Les pieds dans le tapis de fiches
Le Monde, 22 novembre 2011 :
"Les fichiers de police sont comme les jardins : il faut les entretenir. Voilà tout le défi auquel ont bien du mal à faire face les ministères de l'intérieur et de la justice, à lire le rapport d'information des députés Delphine Batho (PS, Deux-Sèvres) et Jacques-Alain Bénisti (UMP, Val-de-Marne), déposé mercredi 21 décembre. Car le jardin est luxuriant : de 58 fichiers en 2009, on est passé à 80 en 2011, dont 45 % attendent d'être légalisés (ils n'étaient que 27 % dans l'attente en 2009). Et le nombre de personnes fichées ne cesse d'augmenter : le système de traitement des infractions constatées (STIC), grand fichier judiciaire, est passé de 3,96 millions de mis en cause en 2009 à 6,5 millions en 2011, et de 28 millions à 38 millions de victimes. Le fichier des empreintes génétiques (FNAEG), de 800 000 à 1,79 million sur la même période. [...] Autre point noir majeur, les fichiers d'antécédents judiciaires de la police et de la gendarmerie. "Les recommandations sont, à de rares exceptions près, restées lettre morte", regrettent les auteurs du rapport. Ainsi du STIC : "Le flux entrant est mieux mis à jour, juge la députée des Deux-Sèvres, mais pas l'arriéré". De nombreuses fiches erronées vont ainsi être transférées dans le nouveau fichier commun police-gendarmerie, qui doit être prochainement mis en place. [...] Il existe un bon exemple des péripéties des fichiers judiciaires et de police : le FIJAISV, fichier judiciaire automatisé des auteurs d'agressions sexuelles et violentes, créé en 2004. [...] Sept ans plus tard, le fichier réunit 54 900 personnes, qui doivent justifier régulièrement de leur adresse, en fonction de la gravité des faits. Et comme souvent avec les fichiers, les critères d'inscription ont été élargis progressivement – dans ce cas, à tous les crimes graves. Il mêle donc aujourd'hui un grand nombre de situations, que les forces de l'ordre ont le plus grand mal à hiérarchiser : elles reçoivent, par mois, 2 500 alertes de non justification de domicile des personnes inscrites au fichier. "Trop nombreuses, [les alertes] motivent insuffisamment les services locaux de police et de gendarmerie qui doivent établir la nouvelle adresse du délinquant", notent les rapporteurs."