Des bonnes résolutions pour la nouvelle année
Syndicat de la Magistrature, le 14 décembre 2011 :
"Déposé à l’Assemblée nationale le 23 novembre 2011, ce texte s’annonce comme le dernier de la législature en matière pénale – du moins peut-on le souhaiter. Présenté en conseil des ministres quelques jours après le drame ultra-médiatisé dit « du Chambon-sur-Lignon » et mis explicitement en relation avec ce dernier, il fait l’objet d’une « procédure accélérée ».
Premier constat : une nouvelle fois, le gouvernement demande au Parlement de légiférer dans l’urgence et dans un contexte propice à la surenchère répressive. La recette est éprouvée ; elle n’en demeure pas moins indigne.
Autre constante consternante : l’absence de concertation entreprise au stade de l’élaboration de ce texte. Ainsi, à aucun moment le Syndicat de la magistrature n’a été consulté par la Chancellerie sur ses orientations et dispositions, pourtant présentées comme cruciales pour notre justice et qui, de fait, visent notamment à fixer « les objectifs de l’action de l’Etat » en matière d’exécution des peines, de prévention de la récidive et de prise en charge des mineurs délinquants « pour les années 2013 à 2017 ».
Cette manière de passer en force, à l’égard tant des professionnels concernés que des assemblées parlementaires – sommées d’enregistrer précipitamment les annonces du pouvoir exécutif et singulièrement de son chef en campagne –, est le signe d’un affaissement démocratique.
L’exposé des motifs du projet de loi en porte la trace, s’agissant pour l’essentiel – au-delà de quelques poncifs sur l’efficacité de la « chaîne pénale » ou les vertus d’une sanction « certaine et rapide » – d’un pathétique exercice d’auto-satisfaction.
Ainsi le gouvernement ne craint-il pas d’affirmer – en dépit de l’échec patent et largement documenté de sa politique de sécurité – que « depuis plusieurs années, des efforts considérables ont été consentis pour assurer aux Français une protection efficace contre la délinquance », comme en témoignerait son œuvre réformatrice et notamment, dans le champ de la prévention de la récidive, les lois du 10 août 2007, du 25 février 2008 et du 10 mars 2010, dont RIEN ne permet pourtant d’affirmer qu’elles aient eu le moindre effet sur le niveau de la délinquance en général et sur celui de la récidive en particulier.
De même se félicite-t-il d’avoir mis en œuvre depuis le début de l’année 2011 – en réalité, après l’affaire dite « de Pornic »... – un « plan national de réduction des délais d’exécution des peines », dont le seul effet tangible est d’avoir conduit à l’explosion de la (sur)population carcérale.
Comment ne pas rappeler, à cet égard, la duplicité dont le garde des Sceaux a fait preuve cet été, en invitant les parquets à différer la mise à exécution de certaines peines d’emprisonnement afin de ne pas aggraver une situation pénitentiaire devenue intenable avant, quelques jours plus tard, de désavouer publiquement le procureur de Dunkerque qui s’était – sans doute un peu trop ouvertement – conformé à ses instructions ?
On touche ici au coeur du présent projet de loi : plutôt que d’amorcer une sortie de cette impasse qu’est le tout-carcéral, le gouvernement invite le Parlement à s’y fourvoyer durablement. Car, s’il fallait bien y traiter à nouveau de « la récidive » et de « la délinquance des mineurs », thèmes porteurs s’il en est, ce texte vise principalement à traduire dans la loi en le justifiant « techniquement » le discours électoraliste prononcé le 13 septembre dernier par le chef de l’Etat/candidat au centre pénitentiaire de Réau : construire, encore et toujours, des prisons, pour enfermer toujours plus de personnes, quel qu’en soit le coût pour la société et quand bien même cela ne ferait aucunement reculer « l’insécurité », tel est son objet principal."