Un élection passionnante en vue...
Le Monde Diplomatique, édito du futur n° d'avril :
"L’élection française va-t-elle entraîner un changement de président sans que les débats décisifs de la période ouverte depuis 2007 soient tranchés pour autant ? L’alternance politique constituerait un soulagement pour les Français. Car, au-delà des travers les plus notoires du président sortant — son omniprésence, son exhibitionnisme, sa capacité à dire tout et puis son contraire, la fascination que lui inspirent les riches, à peu près égale à sa disposition à transformer les chômeurs, les immigrés, les musulmans ou les fonctionnaires en boucs émissaires de toutes les colères —, les cinq années écoulées ont marqué un recul de la démocratie politique et de la souveraineté populaire. [...] La subordination des cercles dirigeants français à une droite allemande de plus en plus arrogante, attachée à son credo d’une « démocratie conforme au marché », érode également la souveraineté populaire. La levée de cette hypothèque est au cœur du scrutin en cours. Et oblige à poser sans détour les termes du débat européen. Nul n’ignore que les programmes d’austérité mis en œuvre avec acharnement depuis deux ans n’ont apporté — et n’apporteront — aucune amélioration aux problèmes d’endettement qu’ils prétendent résoudre. Une stratégie de gauche qui ne remettrait pas en cause ce garrot financier est par conséquent condamnée d’emblée. Or l’environnement politique européen interdit d’imaginer que ce résultat puisse être obtenu sans combat. [...] Au-delà de ce qui les distingue — en matière de justice fiscale, par exemple —, MM. Sarkozy et Hollande ont soutenu les mêmes traités européens, de Maastricht à Lisbonne. Ils ont tous deux entériné des objectifs draconiens de réduction des déficits publics (3 % du produit intérieur brut en 2013, 0 % en 2016 ou en 2017). Ils récusent l’un et l’autre le protectionnisme. Ils attendent tout de la croissance. Ils défendent des orientations de politique étrangère et de défense identiques, dès lors que même la réintégration par la France du commandement intégré de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) n’est plus remise en cause par les socialistes français. L’heure est pourtant venue de rompre avec l’ensemble de ces postulats. Changer de président en est assurément la condition. Mais ni l’histoire de la gauche au pouvoir ni le déroulement de la campagne actuelle n’autorisent à imaginer qu’elle pourrait suffire."