Accueille dictateurs pour vacances
Le Syndicat de la Magistrature, le 22 août 2010 :
"Le vote par l’Assemblée nationale, le 13 juillet, du projet de loi d’adaptation du droit français à l’institution de la Cour pénale internationale sonne comme une excellente nouvelle pour les auteurs des crimes internationaux les plus graves. Les députés ont en effet choisi de consacrer plusieurs verrous juridiques visant à empêcher, en matière de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, l’exercice d’une justice indépendante. Premier de ces verrous, l’attribution d’un monopole absolu des poursuites au parquet, hiérarchiquement soumis au pouvoir exécutif. L’accès à un juge indépendant et impartial est pourtant l’une des colonnes vertébrales de l’Etat de droit.
Nous avons été nombreux à nous mobiliser pour que le projet de loi tendant à la suppression du juge d’instruction soit abandonné. Le juge européen a été notre allié pour rappeler que le représentant du parquet est aujourd’hui un magistrat sous tutelle ; il l’est également pour réaffirmer qu’une démocratie moderne doit offrir les voies d’accès les plus larges à un juge pour établir la vérité et obtenir réparation. La Cour européenne des droits de l’homme a récemment jugé qu’aucun obstacle ne devait exister à l’action judiciaire, en France, d’associations étrangères, y compris devant le juge pénal. Nous avons été nombreux, également, à demander la suppression ou la modification des articles 113-6 et suivants du code pénal qui confèrent au parquet un monopole des poursuites en matière de délits commis à l’étranger par des Français, y compris la corruption d’agents publics étrangers. Ce filtre, officiellement érigé pour protéger les fleurons de notre CAC 40 face à leurs concurrents qui, mal inspirés, dénonceraient ces infractions par pur opportunisme, permet un verrouillage des enquêtes perçues comme potentiellement embarrassantes. Elles le sont d’évidence, s’agissant de la corruption commise par des Français à l’étranger.
Le groupe de travail de l’OCDE avait, le 22 janvier 2004, alerté la France sur la contrariété de ce pouvoir de blocage à la lettre et à l’esprit de la convention de l’OCDE : ses préconisations sont restées lettre morte. Ce monopole est pourtant obsolète dans le contexte de l’internationalisation des infractions les plus graves. Il contredit les engagements de nos dirigeants qui ne cessent d’affirmer que la corruption serait devenue une nouvelle cause de l’humanité et prétendent être les meilleurs gardiens face aux menaces écologiques. Aujourd’hui, ce monopole se renforce. D’abord dans les faits puisque l’enquête préliminaire, effectuée sous le seul contrôle du parquet, est systématiquement privilégiée dans les dossiers susceptibles d’affecter les intérêts du cercle des décideurs et des amis les plus proches du pouvoir, le traitement judiciaire de l’affaire Bettencourt en est la dernière illustration.
Ensuite dans la loi, avec le projet que vient d’adopter le Parlement malgré les vives protestations de la Commission nationale consultative des droits de l’homme et des organisations qui militent contre l’existence de zones d’impunité pour les auteurs de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre. En ces matières, les victimes ne pourront pas se constituer parties civiles, c’est-à-dire engager des poursuites contre des auteurs présumés. Elles se trouveront ainsi plus démunies que la victime d’un vol de bicyclette ! Les arrière-pensées sont ici criantes tant il est vrai que la répression des crimes internationaux se télescope souvent avec les intrigues, parfois les plus sombres, de la diplomatie française. Comment, dès lors, ne pas voir ce double paradoxe : alors que nos dirigeants ne cessent de clamer que la résolution de la crise financière exige d’éradiquer l’argent sale et que les crimes internationaux doivent être inlassablement poursuivis, le parquet - piloté par l’exécutif - se montre généralement magnanime dès lors que les infractions dénoncées mettent en cause le cœur du pouvoir, et l’accès au juge ne cesse de se rétrécir pour les victimes de ces infractions. Le baromètre de la santé d’une démocratie se mesure à l’aune de la liberté laissée au juge de traiter en toute indépendance les affaires judiciaires susceptibles de compromettre les intérêts ou la réputation de ceux qui, du fait de leurs pouvoirs, sont tentés d’organiser leur impunité. De ce point de vue, la consolidation, en fait ou en droit, du pouvoir d’opportunité du parquet est évidemment une grave régression."
Le Syndicat de la Magistrature, le 22 août 2010 :
"Le vote par l’Assemblée nationale, le 13 juillet, du projet de loi d’adaptation du droit français à l’institution de la Cour pénale internationale sonne comme une excellente nouvelle pour les auteurs des crimes internationaux les plus graves. Les députés ont en effet choisi de consacrer plusieurs verrous juridiques visant à empêcher, en matière de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, l’exercice d’une justice indépendante. Premier de ces verrous, l’attribution d’un monopole absolu des poursuites au parquet, hiérarchiquement soumis au pouvoir exécutif. L’accès à un juge indépendant et impartial est pourtant l’une des colonnes vertébrales de l’Etat de droit.
Nous avons été nombreux à nous mobiliser pour que le projet de loi tendant à la suppression du juge d’instruction soit abandonné. Le juge européen a été notre allié pour rappeler que le représentant du parquet est aujourd’hui un magistrat sous tutelle ; il l’est également pour réaffirmer qu’une démocratie moderne doit offrir les voies d’accès les plus larges à un juge pour établir la vérité et obtenir réparation. La Cour européenne des droits de l’homme a récemment jugé qu’aucun obstacle ne devait exister à l’action judiciaire, en France, d’associations étrangères, y compris devant le juge pénal. Nous avons été nombreux, également, à demander la suppression ou la modification des articles 113-6 et suivants du code pénal qui confèrent au parquet un monopole des poursuites en matière de délits commis à l’étranger par des Français, y compris la corruption d’agents publics étrangers. Ce filtre, officiellement érigé pour protéger les fleurons de notre CAC 40 face à leurs concurrents qui, mal inspirés, dénonceraient ces infractions par pur opportunisme, permet un verrouillage des enquêtes perçues comme potentiellement embarrassantes. Elles le sont d’évidence, s’agissant de la corruption commise par des Français à l’étranger.
Le groupe de travail de l’OCDE avait, le 22 janvier 2004, alerté la France sur la contrariété de ce pouvoir de blocage à la lettre et à l’esprit de la convention de l’OCDE : ses préconisations sont restées lettre morte. Ce monopole est pourtant obsolète dans le contexte de l’internationalisation des infractions les plus graves. Il contredit les engagements de nos dirigeants qui ne cessent d’affirmer que la corruption serait devenue une nouvelle cause de l’humanité et prétendent être les meilleurs gardiens face aux menaces écologiques. Aujourd’hui, ce monopole se renforce. D’abord dans les faits puisque l’enquête préliminaire, effectuée sous le seul contrôle du parquet, est systématiquement privilégiée dans les dossiers susceptibles d’affecter les intérêts du cercle des décideurs et des amis les plus proches du pouvoir, le traitement judiciaire de l’affaire Bettencourt en est la dernière illustration.
Ensuite dans la loi, avec le projet que vient d’adopter le Parlement malgré les vives protestations de la Commission nationale consultative des droits de l’homme et des organisations qui militent contre l’existence de zones d’impunité pour les auteurs de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre. En ces matières, les victimes ne pourront pas se constituer parties civiles, c’est-à-dire engager des poursuites contre des auteurs présumés. Elles se trouveront ainsi plus démunies que la victime d’un vol de bicyclette ! Les arrière-pensées sont ici criantes tant il est vrai que la répression des crimes internationaux se télescope souvent avec les intrigues, parfois les plus sombres, de la diplomatie française. Comment, dès lors, ne pas voir ce double paradoxe : alors que nos dirigeants ne cessent de clamer que la résolution de la crise financière exige d’éradiquer l’argent sale et que les crimes internationaux doivent être inlassablement poursuivis, le parquet - piloté par l’exécutif - se montre généralement magnanime dès lors que les infractions dénoncées mettent en cause le cœur du pouvoir, et l’accès au juge ne cesse de se rétrécir pour les victimes de ces infractions. Le baromètre de la santé d’une démocratie se mesure à l’aune de la liberté laissée au juge de traiter en toute indépendance les affaires judiciaires susceptibles de compromettre les intérêts ou la réputation de ceux qui, du fait de leurs pouvoirs, sont tentés d’organiser leur impunité. De ce point de vue, la consolidation, en fait ou en droit, du pouvoir d’opportunité du parquet est évidemment une grave régression."