L'amnésie récidive
Le blog Droit des enfants du Monde, le 4 mars 2012 :
"D’ordinaire on fait reproche aux candidats aux élections d’avoir une mémoire sélective en oubliant leurs engagements une fois élus. Le président-candidat inaugure une nouvelle forme d’amnésie : l’oubli des lois qu’il a fait voter durant son quinquennat, et même durant toute la période où depuis 2002 il a eu comme ministre de l’intérieur des responsabilités sur le terrain de la sécurité !
Le passage de son discours de Bordeaux sur la justice des mineurs est révélateur.
Affirmant qu’« un mineur hyperviolent de 16 ans n’est plus un enfant », ce qui en soi manque de base scientifique, mais ne nous arrêtons pas sur ce point pourtant ... majeur, Nicolas Sarkozy veut que ce jeune soit jugé comme un adulte et donc ne relève plus d’un juge des enfants. Il en vient donc à prôner l’abaissement de la majorité pénale de 18 à 16 ans.
[...]
Tout d’abord les deux lois de mars et septembre 2007 ont singulièrement facilité le retrait de l’excuse atténuante de minorité aux jeunes de plus de 16 ans, mais de moins de 18 ans ayant commis un délit ou un crime. Quitte à devoir motiver leur décision, les juges peuvent aisément leur retirer ce « privilège » qui leur permet d’encourir une peine de moitié inférieure à celle encourue pour un acte équivalent commis par un adulte. Ils seront condamnés comme des majeurs. Et la loi elle-même retire automatiquement cette excuse au mineur en situation de double récidive, quitte aux juges à oser la rétablir en motivant leur décision.
En d’autres termes sait-on qu’en France un jeune de 16 ans peut être condamné à la réclusion criminelle à perpétuité ?
Deuxièmement le dispositif de peines-plancher est totalement applicable aux mineurs de 16-18 ans comme aux majeurs.
Troisièmement : des jeunes de 16 ans peuvent être désormais jugés par le tribunal correctionnel pour mineurs, juridiction non spécialisée. Si ce jeune de 16 ans est hyper violent comme l’avance le candidat-président, il aura déjà commis un délit et relèvera donc de ce tribunal institué par la loi du 10 août 2011 qui peut ne comprendre qu’un juge des enfants pour deux juges non spécialisés. Au 1er janvier 2013, ce TCM se verra adjoindre deux jurés populaires. En d’autres termes sur 5 juges il n’y aura dans la juridiction qu’un de ces juges des enfants dont Nicolas Sarkozy se méfie.
Faut-il ajouter que si les faits sont aussi graves que ceux que vise N. Sarkozy on sera dans le registre de la cour d’assises où, là encore, les juges des enfants sont minoritaires – deux pour une cour de 9 juges, professionnels et jurés compris.
Ainsi le candidat oublie bien ce que le président a déjà fait pour faire juger comme des adultes les jeunes de 16 ans « hyper violent »."