vendredi 18 septembre 2009

Jour 862

Bienvenu au village

L'Observatoire International des Prisons, le 17 septembre 2009 :

"Saluée comme une "considérable avancée" par Jean-Paul Garraud (rapporteur de la commission des lois), l'affirmation dans la loi que "l'Administration pénitentiaire garantit à toute personne détenue le respect de sa dignité et de ses droits" se révèle à l'image de la discussion en cours, une mascarade. En effet, outre que l'article D. 189 du code de procédure pénale prévoit déjà que le "service public pénitentiaire assure le respect de la dignité inhérente à la personne humaine", l'affirmation contenue dans le projet de loi apparaît purement déclamatoire dès lors qu'elle est suivie de deux phrases qui en annihilent toute la portée : "L'exercice de ceux-ci ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles résultant des contraintes inhérentes à la détention, du maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements, de la prévention de la récidive et de la protection de l'intérêt des victimes. Ces restrictions tiennent compte de l'âge, de l'état de santé, du handicap et de la personnalité de la personne détenue." Comme l'avait déploré la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH), est ainsi privilégiée "la consécration des restrictions aux droits en tant que principes à celles des droits eux-mêmes". Ce faisant, le projet de loi "consacre dans le cadre d'une réforme à droit constant la possibilité laissée à l'administration pénitentiaire de restreindre de manière discrétionnaire les droits des personnes détenues". Un pouvoir d'autant plus discrétionnaire que la "personnalité" des détenus est considérée comme un critère désormais valable pour autoriser l'administration à restreindre l'exercice des droits. Comme si cela ne suffisait pas; le chapitre censé consacrer au sein de la loi les droits des personnes détenues est désormais rebaptisé "des devoirs et des droits des personnes détenues" à l'initiative du député Christian Vanneste (UMP), qui en a appelé à la Constitution de l'An III. Outre ce dernier texte, qui a assurément marqué une étape décisive dans la définition des rapports entre l'individu et l'Etat public ("Nul n'est bon citoyen s'il n'est bon fils, bon père, bon ami, bon époux"), la majorité aurait également pu convoquer utilement la Constitution soviétique promulguée par Staline le 5 décembre 1936, qui, de la même manière, tempère immédiatement les droits qu'elle proclame par l'affirmation des devoirs des citoyens. Ce "glissement sémantique et symbolique", ainsi que l'a noté le député Jean-jacques Urvoas (PS), témoigne de l'incapacité de la réforme portée par le gouvernement à affirmer la personne privée de liberté comme un sujet de droit."