Joyeux Noël les fous !Le Monde, 22 décembre 2009, une "lettre ouverte à la population, à Mme la ministre de la santé et à M. le ministre de l'intérieur" :
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Nous sommes internes en psychiatrie. Ces derniers jours, comme de nombreux internes et médecins de toutes spécialités, externes et étudiants infirmiers, nous avons été "réquisitionnés" dans des centres de vaccination, de la veille au lendemain, sans concertation ni respect des procédures légales[...] nous avons le sentiment que cette stratégie gestionnaire ne tient aucunement compte des patients dont nous nous occupons quotidiennement.[...] certains d'entre eux sont dans une souffrance majeure et nécessitent des soins très ajustés. En tant que "psys", on nous parle des "schizophrènes dangereux", des patients abandonnés, etc. Mais là, nous sommes contraints de les laisser tomber brutalement comme si les soins personnalisés que nous mettons en place avec précision ne comptaient pour rien. Tout ceci afin d'obéir à une stratégie dite de santé publique dont les modalités nous laissent dubitatifs.Peut-on sérieusement soutenir que notre participation à l'effort de prévention passe avant tout autre acte médical ? Alors même que les médecins traitants, naguère désignés comme les "piliers du dispositif de santé", n'ont pas été pleinement associés à cette campagne vaccinale, les internes se voient assignés à une place d'experts en vaccination… Ce qui s'apparente parfois à une mystification, tant la pratique quotidienne liée à notre spécialité peut s'éloigner de la médecine générale et de l'infectiologie. D'autant que ces mêmes internes, non thésés, se trouvent dans de nombreux cas être les seuls médecins dans les centres de vaccination.Cette méprise frôle l'irrespect des personnes venant se faire vacciner, souvent angoissées par la pandémie et les interrogations suscitées par les vaccins.Par ailleurs, la décision de rassembler un grand nombre de personnes dans un même espace en pleine période pandémique est-elle réellement plus judicieuse que la vaccination au un par un dans le cabinet du généraliste, pour limiter la transmission du virus ? Enfin, qu'en est-il de notre sacro-sainte "indépendance professionnelle" et de notre liberté de jugement quand l'interrogatoire clinique et la prescription nous sont dictés ? Nous espérons que ces méthodes autoritaires voire martiales, créant une sorte d'"Etat d'exception", ne se pérenniseront pas car nous les jugeons inacceptables.[...]nous souhaitons une politique de prévention qui nous permette de continuer à soigner dignement nos patients, et nous insurgeons contre ce dispositif martial non concerté qui nous transforme en instruments au service d'effets d'annonce médiatiques.Nous acceptons de participer à des missions préventives, si elles sont rationnelles et ne s'exercent pas au détriment des usagers du service public.Mathieu Bellahsen est interne en psychiatrie, président de l'Association Fédérative pour la Formation des Etudiants en Psychiatrie (AFFEP)Loriane Brunessaux est interne en psychiatrie, présidente de l'association UTOPSY."