samedi 15 mai 2010

Jours 1102 & 1103

La banque gagne encore

Encore un excellent article de Frédéric Lordon sur son blog, la Pompe à Phynance, le 11 mai 2010 :

"Même les plus épais des commentateurs autorisés se sont aperçus que les sommes énormes péniblement assemblées pour « sauver la Grèce » sont en fait destinées à sauver… les investisseurs. Banques, fonds et autres créanciers internationaux sont en effet les heureux récipiendaires de fait de l’effort des citoyens grecs et des fonds publics européens, c’est dire tout de même que la solidarité n’est pas un vain mot et demeure une valeur sûre en ces temps troublés. [...] Or aucun État n’est jamais mort de faire défaut sur sa dette pour la simple et bonne raison que l’expression « faire faillite » n’a rigoureusement aucun sens à propos d’une entité politique souveraine – et ceci à la différence des banques privées en 2008 qui, n’eussent-elles été sauvées, étaient, elles, promises au trépas. En bonne logique si l’État ne meurt pas de défaut, ce n’est pas l’État qu’on sauve. Alors qui ? Ses créditeurs, bien sûr. [...] les banquiers mentent systématiquement à propos de leurs expositions et comme des arracheurs de dents. À l’automne 2007, on se souvient que l’état-major de la Société Générale jure ses grands dieux que « dans le pire des scénarios » elle ne risque pas plus de 200 millions de perte sur les subprime – elle finira à 2,5 milliards, astucieusement passés en douce avec le paquet Kerviel pour faire diversion et dilution. Baudoin Prot, président de BNP-Paribas a commencé par promettre qu’il n’avait quasiment pas d’exposition aux risques souverains grecs. Avant d’avouer 1 milliard d’euros. Puis cinq. Auxquels il faut rajouter trois de créances commerciales. Et ceci dit en oubliant opportunément qu’il est aussi l’heureux propriétaire de Fortis qui est la banque européenne recordwoman de la détention de titres publics grecs (à hauteur de 60 % de son actif net si l’on en croit les données publiées par le Financial Times, cet organe des rouges). [...] On pourrait tout de même tirer de tout cela quelques conclusions simples. La première tient qu’un système dont les effets sur la vie matérielle du plus grand nombre sont si grands – il faudrait le dire en anglais, ici plus parlant : far reaching – et qui, fonctionnant en dernière analyse aux forces primitives de l’opinion et de la croyance, est voué aux formes les plus aberrantes du soupçon et aux réactions les plus aberrantes qui s’en suivent nécessairement, un tel système, donc, est malfaisant, et donne par soi, de nombreuses raisons de le mettre au pas. [...] il suffit d’en tirer les conclusions logiques : s’il apparaît que du fait des propriétés très spéciales du crédit en économie de marché capitaliste le secteur bancaire est le détenteur de fait des intérêts matériels supérieurs de la communauté, et qu’il dispose des moyens objectifs de forcer la communauté à lui accorder tout ce qu’il demande, alors il doit être rendu à la communauté."