jeudi 29 décembre 2011

Jour 1692

Une justice qui disparait dans un bruit d'écrou


"s'il est un domaine où fantasmes et contre-vérités cohabitent, c'est bien celui du crime, de la délinquance et de la peine. « Ce qui domine est la désinformation et la propagation des idées reçues, par exemple que la peine de mort peut faire reculer la criminalité ou que les taux d'homicide sont en hausse », estime Denis Salas, magistrat. Les idées reçues concernent aussi bien les auteurs d'infraction que la nature de la délinquance ou de la réponse pénale. Il n'est pas un crime médiatisé sans que ne soit brandie la figure du « monstre » à bannir de l'humanité. [...] Le sociologue Laurent Mucchielli déclenche de violentes critiques, lorsqu’il se contente de relayer les résultats d’une enquête de victimation de l’Observatoire national de la délinquance et de la réponse pénale (ONDRP), mis en place par Nicolas Sarkozy. Une enquête plus fiable que les chiffres de la police car elle inclut les faits non dénoncés. [...] Contrairement à une autre idée répandue, « on vérifie une fois de plus que les violences sexuelles les plus fréquentes surviennent au sein de la famille et non de la part d'inconnus ». Autant de résultats qui « ont tant de mal à être entendus dans le débat public. (…) Ils invitent à rechercher ailleurs que dans l'évolution de la réalité délinquante les raisons de l’importance du sentiment d’insécurité parmi nos concitoyens » [...] A écouter certains discours politiques, l’insécurité est érigée en tête des fléaux dont souffrirait la population. A en juger le baromètre mensuel de la Sofres, il apparaît que « la sécurité des biens et des personnes » arrive en fait au dixième rang des préoccupations des Français, loin derrière le « chômage et l’emploi », « la santé et la qualité des soins », « l’évolution du pouvoir d’achat », « le financement des retraites »… 24% des personnes interrogées citent la sécurité comme l’une de leurs préoccupations et 2% comme la première. Elles sont 76% à citer le chômage et l’emploi. Globalement, les questions sociales sont celles qui soulèvent le plus d’inquiétudes : le « logement », les « inégalités sociales », « l’environnement et la pollution », le « financement de l’assurance maladie » se placent avant la sécurité [...] Là se situe la dimension largement occultée des politiques pénales dites « populistes » : le contenu, les conditions d’exécution de la peine et sa finalité importent peu. Il s’agit tout juste de prononcer et d’exécuter plus de peines, plus systématiquement et plus rapidement. Une industrialisation de l’enfermement, de la surveillance électronique, dont on se demande rarement si elle pourra permettre aux auteurs d’infraction d’évoluer, personnellement et socialement, et si la sécurité en sera effectivement renforcée. Les prisons sont surpeuplées ? Les conditions de détention souvent indignes ? Les personnels pénitentiaires peu disponibles et formés à l’accompagnement des auteurs d’infraction ? La prison produit davantage de récidive que les peines et mesures alternatives ? Peu importe. Des peines sont prononcées, elles doivent être exécutées, même si cela vient aggraver la situation des condamnés, renforce leur niveau d’exclusion, leur sentiment d’humiliation… et au final la délinquance. "