Ne nous aidez plus
Le Monde Diplomatique, 3 mai 2010 :
"L’Europe s’apprête à « aider la Grèce » comme le Fonds monétaire international (FMI) a autrefois « aidé » l’Argentine, la Russie…
Toutefois, charité bien ordonnée commence par soi-même : la France et l’Allemagne, pour ne citer que ces deux pays, vont emprunter plusieurs milliards d’euros sur les marchés financiers, à un taux très modéré, afin de prêter aussitôt cette somme aux Grecs, à un taux plus élevé. Est-ce cela qu’on appelle la « solidarité européenne » ?
M. Eric Woerth, ministre français des affaires sociales (et ancien ministre du budget), a expliqué les choses le 29 avril dernier sur France Inter : « En aidant la Grèce, on s’aide nous-mêmes. Les 6 milliards [d’euros prêtés à la Grèce par la France] on ne les a pas trouvés dans les caisses de l’Etat. On les emprunte à un taux d’environ 1,4 ou 1,5 % et on les prête aux Grecs à environ 5 %. Donc nous ferons un gain là-dessus. C’est bon pour le pays, c’est bon pour la Grèce, c’est surtout bon pour la zone euro. Il faut rassurer les marchés. C’est toujours comme ça, il faut rassurer les marchés. [...] Il faut rassurer, il faut tendre un filet de sécurité public. »
C’est en effet « toujours comme ça » : on rassure « les marchés » avec « un filet de sécurité public ». Les banques le savent. A ceci près qu’elles ont obtenu, elles, des prêts publics aux taux les plus bas qui soient. Et qu’elles les ont ensuite utilisés pour proposer des crédits … à un taux sensiblement plus élevé. Ce qui a permis à leurs actionnaires et à leurs dirigeants d’empocher la différence sans prendre le moindre risque.
Ce n’était sans doute pas assez pour elles. Et on en revient à … la Grèce. Car, sous couvert d’aider ce pays, en lui infligeant une de ces « thérapies de choc » dont le FMI, pas si nouveau que ça en vérité, a le secret, il s’agit aussi de permettre à Athènes de payer ses créanciers. Au nombre desquels des institutions financières françaises et allemandes…
Les Grecs, qui vont dans certains cas perdre deux mois de salaire et payer 4 % de TVA de plus qu’en février dernier, seront-ils assez ingrats pour ne pas remercier l’Europe de les avoir ainsi « aidés » ?"
Le Monde Diplomatique, 3 mai 2010 :
"L’Europe s’apprête à « aider la Grèce » comme le Fonds monétaire international (FMI) a autrefois « aidé » l’Argentine, la Russie…
Toutefois, charité bien ordonnée commence par soi-même : la France et l’Allemagne, pour ne citer que ces deux pays, vont emprunter plusieurs milliards d’euros sur les marchés financiers, à un taux très modéré, afin de prêter aussitôt cette somme aux Grecs, à un taux plus élevé. Est-ce cela qu’on appelle la « solidarité européenne » ?
M. Eric Woerth, ministre français des affaires sociales (et ancien ministre du budget), a expliqué les choses le 29 avril dernier sur France Inter : « En aidant la Grèce, on s’aide nous-mêmes. Les 6 milliards [d’euros prêtés à la Grèce par la France] on ne les a pas trouvés dans les caisses de l’Etat. On les emprunte à un taux d’environ 1,4 ou 1,5 % et on les prête aux Grecs à environ 5 %. Donc nous ferons un gain là-dessus. C’est bon pour le pays, c’est bon pour la Grèce, c’est surtout bon pour la zone euro. Il faut rassurer les marchés. C’est toujours comme ça, il faut rassurer les marchés. [...] Il faut rassurer, il faut tendre un filet de sécurité public. »
C’est en effet « toujours comme ça » : on rassure « les marchés » avec « un filet de sécurité public ». Les banques le savent. A ceci près qu’elles ont obtenu, elles, des prêts publics aux taux les plus bas qui soient. Et qu’elles les ont ensuite utilisés pour proposer des crédits … à un taux sensiblement plus élevé. Ce qui a permis à leurs actionnaires et à leurs dirigeants d’empocher la différence sans prendre le moindre risque.
Ce n’était sans doute pas assez pour elles. Et on en revient à … la Grèce. Car, sous couvert d’aider ce pays, en lui infligeant une de ces « thérapies de choc » dont le FMI, pas si nouveau que ça en vérité, a le secret, il s’agit aussi de permettre à Athènes de payer ses créanciers. Au nombre desquels des institutions financières françaises et allemandes…
Les Grecs, qui vont dans certains cas perdre deux mois de salaire et payer 4 % de TVA de plus qu’en février dernier, seront-ils assez ingrats pour ne pas remercier l’Europe de les avoir ainsi « aidés » ?"