On racle les fonds de chiottes
Libération, le 24 décembre 2011 :
"Jeudi, sur Europe 1, le ministre de l’Intérieur, Claude Guéant, a à nouveau cogné sur une cible qu’il affectionne tout particulièrement : les étrangers. Affirmant que «la délinquance étrangère est supérieure à la moyenne enregistrée dans notre pays», le ministre veut élargir le nombre de délits susceptibles d’être assortis d’une interdiction du territoire français. «Pour quelque temps au moins»…
Les contours de sa nouvelle trouvaille sont flous, et la mesure a peu de chance d’être adoptée avant la présidentielle. Mais elle creuse un sillon déjà bien travaillé à droite : rétablir sans le dire une forme de «double peine» (tout en jurant ses grands dieux de ne pas y toucher). Ajouter le bannissement à l’amende ou à la prison.
Une ligne en totale contradiction avec la mansuétude affichée par Nicolas Sarkozy il y a quelques années encore . En 2003, il avait aménagé la double peine (sans la supprimer, il protégeait simplement certains étrangers en fonction de leur situation familiale ou de leur ancienneté sur le territoire), y trouvant le moyen d’afficher son brevet de républicanisme : la délinquance devait être durement punie, mais de la même manière que l’on soit français ou étranger.
De cette image, Sarkozy-président ne veut plus. En juillet 2010, il annonce dans son discours de Grenoble sa volonté de déchoir de leur nationalité les tueurs de policiers d’origine étrangère. La mesure sera enterrée : profondément discriminatoire, elle choque même à droite. Puis les députés de la Droite populaire, en décembre 2010, rendent un peu plus automatique l’interdiction de territoire pour les crimes. Sarkozy ne bronche pas. Jeudi, c’était au tour du fidèle Guéant de vouloir des «mesures spécifiques contre la délinquance étrangère». Interrogé par Libération, l’entourage du ministre cherchait vendredi à temporiser : «Il s’agit juste d’ajouter des délits à la liste de ceux pour lesquels le juge peut prononcer une peine complémentaire d’interdiction du territoire.» Le message, lui, est passé."