lundi 31 mai 2010

Jour 1118

Usine à électeur

Le Monde, 31 mai 2010 :

"Pour tenir l'objectif du non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux pour la période 2011-2013, le ministère de l'éducation nationale sollicite les académies. Lors d'une réunion avec les recteurs, début mai, un document a été discuté qui propose une méthode et une dizaine de "leviers" possibles. [...] Parmi les pistes possibles figurent notamment l'augmentation de la taille des classes, la réduction de la scolarisation des enfants de 2 ans, une meilleure organisation du remplacement des enseignants absents en recourant à des non-titulaires, la préférence pour des sessions de formation continue pour les professeurs placées "hors temps scolaire", la possible suppression d'"un millier d'emplois" d'intervenants extérieurs et d'assistants étrangers en langue "sans nuire à la qualité de la formation dispensée aux élèves"..."

samedi 29 mai 2010

Jours 1116 & 1117

La pêche au gros

Libé Strasbourg, le 29 mai 2010 :

"Le Cimade et l'association Casas ont manifesté hier devant leurs locaux, à Strasbourg, pour dénoncer une "chasse aux sans papiers facile et sans dangers". Les deux associations, qui épaulent les demandeurs d'asile, se plaignent de contrôles d'identité "quasi-quotidiens" menés par la police aux frontières "au niveau de l'arrêt de tram Porte de l'hôpital", donc à deux pas de leur porte. [...] Les associations ont écrit en septembre 2009 au préfet du Bas-Rhin pour dénoncer ces "entraves à (leur) travail" et lui demander de donner "les instructions nécessaires pour que ces pratiques cessent". Depuis, elles n'ont pas reçu de réponse."

vendredi 28 mai 2010

Jour 1115

La piscine

Le blog Secret Défense, le 28 mai 2010 :

"Hervé Morin a tranché le 22 avril dernier : il y aura bien une piscine dans le futur ministère de la Défense à Balard (Paris XVème). [...] Le bassin de 25 mètres avec 4 couloirs coutera 30 millions d'euros (10 d'investissements et 20 de fonctionnement), estime la DRESD [Délégation pour le regroupement des états-majors et services centraux de la Défense]."

jeudi 27 mai 2010

Jour 1114

Dora la clandestine


Image trouvée sur Freaking News


Lu sur le site de 20 minutes, le 22 mai 2010 :

"Avec sa coupe au bol et son sac-à-dos, Dora l'exploratrice apprend depuis 10 ans des rudiments d'espagnol aux enfants américains. Mais ces dernières semaines, l'héroïne se retrouve au centre d'un débat beaucoup plus adulte: celui sur la polémique réforme de l'immigration récemment votée en Arizona, qui incite les forces de l'ordre à contrôler le statut migratoire de tout individu en cas de «doute raisonnable» sur sa situation. [...] Vous trouvez ce débat surréaliste? Pas les Américains –pas tous, tout du moins. Dans un sondage à chaud sur le site de MSNBC, 62% des 3.500 votants indiquent que «si Dora était en effet sans-papiers» ils ne laisseraient plus leurs enfants regarder le dessin animé». Motif? «Cela leur donnerait un mauvais exemple.»"

mercredi 26 mai 2010

Jour 1113

Charité bien ordonnée...

Libération, le 25 mai 2010 :

"de nombreux gouvernements européens ont récemment décidé de réduire leur train de vie: le gel, voire la réduction des salaires des ministres, ainsi que la limitation des moyens accordés aux ministères sont prévus. Une décision symbolique en temps de crise, alors que de vastes plans d'austérité ont été annoncés ces dernières semaines. En France [...] le débat sur les salaires des ministres a timidement émergé. Début mai, la ministre de l'Economie Christine Lagarde avait évoqué cette piste, sans déclencher l'enthousiasme de ses collègues."

mardi 25 mai 2010

Jour 1112

Take a hint

Premier discours de Nick Clegg, le nouveau Vice-Premier ministre libéral-démocrate britannique, lu sur le blog Bug Brother, le 25 mai 2010 :

"Il est scandaleux que les gens respectueux des lois soient régulièrement traitées comme si elles avaient quelque chose à cacher.

Cela doit cesser.

Il n’y aura donc pas de système de carte d’identité.

Pas de registre national d’identité, pas de deuxième génération de passeports biométriques.

Nous ne surveillerons plus vos connexions internet et vos e-mails quand il n’y a tout simplement aucune raison de le faire.

La vidéosurveillance sera dûment réglementée, de même que la base de données ADN, avec des restrictions sur le stockage de l’ADN de personnes innocentes.

Et nous allons mettre fin aux pratiques qui risquent de faire de la Grande-Bretagne un pays où nos enfants grandissent en étant tellement habitués à voir violer leurs libertés qu’ils l’acceptent sans question.

Il n’y aura pas de base de données ContactPoint des enfants.

Les écoles ne pourront plus prendre les empreintes digitales des enfants sans même demander préalablement le consentement de leurs parents.

Ce gouvernement sera fier de voir les citoyens britanniques se dresser contre les démarches illégitime de l’État.

Cela donne de la valeur au débat, qui ne craint pas la dissidence.

C’est pourquoi nous allons supprimer les limitations sur le droit de manifester pacifiquement.

C’est pourquoi nous passerons en revue les lois sur la diffamation afin que nous puissions mieux protéger la liberté d’expression.

Et comme nous mettons en pièces le recueil des lois, nous allons faire quelque chose qu’aucun gouvernement n’a jamais fait :

Nous allons vous demander quelles sont les lois que vous pensez devoir être abrogées.

Parce que des milliers d’infractions pénales ont été créés sous le gouvernement précédent.

Rogner sur les liberté des gens n’a pas rendu nos rues plus sûres.

Légiférer de manière obsessionnelle transforme tout simplement les gens ordinaires en criminels potentiels.

Donc, nous allons nous débarrasser des lois inutiles, et une fois qu’elles ne seront plus là, elles ne reviendront pas."

lundi 24 mai 2010

Jour 1111

Tout nos vieux de bonheur

Le Monde, 24 mai 2010 :

"Où vont les milliards d'euros du lundi de Pentecôte ? Cette journée avait été décrétée au bénéfice des personnes âgées, après la canicule de 2003 qui avait coûté la vie à près de 15 000 personnes en France. Cette initiative rapporte chaque année plusieurs milliards d'euros à l'Etat : 2,29 milliards d'euros en 2008, 2,21 en 2009. Mais selon l'AD-PA, l'organisme qui rassemble les directeurs de services à domicile et d'établissements pour personnes âgées, une partie des crédits ne leur serait pas affectée. [...] "Aujourd'hui, les crédits ne sont pas dépensés intégralement et sont affectés à d'autres fins, alors que cet argent devrait être utilisé dans l'urgence à l'aide aux services à domicile pour les personnes âgées, affirme Pascal Champvert, président de l'AD-PA. Le secteur est sous la menace de licenciements, de nombreuses associations d'aide aux personnes âgées ne parviennent pas à s'en sortir faute de moyens. Depuis 2004, 2 milliards d'euros cumulés ont été utilisés à d'autres fins. Une partie de notre budget s'évapore, ce n'est pas acceptable." Selon un rapport conjoint de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l'Inspection générale des finances (IGF), il apparaît en effet que depuis 2004 des centaines de milliers de crédits dédiés au financement des établissements et des services dédiés aux personnes âgées se sont accumulés et n'ont pas été utilisés à cette fin. Cinq millions en 2004, 495 en 2005, 385 en 2006, 430 en 2007, 540 en 2008… pour parvenir à 1,855 milliard d'euros d'"excédents" en 2009. Une partie de ces crédits non utilisés "vont financer le déficit de l'Assurance-Maladie ou vont aller directement dans les caisses de l'Etat", affirme Pascal Champvert."

dimanche 23 mai 2010

Jours 1109 & 1110

Encore une mauvaise note

L'Observatoire International des Prisons :

"Le Comité contre la torture des Nations-Unies vient de rendre ses observations finales. La sévérité des appréciations formulées sur la situation carcérale française marque un désaveu cinglant de la politique pénitentiaire mise en oeuvre depuis le dernier examen (2005) et consacrée par la loi du 24 novembre 2009.

[...]

Voici les principales observations concernant le champ carcéral :

1) En premier lieu, le Comité contre la torture demande au gouvernement de « considérer l'abrogation » de la rétention de sûreté, qui permet l'enfermement illimité des condamnés à de lourdes peines à l'issue de l'exécution de celles-ci. « Outre la remise en cause flagrante du principe de légalité pénale » la mesure est également « de nature à soulever des questions » au titre de l'interdiction des traitements cruels, inhumains ou dégradants, considère le Comité (§29). Plus globalement, ce dernier invite notre pays « à entreprendre une réflexion importante sur les effets de sa politique pénale récente sur la surpopulation carcérale », notant que le « recours accru à la détention » est le « corollaire direct » des « nombreuses lois pénales récentes, visant un durcissement des peines et une
diminution de la récidive ». Il enjoint à la France « d'envisager un recours plus important à la substitution de peines non-privatives de liberté aux peines d'emprisonnement encourues en l'état actuel » (§24).


2) Le Comité remet fondamentalement en cause le choix du gouvernement d'instaurer des régimes de détention différenciés, relevant notamment que le système entériné par la loi pénitentiaire « emporte nécessairement des conséquences pouvant relever de l'arbitraire dans les conditions d'exécution de la peine. Il est ainsi possible d'imaginer qu'un traitement punitif disciplinaire, ou des privations d'accès à certains droits en détention, pourraient, par leur répétition, leur absence de justification, et/ou la façon arbitraire dont ils sont dispensés constituer des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants » (§27). Ce faisant, le Comité rejoint les diverses instances nationales et internationales qui ont d'ores-et-déjà eu à connaître de ce système, qui constitue l'axe central de la réforme des prisons engagée par l'administration pénitentiaire. Le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, la Commission nationale consultative des droits de l'homme et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ont déjà dénoncé l'arbitraire ménagé au profit des services pénitentiaires par ce système et ses effets ségrégatifs.


3) La France est à nouveau fermement blâmée à raison du régime des fouilles corporelles intégrales des personnes détenues. Le Comité demande la mise en place de mesures de détection par équipement électronique « de façon à supprimer totalement la pratique des fouilles corporelles ». Dans l'immédiat, il demande « un strict contrôle de l'application du régime des fouilles corporelles, a fortiori les fouilles intégrales et internes, en veillant à ce que seules les méthodes les moins intrusives, et les plus respectueuses de l'intégrité physique des personnes soient appliquées » (§28).


4) S'agissant de l'introduction des pistolets à impulsion électrique en détention (appelés Taser), le Comité met le gouvernement en garde sur le fait que l'utilisation d'un tel matériel pourrait caractériser une « torture » et relève en outre « un manque d'information précise quant aux modalités précises de son utilisation » (§30).


5) Le Comité se déclare vivement préoccupé par « le nombre de décès par suicide en milieu carcéral » et par le fait que « plus de 15% des personnes détenues qui ont mis fin à leurs jours en 2009 subissaient une sanction en quartier disciplinaire ». Il demande en outre que l'isolement demeure une mesure exceptionnelle et limitée dans le temps, en accord avec les normes internationales (§26).


6) Le Comité demeure particulièrement préoccupé face à la persistance d'allégations qu'il a reçues au sujet de cas de « mauvais traitements qui auraient été infligés par des agents » à des détenus et à d'autres personnes entre leurs mains. Il demande que « chaque allégation de mauvais traitementsimputable à des agents de l'ordre fasse promptement l'objet d'une enquête transparente et indépendante » (§§21/31/32). Il demande en outre des informations sur les suites concrètes données aux travaux du Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL).


7) A cet égard, le Comité a aussi exprimé ses craintes sur les conséquences de la création d'un "Défenseur des droits" et notamment sur la perspective que puissent disparaître les autres instances de protection des droits de l'homme en intégrant cette nouvelle institution. Il invite la France à assurer le fonctionnement effectif et non-interrompu du Contrôleur général, mais aussi des autres instances indépendantes complémentaires (Médiateur de la République, du Défenseur des enfants, et de la Commission nationale de déontologie de la sécurité) « qui, outre leur rôle de médiation, assurent une fonction essentielle de contrôle du respect des droits, et veillent ainsi au respect de l'application de la Convention, avec chacune une expertise particulière » (§34)."

vendredi 21 mai 2010

Jour 1108

Anti-gaspi

Libération, le 20 mai 2010 :

"Le médiateur de l’énergie, Denis Merville, reçoit de plus en plus de réclamations émanant de consommateurs en situation de forte précarité financière et qui ne peuvent plus régler leur facture d’électricité et de gaz, a-t-il signalé jeudi.

[...]

«Le nombre de saisines est en forte augmentation: nous comptons dix fois plus de réclamations pour des problèmes de précarité début 2010 que début 2009», explique Marie-Claude Lassadi, chef du service recevabilité du médiateur de l’énergie, qui dit recevoir une cinquantaine de demandes de ce type par mois.

Environ 3,4 millions de ménages sont dans une situation de précarité énergétique, c’est-à-dire qu’ils dépensent plus de 10% de leurs revenus à régler leurs factures d’énergie, selon un rapport commandé par le gouvernement publié en janvier.

[...]

Au total, le médiateur de l’énergie a reçu 5.111 saisines en 2009, soit près de 4 fois plus qu’en 2008."

jeudi 20 mai 2010

Jour 1107

Plus à droite qu'Attila

Observations du Syndicat de la magistrature sur le projet de loi LOPPSI 2, le 19 mai 2010 :

"La « loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure » se présente comme un énième texte répressif d’inspiration sécuritaire à l’instar de tous ceux qui ont été votés à un rythme effréné depuis 2007.

Véritable inventaire de dispositions n’ayant entre elles aucune véritable cohérence, ce projet de loi « enrichi » d’amendements venant de la frange la plus droitière de l’Assemblée nationale, offre un condensé de l’idéologie primaire et dangereuse qui gouverne depuis plusieurs années le traitement des questions de « sécurité » dans notre pays.

Création de délits inutiles, répression accrue sur des catégories ciblées, fichage et surveillance généralisés de la population, pénalisation des enfants et familles en difficulté, extension de l’impunité de l’Etat, défiance à l’égard du juge en tant que gardien des libertés individuelles, avènement d’une justice virtuelle et déshumanisée : telles sont les « performances » de ce texte qui nous prépare une société du Contrôle."

La liste qui suit dans l'article est longue et... Inquiétante.

mercredi 19 mai 2010

Jour 1106

Qui nous garderas de nos gardiens ?

Le Monde, 18 mai 2010 :

"La Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) s'attaque, parmi d'autres abus, aux fouilles à nu humiliantes, dans son rapport annuel publié mercredi 18 mai. La commission déplore par ailleurs que ce rapport puisse être le dernier. L'année 2009 a connu une augmentation de 50 % du nombre de saisines de la CNDS, créée en 2000 pour veiller au respect de la déontologie par les forces de sécurité (policiers, gendarmes, surveillants de prison, etc.). [...] Une fois encore, poursuit le rapport, la commission a constaté "des manquements graves à la déontologie relatifs à la garde à vue", qui a représenté 43 % des dossiers police-gendarmerie, contre 33 % l'année précédente. Les réclamations portent notamment sur "l'opportunité de la mesure", sa durée, le "recours à des procédés déloyaux" et "le recours systématique à la fouille à nu". Elle rappelle que ce type de fouille "est une pratique attentatoire à la dignité et qu'elle doit dès lors être proportionnée au but à atteindre – la découverte d'objets illicites et dangereux", et ajoute que "toute personne privée de liberté n'est pas susceptible de dissimuler de la drogue ou des armes dans les parties intimes de son corps". La CNDS recommande que la fouille à nu soit "encadrée par un texte législatif et contrôlée par l'autorité judiciaire". Elle demande aussi que les fouilles en présence de plusieurs personnes soient prohibées, et que l'agent soit "du même sexe que la personne fouillée". La commission souhaite que l'utilisation des détecteurs de métaux ou de scanners soit "privilégiée", et que la responsabilité des fonctionnaires ne soit pas engagée en cas d'incident s'ils ont décidé, "avec discernement", de ne pas procéder à une fouille à nu. Dans son rapport, la commission déplore en outre des violences sur des étrangers en situation irrégulière, des injures à caractère raciste ou homophobe, des contrôles d'identité illégaux. Elle a aussi étudié l'usage "des matériels de contrainte et de défense", tels que le pistolet à impulsion électrique Taser et les "lanceurs de balles de défense" (Flash-Ball). [...] Or l'augmentation "sans précédent" de ses saisines est enregistrée alors qu'il est question de supprimer la CNDS. Selon un projet de loi qui sera débattu le 27 mai au Sénat, elle doit se fondre dans le nouveau poste de "défenseur des droits", de même que le médiateur de la République et le défenseur des enfants. Pour la CNDS, ce projet "marque un recul" dans la protection des droits et libertés, du fait notamment de la "disparition du mode actuel de désignation" qui garantit son "impartialité"."

mardi 18 mai 2010

Jour 1105

Big Brother Awards

Le blog du Monde, Bug Brother, le 12 mai 2010 :

"Les Big Brother Awards (j’en suis), qui célèbrent tous les ans la montée en puissance de la société de surveillance (et qui fêtent cette année leurs 10 ans) avaient nominé une cinquantaine de personnalités politiques, administrations publiques, entreprises privées… [...] Brice Hortefeux, qui avait déclaré “Si vous n’avez rien à vous reprocher, vous n’avez pas à avoir peur d’être filmé” quelques jours avant qu’une caméra de Public Sénat ne le filment à faire sa blague sur les Auvergnats (voir Hortefeux fustige la vidéosurveillance dont il a fait l’objet), remporte pour sa part le prix Orwell Novlangue, pour sa volonté de remplacer le terme vidéosurveillance par celui de vidéoprotection…"

lundi 17 mai 2010

Jour 1104

Bouclier mental

Libération, rubrique Desintox, le 14 mai 2010 :

"«Les chiffres dont nous disposons aujourd’hui montrent qu’il y a des personnes qui reviennent en France grâce au bouclier fiscal, et qu’il y en avait qui partaient, beaucoup plus nombreuses, avant le bouclier fiscal.» Xavier Bertrand Le 6mai, sur le site de l’UMP [...] A ce niveau-là, ce n’est plus de l’intox, c’est de l’aveuglement. Car les chiffres que les services de Bercy ont rendus publics infirment les propos de Xavier Bertrand. Alors même que le bouclier fiscal sauce Nicolas Sarkozy a été mis en place fin 2007, le nombre d’exilés fiscaux a en fait augmenté entre 2007 et 2008 : 821 redevables à l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ont quitté la France en 2008, contre 719 en 2007. Et même s’ils ont été plus nombreux à revenir (312 en 2008, contre 246 en 2007), le solde migratoire des grosses fortunes reste négatif, et s’est même détérioré en un an : - 509 redevables à l’ISF en 2008, contre - 473 en 2007."

A ériger le mensonge en discours politique on change les électeurs en cyniques. Et les chiens attendent leur maître...

samedi 15 mai 2010

Jours 1102 & 1103

La banque gagne encore

Encore un excellent article de Frédéric Lordon sur son blog, la Pompe à Phynance, le 11 mai 2010 :

"Même les plus épais des commentateurs autorisés se sont aperçus que les sommes énormes péniblement assemblées pour « sauver la Grèce » sont en fait destinées à sauver… les investisseurs. Banques, fonds et autres créanciers internationaux sont en effet les heureux récipiendaires de fait de l’effort des citoyens grecs et des fonds publics européens, c’est dire tout de même que la solidarité n’est pas un vain mot et demeure une valeur sûre en ces temps troublés. [...] Or aucun État n’est jamais mort de faire défaut sur sa dette pour la simple et bonne raison que l’expression « faire faillite » n’a rigoureusement aucun sens à propos d’une entité politique souveraine – et ceci à la différence des banques privées en 2008 qui, n’eussent-elles été sauvées, étaient, elles, promises au trépas. En bonne logique si l’État ne meurt pas de défaut, ce n’est pas l’État qu’on sauve. Alors qui ? Ses créditeurs, bien sûr. [...] les banquiers mentent systématiquement à propos de leurs expositions et comme des arracheurs de dents. À l’automne 2007, on se souvient que l’état-major de la Société Générale jure ses grands dieux que « dans le pire des scénarios » elle ne risque pas plus de 200 millions de perte sur les subprime – elle finira à 2,5 milliards, astucieusement passés en douce avec le paquet Kerviel pour faire diversion et dilution. Baudoin Prot, président de BNP-Paribas a commencé par promettre qu’il n’avait quasiment pas d’exposition aux risques souverains grecs. Avant d’avouer 1 milliard d’euros. Puis cinq. Auxquels il faut rajouter trois de créances commerciales. Et ceci dit en oubliant opportunément qu’il est aussi l’heureux propriétaire de Fortis qui est la banque européenne recordwoman de la détention de titres publics grecs (à hauteur de 60 % de son actif net si l’on en croit les données publiées par le Financial Times, cet organe des rouges). [...] On pourrait tout de même tirer de tout cela quelques conclusions simples. La première tient qu’un système dont les effets sur la vie matérielle du plus grand nombre sont si grands – il faudrait le dire en anglais, ici plus parlant : far reaching – et qui, fonctionnant en dernière analyse aux forces primitives de l’opinion et de la croyance, est voué aux formes les plus aberrantes du soupçon et aux réactions les plus aberrantes qui s’en suivent nécessairement, un tel système, donc, est malfaisant, et donne par soi, de nombreuses raisons de le mettre au pas. [...] il suffit d’en tirer les conclusions logiques : s’il apparaît que du fait des propriétés très spéciales du crédit en économie de marché capitaliste le secteur bancaire est le détenteur de fait des intérêts matériels supérieurs de la communauté, et qu’il dispose des moyens objectifs de forcer la communauté à lui accorder tout ce qu’il demande, alors il doit être rendu à la communauté."

vendredi 14 mai 2010

Jour 1101

ça faisait longtemps...

Le Monde, 14 mai 2010 :

"Une famille géorgienne en situation irrégulière qui avait été expulsée vers la Pologne a dû être rapatriée car les policiers avaient oublié le dernier fils, âgé de deux ans. Les deux parents, accompagnés de deux de leurs trois enfants, avaient été arrêtés le 11 mai dans un hôtel à Nancy où ils résidaient, puis transférés au centre de rétention administrative de Lyon. [...] "Ils ont alors dit qu'ils avaient un troisième enfant, mais sans préciser où il se trouvait, a expliqué un porte-parole de la préfecture de la Meurthe-et-Moselle. Nous n'avions donc pas d'éléments qui nous permettaient de savoir s'il était en France, en Pologne ou en Géorgie." La famille a ensuite été conduite en Pologne, premier Etat par lequel ils sont entrés dans l'Union européenne il y a onze mois. "Les autorités polonaises ont refusé la réadmission quand elles ont constaté qu'il manquait leur fils de 2 ans. Ce qui a obligé les autorités françaises à ramener la famille à Lyon, puis à Nancy", a expliqué l'avocat de la famille, Me Christophe Sgro. L'avocat dénonce "une mesure prise dans la précipitation, sans que les autorités tiennent compte du facteur humain". Dès le lendemain, le 12 mai, la famille aurait pu déposer une demande d'asile en France. "La préfecture voulait donc absolument qu'ils aient quitté le territoire français avant cette date", estime-t-il. C'est ainsi qu'un avion privé avait été affrété pour conduire la famille en Pologne depuis Lyon, a révélé Me Sgro."

jeudi 13 mai 2010

Jour 1100

Le courant ne passe plus

Le Monde, 13 mai 2010 :

"L'ouverture du marché de l'énergie, le 1er juillet 2007, n'a guère bénéficié aux particuliers, qui sont finalement restés fidèles à leurs fournisseurs "historiques" [...] Le projet de loi sur la nouvelle organisation du marché de l'électricité (NOME), qui doit être examiné le 8 juin à l'Assemblée nationale, est destiné à favoriser la libéralisation du secteur. [...] La mesure phare du texte prévoit qu'EDF devra vendre jusqu'à 25 % de sa production nucléaire jusqu'en 2025 – et à un prix compétitif – aux autres fournisseurs sur le marché français (GDF Suez, Poweo, Direct Energie, E.ON, Enel...) afin qu'ils puissent faire des offres capables de soutenir la concurrence de l'opérateur historique. Mais à quel prix ? [...] Les Français bénéficient d'un prix du courant très compétitif : il est inférieur de plus de 30 % à la moyenne européenne. "

Pour ceux qui n'ont pas suivit, l'ouverture à la concurrence risque vite de faire grimper les prix. C'est beau.

mercredi 12 mai 2010

Jour 1099

L'école du rire

Le Monde, 12 mai 2010 :

"C'est le constat dramatique d'un dysfonctionnement généralisé, de la maternelle à la fin du lycée, que tire la Cour des comptes de son analyse du système scolaire français. [...] Contrairement à ce que pensent nombre de Français de leur école – et malgré un budget qui est le premier de l'Etat –, la politique de l'éducation nationale aggrave les inégalités et produit trop souvent de l'échec. Un constat dû en grande partie au fait que le système impose et empile d'en haut ses directives et ses réformes sans tenir compte des besoins de l'élève ni vérifier leur efficacité sur le terrain. [...] Le rapport de la Cour des comptes, pointe un "hiatus" important entre les coûts et les performances de notre école : "La France est le pays de l'OCDE où le retard scolaire à 15 ans est le plus important (…), un de ceux où les écarts de résultats entre élèves se sont le plus accrus [et] où l'impact de l'origine sociale sur les résultats des élèves est le plus élevé ", souligne le rapport. [...] La Cour demande "que ce soient les équipes pédagogiques qui déterminent les modalités de répartition des moyens d'enseignement et d'accompagnement personnalisé". Une mesure révolutionnaire que le ministère ne peut accepter, car elle reviendrait à le destituer."

mardi 11 mai 2010

Jour 1098

Nuit de folie

Le Monde, 11 mai 2010 :

"Un rapport parlementaire, publié mardi 11 mai en France, s'alarme de l'afflux de malades mentaux dans les prisons françaises [...] Ce rapport est publié en pleine crise du milieu carcéral, qui reste surpeuplé avec plus de 61 700 détenus pour 55 000 places, où suicides et incidents se multiplient. Une mission d'information du Sénat a conclu que les prisons françaises accueillaient de plus en plus de personnes atteintes de maladies psychiatriques, par l'effet presque mécanique de la baisse des capacités d'hospitalisation de ce secteur, passées entre 1985 et 2005 de 129 500 à 89 800 lits. [...] Une réforme de 1993 qui a distingué "abolition" du discernement, où la sanction pénale est impossible, et "altération", où l'emprisonnement redevient une option, a abouti à l'incarcération presque habituelle de personnes démentes."

lundi 10 mai 2010

Jour 1097

Libérez le nucléaire

Libération, le 10 mai 2010 :

"Dans le magma d’articles discutés la semaine dernière dans la loi Grenelle 2, l’un d’entre eux a peu fait parler de lui. Il concerne les rejets dans l’environnement des installations nucléaires.

Cet amendement supprime purement et simplement la procédure d’enquête publique pour toutes les demandes d’augmentation des rejets radioactifs et chimiques et des prélèvements d’eau des installations nucléaires. [...] En matière nucléaire, une autorisation est nécessaire quand on modifie notablement l’activité de l’installation car celle-ci peut entraîner une augmentation des rejets dans l’environnement. «Or, dans sa formulation, l’amendement dissocie augmentation des rejets et modification de l’activité: plus besoin de modifier son installation pour rejeter plus dans l’environnement, donc plus besoin de mener une enquête publique»"

dimanche 9 mai 2010

Jour 1095 & 1096

Le pipeau continue

Libération, rubrique désintox, le 8 mai 2010 :

"Dans un document vantant les résultats de l’action présidentielle, l’Elysée se félicite d’un bond de 2,1% du pouvoir d’achat des ménages en 2009. [...] Ces dernières années, les chiffres du pouvoir d’achat ont été largement contestés. Principal argument : le revenu «disponible» des Français est cannibalisé, pour une part croissante, par des dépenses contraintes (logement, téléphone, énergie, etc.). Il y a un an, l’Insee a donc mis en avant un nouvel outil statistique, le «pouvoir d’achat du revenu arbitrable», correspondant à ce qui reste aux Français une fois honorées ces dépenses contraintes. Et si l’on se fie à cet indicateur, le pouvoir d’achat arbitrable par unité de consommation a baissé de 0,7% en 2008 [...] Ni l’Elysée ni Bercy n’ont communiqué sur ce chiffre. [...] Sur TF1 et France 2, le 29 novembre 2007, il avait tempêté contre les statistiques de l’Insee. «Les gens qui font leurs courses voient parfaitement que la vie a augmenté beaucoup plus vite que n’augmentent leurs revenus.../... Je demande qu’on crée un indice du pouvoir d’achat qui corresponde enfin à la vie quotidienne des Français, pour que les Français aient le sentiment qu’on ne se moque pas d’eux, pour qu’on ne leur raconte pas de fariboles.» [...] certains outils existent désormais [...] Mais, Sarkozy ne semble plus aussi désireux d’affiner les statistiques."

vendredi 7 mai 2010

Jour 1094

Régime sec

Le Monde, 6 mai 2010 :

"Le premier ministre, François Fillon, a annoncé, jeudi 6 mai, un gel des dépenses publiques pour les trois prochaines années. [...] Mathieu Plane, économiste à l'Observatoire français de la conjoncture économique, ces annonces remettent en cause l'organisation de la fonction publique, tout en posant des questions sur les priorités du gouvernement [...] Les dépenses d'intervention de l'Etat (150 milliards d'euros d'engagements autorisés en 2009), ce sont principalement des aides à l'emploi, des aides sociales (allocations et subventions), des aides économiques... Qui sont les seuls amortisseurs publics face à la situation actuelle, à savoir un marché de l'emploi sclérosé et des difficultés accrues chez les populations précaires. Diminuer ces aides se traduira forcément par plus de pauvreté. Tout le problème vient, selon moi, d'un mauvais diagnostic de sortie de crise de la part du gouvernement. On est encore en plein dedans, tant au niveau économique que social !"

jeudi 6 mai 2010

Jour 1093

Finalement, le droit du travail...

Les Echos, 6 mai 2010 :

"Le tribunal des prud'hommes de Paris a donné raison à Jacques Creyssel. Il a jugé que l'ancien directeur général du Medef, qui contestait son licenciement pour « faute grave » en juillet 2008, a été licencié « sans cause réelle et sérieuse » et condamne l'organisation patronale à lui verser plus de 700.000 euros."

Si même le MEDEF fait appel aux Prudhommes... On apprends en plus dans cette article que son salaire de directeur général du MEDEF était de 27 000 euros mensuels.

mercredi 5 mai 2010

Jour 1092

Bachelot, c'est fou

Le Monde, 5 mai 2010:

"La ministre de la santé, Roselyne Bachelot, a affirmé que les psychiatres de ville pourront délivrer des soins sans consentement dans un entretien à Libération mercredi. "Les psychiatres des villes pourront délivrer des soins sans consentement, sous la responsabilité du médecin de l'hôpital qui suit le patient", a-t-elle précisé. Roselyne Bachelot doit présenter mercredi en conseil des ministres un projet de loi sur la psychiatrie prévoyant ces soins sans consentement. "C'est une loi importante car elle remplace la notion d'hospitalisation par celle de soins", a estimé la ministre."

Vous êtes un peu déprimé ? L'avenir semble sombre et incertain ? Nous n'y sommes pour rien, prenez donc une pilule...

mardi 4 mai 2010

Jour 1091

Ne nous aidez plus

Le Monde Diplomatique, 3 mai 2010 :

"L’Europe s’apprête à « aider la Grèce » comme le Fonds monétaire international (FMI) a autrefois « aidé » l’Argentine, la Russie…

Toutefois, charité bien ordonnée commence par soi-même : la France et l’Allemagne, pour ne citer que ces deux pays, vont emprunter plusieurs milliards d’euros sur les marchés financiers, à un taux très modéré, afin de prêter aussitôt cette somme aux Grecs, à un taux plus élevé. Est-ce cela qu’on appelle la « solidarité européenne » ?

M. Eric Woerth, ministre français des affaires sociales (et ancien ministre du budget), a expliqué les choses le 29 avril dernier sur France Inter : « En aidant la Grèce, on s’aide nous-mêmes. Les 6 milliards [d’euros prêtés à la Grèce par la France] on ne les a pas trouvés dans les caisses de l’Etat. On les emprunte à un taux d’environ 1,4 ou 1,5 % et on les prête aux Grecs à environ 5 %. Donc nous ferons un gain là-dessus. C’est bon pour le pays, c’est bon pour la Grèce, c’est surtout bon pour la zone euro. Il faut rassurer les marchés. C’est toujours comme ça, il faut rassurer les marchés. [...] Il faut rassurer, il faut tendre un filet de sécurité public. »

C’est en effet « toujours comme ça » : on rassure « les marchés » avec « un filet de sécurité public ». Les banques le savent. A ceci près qu’elles ont obtenu, elles, des prêts publics aux taux les plus bas qui soient. Et qu’elles les ont ensuite utilisés pour proposer des crédits … à un taux sensiblement plus élevé. Ce qui a permis à leurs actionnaires et à leurs dirigeants d’empocher la différence sans prendre le moindre risque.

Ce n’était sans doute pas assez pour elles. Et on en revient à … la Grèce. Car, sous couvert d’aider ce pays, en lui infligeant une de ces « thérapies de choc » dont le FMI, pas si nouveau que ça en vérité, a le secret, il s’agit aussi de permettre à Athènes de payer ses créanciers. Au nombre desquels des institutions financières françaises et allemandes…

Les Grecs, qui vont dans certains cas perdre deux mois de salaire et payer 4 % de TVA de plus qu’en février dernier, seront-ils assez ingrats pour ne pas remercier l’Europe de les avoir ainsi « aidés » ?"

lundi 3 mai 2010

Jour 1090

Décalage

L'Observatoire des Inégalités, le 27 avril 2010 :

"Pour la première fois depuis de nombreuses années le nombre de personnes pauvres de plus de soixante ans augmente, et de façon non-négligeable : + 100 000 personnes entre 2005 et 2007, selon les données de l’Insee en utilisant le seuil de pauvreté à 50 % du revenu médian [1]. Une progression de 25 %. Le phénomène est plus connu, mais encore plus marqué, chez les jeunes : + 300 000 entre 2001 et 2007, soit une hausse de 27 %.

Il est trop tôt pour parler de mouvement de fond pour les plus âgés. La récession amorcée en 2008 a surtout pesé sur les plus jeunes, mais rien ne dit que la situation des seniors se soit améliorée. Depuis des années, les politiques publiques de lutte contre la pauvreté se concentrent sur le retour vers l’emploi, oubliant de fait les aînés. Le gouvernement a revalorisé le minimum vieillesse (709 euros en 2010), mais celui-ci demeure nettement sous le seuil de pauvreté (757 euros en 2007). Pour les moins de 30 ans, la dégradation est considérable. Compte tenu de la hausse du chômage, il est probable que le nombre de jeunes vivant sous le seuil de pauvreté a encore progressé."

samedi 1 mai 2010

Jour 1088 & 1089

ça coince...

Le Syndicat de la Magistrature, le 14 avril 2010 :

"Madame la garde des sceaux,

Invitée dimanche 11 avril d’une émission politique, vous vous êtes cru autorisée à tenir un discours où la légèreté du raisonnement le disputait au mépris pour l’administration dont vous avez la charge.

Ainsi, après avoir constaté que le juge d’instruction avait « déjà pratiquement disparu, ce qu’on ne sait pas », puisqu’il ne traite que « 3 % » des affaires, « c’est-à-dire essentiellement les crimes et puis un certain nombre d’affaires sensibles », vous avez développé une théorie assez stupéfiante sur le fonctionnement de la justice.

Un mot sur la méthode. Vous fondez vos conclusions sur une bien singulière expertise : « Moi, quand j’écoute les gens, quand j’écoute mes électeurs, à Saint-Jean-de–Luz par exemple (…) ils me disent… ». La suite de votre raisonnement ne découle que de ce que vous diraient vos administrés – procédé bien commode pour légitimer des idées populistes, mais technique tellement démagogique et éprouvée qu’elle en devient risible.

Et justement, s’agissant du ministère public, ces électeurs providentiels « ne (vous) disent pas, ou rarement, que le gouvernement est intervenu pour que l’affaire n’apparaisse pas ».

En revanche, heureux hasard, ils vous « disent qu’ils se sont trouvés face à un juge qui avait des positions politiques différentes des (leurs), qui avait des positions syndicales, qui a été influencé par les médias, qui a été influencé parce qu’il était au Rotary, ou dans tel groupe, ou parce qu’il était franc-maçon »...

Conclusion, idéale pour votre conception de la justice : « Le parquet indépendant, ça ne changerait rien quant aux soupçons qui pèsent sur les personnes en raison de l’influence qu’elles peuvent avoir sur tel ou tel point ».

Nous passons volontiers, Madame le garde des sceaux, sur les approximations de vos propos quant au nombre et à la nature des affaires confiées aux juges d’instruction. Nous observons cependant qu’ils font opportunément l’impasse sur les raisons politiques qui ont conduit, ces dernières années, à restreindre au maximum la saisine de ces magistrats, afin de faire le lit de votre réforme et d’éviter qu’une instance indépendante ne conduise certaines affaires délicates.

En revanche, nous n’acceptons pas que vous pratiquiez la désinformation, en accusant de manière caricaturale les magistrats d’être responsables de la lenteur des procédures (« …et j’en ai toute une liste, qui datent de quinze ans »). Vous pouvez feindre de l’ignorer mais cette lenteur, parfois réelle, résulte de nombreux facteurs au premier rang desquels la faiblesse du budget que vous obtenez pour votre ministère. Plus graves encore, vos insinuations selon lesquelles les magistrats seraient mus, au moment de juger, par des considérations idéologiques.

Vous vous prétendez guidée par une volonté de réconcilier les Français avec leur justice : on ne saurait pourtant mieux s’y prendre pour ruiner le crédit qui s’attache à celle-ci.

D’un point de vue institutionnel, vos positions sont totalement biaisées : vous choisissez d’évacuer la question fondamentale des garanties statutaires au profit d’un simple et vague rappel déontologique, comme si seule la rigueur personnelle du magistrat, certes indispensable, était de nature à garantir son indépendance et son impartialité. Vous semblez appeler de vos vœux des juges complètement déconnectés des réalités sociales, et peu vous importe si leur statut en fait des relais du pouvoir exécutif. Pensez-vous sérieusement que les citoyens de Saint-Jean-de-Luz et d’ailleurs acceptent une telle justice ?

Au passage, votre discours vous permet, au nom de l’impartialité, de mener une croisade que l’on pensait révolue contre le syndicalisme judiciaire, pourtant reconnu dans ce pays depuis 1972. Ces propos lourds de menaces témoignent d’une perception aussi étriquée que régressive de la fonction judiciaire.

Le justiciable n’a rien à craindre de l’engagement du magistrat dans la vie de la cité, facteur de décisions adaptées et comprises. Il a davantage à redouter, au nom même de l’apparence d’impartialité, du mouvement législatif auquel vous participez qui limite toujours plus la collégialité des décisions et l’existence d’audiences publiques.

Le Syndicat de la magistrature a toujours manifesté son attachement aux questions de déontologie, dont l’impartialité est une composante essentielle. Il y a quelques semaines, nous vous avons d’ailleurs alertée sur un grave dysfonctionnement qui semblait avoir affecté la bonne marche de la justice toulousaine. Nous attendons toujours une réponse ou une réaction de votre part. Mais peut-être certaines impartialités vous tourmentent-elles moins que d’autres ?

Pour conclure, Madame la garde des sceaux, nous savons combien votre position est actuellement inconfortable. Votre réforme de la procédure pénale est dans l’impasse et vous devez garder la face. Cela ne doit pas vous conduire à faire peser, pour les besoins de votre communication, la responsabilité de cet échec annoncé sur les magistrats."