle. Avec le recul, la jeune femme analyse son interpellation comme une "manœuvre d'intimidation, une façon de briser les solidarités actives, d'envoyer des signaux, et de banaliser les garde à vue". "Sinon, ajoute-t-elle, pourquoi m'ont-ils convoquée de cette façon ? Quand je leur ai demandé, ils ne m'ont pas répondu." Après cette interpellation, et celle de plusieurs étudiants, soupçonnés d'avoir participé à une manifestation non autorisée en faveur, notamment, de Julien Coupat, dernier des mis en examen à être toujours incarcéré, les comités de soutien – il en existerait une cinquantaine en France –, se sentent sous pression."