Sonder, mais pas trop profond
Le blog Régime d'opinion du Monde Diplo, le 18 décembre 2011 :
"La célèbre formule de Georges Clemenceau — « Quand on veut enterrer un problème, on crée une commission » — mérite d’être une nouvelle fois répétée parce qu’elle est dépassée. Il semble qu’aujourd’hui, on ne se donne même plus cette peine : on enterre les commissions… Comment faut-il comprendre en effet l’abandon d’une commission d’enquête sénatoriale sur les sondages de l’Elysée ? [...] Au-delà de l’affaire, ces péripéties ont l’avantage d’attirer l’attention sur une clause dont on se demande si elle est seulement compatible avec l’existence de toute commission d’enquête. [...] J’ai par exemple essayé d’enquêter sur un push poll particulièrement intéressant puisqu’il avait permis au Figaro, quelques jours avant l’élection européenne de 2009, de titrer que Nicolas Sarkozy était populaire en Europe. Or, ce sondage était doublement manipulateur, d’une part, en ne prenant pas en compte la population nationale dans le seul cas de Nicolas Sarkozy, alors que les sondés de chaque pays pris en compte étaient interrogés sur la popularité de leur propre dirigeant, et, d’autre part, en ne corrigeant pas selon la taille des populations (l’Allemagne est par exemple deux fois plus peuplée que l’Espagne). Sans ces dispositions, la popularité de Nicolas Sarkozy passait au-dessous de 50 % et interdisait le titre du Figaro. Ce n’était donc pas « la titraille » qui était en cause, comme s’en défendait OpinionWay, mais bien le sondeur lui-même. Ce sondage n’entrait pas dans le contrôle de la Cour des comptes effectué sur l’année 2008 et révélé par son rapport du 16 juillet 2009. Pourquoi aurait-il été conçu autrement que les précédents sondages réalisés par OpinionWay, payés par Publifact, la société de Patrick Buisson, et donc par l’Elysée, et enfin publiés dans Le Figaro ? Si tel était bien le cas, cela signifie que l’Elysée finançait non seulement des sondages à la presse en toute discrétion, mais avait financé au moins un sondage délibérément… truqué. [...] par une sorte de secret défense étendu à tout ce qui concerne le président de la République, l’immunité ne sert donc pas seulement à empêcher la mise en cause pénale du président, de ses commettants et des cocontractants de l’Elysée, mais à empêcher toute transparence sur la gestion des affaires publiques et, accessoirement, à attaquer en diffamation des adversaires empêchés de se disculper par la soustraction légale des preuves."