La laideur se cache ailleurs
La Cimade, 20 novembre 2010 :
"Annoncé avec fracas lors de la campagne présidentielle de 2007 par Nicolas Sarkozy, le ministère de l'Immigration vient d'être absorbé par le ministère de l'Intérieur dont le titulaire n'est autre que .... Brice Hortefeux.
On savait qu'Eric Besson souhaitait retourner à ses premières amours économiques et que le portefeuiille pouvait changer de titulaire mais la surprise fut grande lors de l'annonce de la composition du gouvernement, dimanche 14 novembre 2010, de voir que le ministre de l'Intérieur (re) devenait également celui de l'Immigration et que contrairement à l'Outre-mer et aux collectivités locales, aucun ministre délégué ou secrétaire d'Etat n'était nommé (Thierry Mariani, député spécialiste de cette question, étant nommé aux .... Transports)
un aveu d'échec?
Pour jusitifier cette décision, Nicolas Sarkozy a indiqué que ""Seul le ministre de l'intérieur a les moyens de réguler les flux migratoires". Est-ce à dire que l'idée d'un vaste ministère qui regroupe toutes les administrations responsables des différents volets de la politique de l'entrée et du séjour des étrangers en France, était une idée vaine? Porté sur les fonds baptismaux par Patrick Stefanini, le ministère de l'Immigration a regroupé à trois divisions thématiques (Immigration, Asile, Accueil et intégration) des compétences qui dépendaient de trois ministères différents (Intérieur, Affaires étrangères, Affaires sociales). Mais c'était un ministère "d'Etat major" qui n'avait pas ou peu de services déconcentrés (des services de l'Immigration et de l'Intégration n'ont commencé à se mettre en place qu'en 2009 2010 dans les préfectures) et dont l'action reposait principalement sur les fonctionnaires d'autres ministères (les consulats, les préfectures, la police aux frontières) et sur des établissements publics (l'OFII et l'OFPRA)
A ces difficultés structurelles se sont ajoutés les objectifs que lui a fixés le Président de la République dans sa lettre de mission du 9 juillet 2007 : La part de l'Immigration de travail n'a pas atteint 50% de l'ensemble malgré les multiples obstacles posés pour limiter le droit des personnes à vivre en famille. (durcissement des conditions du regroupement familial, stage de français avant l'arrivée, répression menée contre les mariages mixtes). Le ministère s'est arc-bouté sur les objectifs chiffrés de reconduite à la frontière (29 000 par an depuis 2007) et a cherché à éliminer les contre-pouvoirs qu'il s'agisse des magistrats (rapport demandé à la commission présidée par M. Mazeaud sur la consitutionnalité de la nouvelle politique d'immigration) ou les associations (la mise en concurrence sur l'assistance associative dans les centres de rétention). Cherchant à justifier son intitulé , il a alors été lancé "le débat sur l'identité nationale" qui a tourné au fiasco. De même, les accords d'immigration concertée passés avec quelques pays africains ont certes permis de rouvrir des portes pour un nombre limité d'étudiants ou de travailleurs mais leurs stipulations visant à faciliter les reconduites ont terni l'image de la France auprès des peuples qui n'y voyaient qu'un jeu de dupes.
Le droit d'asile aurait pu servir de planche de salut. Les deux ministres successifs n'ont cessé de proclamer leur attachement à ce droit et en vantant la primauté de la France dans l'accueil des réfugiés en Europe et la part importante des crédits dédiés à cette question dans le budget du ministère. Mais obnubilés par d'autres questions, ils n'ont pas anticipé la crise de l'accueil des demandeurs d'asile qui sévit depuis deux ans en France et qui conduit des familles à dormir sous des tentes. La seule réponse a été de reprendre l'antienne du "faux demandeur d'asile" en enjoignant les préfets à utiliser plus fréquemment les procédures Dublin et prioritaires, voire à renvoyer des Afghans dans leur pays en guerre.
Des inquiétudes pour l'avenir.
D'une certaine manière, l'absorption par le ministère de l'Intérieur ne fait qu'officialiser un inclination originelle : malgré les déclarations d'intention, les politiques menées par les ministres successifs de l'Immigration se sont inscrites dans une logique sécuritaire où l'immigration est considéré comme un "risque sociétal". Dans un gouvernement "de combat", il est à craindre que Brice Hortefeux amplifie les mesures de répression comme le lui permettra le projet de loi en discussion au Parlement.
Pour la première fois depuis la fin de la 2e guerre mondiale, l'OFPRA (office français de protection des réfugiés et apatrides )est sous la tutelle du ministère de l'intérieur . Si Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, avait sans succès, cherché à prendre le contrôle en 2003, il avait constamment demandé à réduire le nombre de demandeurs d'asile. Il est à craindre que les mêmes pressions soient exercées pour accélérer l'instruction des demandes d'asile et ainsi reconduire les déboutés.
Enfin, l'une des transformations les plus importantes sera la généralisation des fichiers biométriques dans le contrôle des populations étrangères. Après EURODAC, VISABIO et OSCAR, le fichier général des étrangers (AGDREF) va bientôt devenir un fichier biométrique permettant de repérer immédiatement les étrangers sans papiers."
La Cimade, 20 novembre 2010 :
"Annoncé avec fracas lors de la campagne présidentielle de 2007 par Nicolas Sarkozy, le ministère de l'Immigration vient d'être absorbé par le ministère de l'Intérieur dont le titulaire n'est autre que .... Brice Hortefeux.
On savait qu'Eric Besson souhaitait retourner à ses premières amours économiques et que le portefeuiille pouvait changer de titulaire mais la surprise fut grande lors de l'annonce de la composition du gouvernement, dimanche 14 novembre 2010, de voir que le ministre de l'Intérieur (re) devenait également celui de l'Immigration et que contrairement à l'Outre-mer et aux collectivités locales, aucun ministre délégué ou secrétaire d'Etat n'était nommé (Thierry Mariani, député spécialiste de cette question, étant nommé aux .... Transports)
un aveu d'échec?
Pour jusitifier cette décision, Nicolas Sarkozy a indiqué que ""Seul le ministre de l'intérieur a les moyens de réguler les flux migratoires". Est-ce à dire que l'idée d'un vaste ministère qui regroupe toutes les administrations responsables des différents volets de la politique de l'entrée et du séjour des étrangers en France, était une idée vaine? Porté sur les fonds baptismaux par Patrick Stefanini, le ministère de l'Immigration a regroupé à trois divisions thématiques (Immigration, Asile, Accueil et intégration) des compétences qui dépendaient de trois ministères différents (Intérieur, Affaires étrangères, Affaires sociales). Mais c'était un ministère "d'Etat major" qui n'avait pas ou peu de services déconcentrés (des services de l'Immigration et de l'Intégration n'ont commencé à se mettre en place qu'en 2009 2010 dans les préfectures) et dont l'action reposait principalement sur les fonctionnaires d'autres ministères (les consulats, les préfectures, la police aux frontières) et sur des établissements publics (l'OFII et l'OFPRA)
A ces difficultés structurelles se sont ajoutés les objectifs que lui a fixés le Président de la République dans sa lettre de mission du 9 juillet 2007 : La part de l'Immigration de travail n'a pas atteint 50% de l'ensemble malgré les multiples obstacles posés pour limiter le droit des personnes à vivre en famille. (durcissement des conditions du regroupement familial, stage de français avant l'arrivée, répression menée contre les mariages mixtes). Le ministère s'est arc-bouté sur les objectifs chiffrés de reconduite à la frontière (29 000 par an depuis 2007) et a cherché à éliminer les contre-pouvoirs qu'il s'agisse des magistrats (rapport demandé à la commission présidée par M. Mazeaud sur la consitutionnalité de la nouvelle politique d'immigration) ou les associations (la mise en concurrence sur l'assistance associative dans les centres de rétention). Cherchant à justifier son intitulé , il a alors été lancé "le débat sur l'identité nationale" qui a tourné au fiasco. De même, les accords d'immigration concertée passés avec quelques pays africains ont certes permis de rouvrir des portes pour un nombre limité d'étudiants ou de travailleurs mais leurs stipulations visant à faciliter les reconduites ont terni l'image de la France auprès des peuples qui n'y voyaient qu'un jeu de dupes.
Le droit d'asile aurait pu servir de planche de salut. Les deux ministres successifs n'ont cessé de proclamer leur attachement à ce droit et en vantant la primauté de la France dans l'accueil des réfugiés en Europe et la part importante des crédits dédiés à cette question dans le budget du ministère. Mais obnubilés par d'autres questions, ils n'ont pas anticipé la crise de l'accueil des demandeurs d'asile qui sévit depuis deux ans en France et qui conduit des familles à dormir sous des tentes. La seule réponse a été de reprendre l'antienne du "faux demandeur d'asile" en enjoignant les préfets à utiliser plus fréquemment les procédures Dublin et prioritaires, voire à renvoyer des Afghans dans leur pays en guerre.
Des inquiétudes pour l'avenir.
D'une certaine manière, l'absorption par le ministère de l'Intérieur ne fait qu'officialiser un inclination originelle : malgré les déclarations d'intention, les politiques menées par les ministres successifs de l'Immigration se sont inscrites dans une logique sécuritaire où l'immigration est considéré comme un "risque sociétal". Dans un gouvernement "de combat", il est à craindre que Brice Hortefeux amplifie les mesures de répression comme le lui permettra le projet de loi en discussion au Parlement.
Pour la première fois depuis la fin de la 2e guerre mondiale, l'OFPRA (office français de protection des réfugiés et apatrides )est sous la tutelle du ministère de l'intérieur . Si Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, avait sans succès, cherché à prendre le contrôle en 2003, il avait constamment demandé à réduire le nombre de demandeurs d'asile. Il est à craindre que les mêmes pressions soient exercées pour accélérer l'instruction des demandes d'asile et ainsi reconduire les déboutés.
Enfin, l'une des transformations les plus importantes sera la généralisation des fichiers biométriques dans le contrôle des populations étrangères. Après EURODAC, VISABIO et OSCAR, le fichier général des étrangers (AGDREF) va bientôt devenir un fichier biométrique permettant de repérer immédiatement les étrangers sans papiers."