Une histoire française
Libération, le 19 novembre 2010 :
"Bécassine au pays des puissants labos ? Allons donc, il faut se méfier d’Irène Frachon, elle est tout sauf naïve. Et ce fut la grossière erreur des laboratoires pharmaceutiques ou des administrations sanitaires dans l’affaire du Mediator : avoir pris cette femme de 48 ans pour une gentillette médecin de Brest [...] Le Mediator est un médicament coupe-faim, de la classe des anorexigènes, produit par le laboratoire Servier. Largement prescrit depuis les années 90, il a pu se révéler extrêmement dangereux, voire mortel pour le patient. Et on ne s’en préoccupait guère. Plus grave, Irène Frachon a découvert [...] toutes ses recherches viennent d’être confirmées avec le constat que ce médicament pouvait avoir tué «au moins 500 personnes». [...] Ce soir de 2007, donc, un de ses collègues cardiologues l’appelle, lui parle d’une patiente diabétique : «Elle n’allait pas bien, elle avait des lésions valvulaires, cela me faisait penser à ces patients qui avaient pris de l’Isoméride [un autre coupe-faim de chez Servier interdit en 1997, ndlr] et quand j’ai demandé ce qu’elle prenait, mon collègue a juste lâché : "Du Mediator."» Bizarre, non ? Mais, au fait c’est quoi le Mediator ? Un simple coupe-faim ? Elle recherche sur les sites médicaux. Première surprise : en 2007, le Mediator est interdit dans la plupart des pays au monde, sauf en France. Ensuite ? «J’ai mis un temps fou à savoir que le principe actif du Mediator était proche de celui de l’Isoméride. On ne nous le disait pas. On nous disait même le contraire.» [...] Un soir d’hiver 2009, elle reprend des dossiers de valvulopathies, cherchant des liens avec le Mediator. Et là, d’un coup, cela s’accumule. Un, puis deux, dix dossiers, etc. [...] Irène Frachon fait part de sa découverte à l’Afssaps (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé), mais elle n’obtient guère de réactions. [...] à l’Afssaps, on continue de prendre son temps, et il faudra attendre novembre 2009 pour que soit enfin décidée la suspension du Mediator. A ce moment-là, plus de 300 000 patients en prennent.[...] Quand le livre sort, il est aussitôt attaqué en justice par Servier qui conteste le titre, Mediator, combien de morts ? Le tribunal la contraint à retirer «combien de morts ?». Aujourd’hui, tout s’est débloqué. Et tout s’est lourdement confirmé avec l’étude de la Cnam parue cette semaine, parlant d’au moins 500 morts. «Si je suis satisfaite ? Oui, mais quel drôle de monde dans lequel on vit, quand je vois que des patientes, gravement malades du cœur à cause du Mediator de chez Servier, prennent maintenant des médicaments de… Servier, pour se soigner !»"
Les Inrocks, le 17 novembre :
""En tant qu’entrepreneur, vous avez été souvent sévère à l’endroit de l’administration française. Vous critiquez l’empilement des mesures, des normes, des structures et vous avez raison", disait Nicolas Sarkozy de Jacques Servier, patron des laboratoires du même nom, en l'élevant au rang de Grand Croix de la Légion d'Honneur en 2009."
Libération, le 19 novembre 2010 :
"Bécassine au pays des puissants labos ? Allons donc, il faut se méfier d’Irène Frachon, elle est tout sauf naïve. Et ce fut la grossière erreur des laboratoires pharmaceutiques ou des administrations sanitaires dans l’affaire du Mediator : avoir pris cette femme de 48 ans pour une gentillette médecin de Brest [...] Le Mediator est un médicament coupe-faim, de la classe des anorexigènes, produit par le laboratoire Servier. Largement prescrit depuis les années 90, il a pu se révéler extrêmement dangereux, voire mortel pour le patient. Et on ne s’en préoccupait guère. Plus grave, Irène Frachon a découvert [...] toutes ses recherches viennent d’être confirmées avec le constat que ce médicament pouvait avoir tué «au moins 500 personnes». [...] Ce soir de 2007, donc, un de ses collègues cardiologues l’appelle, lui parle d’une patiente diabétique : «Elle n’allait pas bien, elle avait des lésions valvulaires, cela me faisait penser à ces patients qui avaient pris de l’Isoméride [un autre coupe-faim de chez Servier interdit en 1997, ndlr] et quand j’ai demandé ce qu’elle prenait, mon collègue a juste lâché : "Du Mediator."» Bizarre, non ? Mais, au fait c’est quoi le Mediator ? Un simple coupe-faim ? Elle recherche sur les sites médicaux. Première surprise : en 2007, le Mediator est interdit dans la plupart des pays au monde, sauf en France. Ensuite ? «J’ai mis un temps fou à savoir que le principe actif du Mediator était proche de celui de l’Isoméride. On ne nous le disait pas. On nous disait même le contraire.» [...] Un soir d’hiver 2009, elle reprend des dossiers de valvulopathies, cherchant des liens avec le Mediator. Et là, d’un coup, cela s’accumule. Un, puis deux, dix dossiers, etc. [...] Irène Frachon fait part de sa découverte à l’Afssaps (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé), mais elle n’obtient guère de réactions. [...] à l’Afssaps, on continue de prendre son temps, et il faudra attendre novembre 2009 pour que soit enfin décidée la suspension du Mediator. A ce moment-là, plus de 300 000 patients en prennent.[...] Quand le livre sort, il est aussitôt attaqué en justice par Servier qui conteste le titre, Mediator, combien de morts ? Le tribunal la contraint à retirer «combien de morts ?». Aujourd’hui, tout s’est débloqué. Et tout s’est lourdement confirmé avec l’étude de la Cnam parue cette semaine, parlant d’au moins 500 morts. «Si je suis satisfaite ? Oui, mais quel drôle de monde dans lequel on vit, quand je vois que des patientes, gravement malades du cœur à cause du Mediator de chez Servier, prennent maintenant des médicaments de… Servier, pour se soigner !»"
Les Inrocks, le 17 novembre :
""En tant qu’entrepreneur, vous avez été souvent sévère à l’endroit de l’administration française. Vous critiquez l’empilement des mesures, des normes, des structures et vous avez raison", disait Nicolas Sarkozy de Jacques Servier, patron des laboratoires du même nom, en l'élevant au rang de Grand Croix de la Légion d'Honneur en 2009."