Lu sur le site de Bellaciao :
"Culture - 21/09/2007 : La politique culturelle inquiète de plus en plus les milieux théâtraux
Directeur de théâtre tancé pour un éditorial jugé hostile à Nicolas Sarkozy, menace d’une attribution des subventions liée à la "popularité" des spectacles : les milieux théâtraux s’inquiètent des intentions et des récentes prises de position du ministère de la Culture et de l’Elysée.
L’incompréhension ne cesse de monter entre les professionnels du spectacle vivant et la Rue de Valois depuis qu’une lettre de la ministre de la Culture Christine Albanel au directeur d’une scène nationale a été rendue publique, début septembre.
En des termes inhabituellement vifs entre un ministre et un directeur de théâtre, Christine Albanel reprochait à Henri Taquet, patron du Granit à Belfort, un éditorial "particulièrement déplacé" à l’encontre du chef de l’Etat.
"Profondément choquée" par un texte en forme de commentaire ironique de l’élection de Nicolas Sarkozy, la ministre soulignait qu’"un théâtre investi d’une mission de service public et financé par l’Etat et les autres collectivités doit à son public le respect des choix et des opinions démocratiquement exprimés".
La riposte ne s’est pas fait attendre.
"Est-ce qu’on n’a plus le droit à l’irrévérence ?", s’est demandé Henri Taquet, immédiatement soutenu par le syndicat Syndeac (environ 250 patrons de structures subventionnées), selon lequel "la production éditoriale d’un théâtre est un espace de liberté, de pensée, de critique, qui ne saurait souffrir aucune exception".
Animant internet et notamment le blog d’Ariane Mnouchkine, qui aurait aimé "avoir écrit" le texte incriminé, l’affaire a aussi fait réagir le Syndicat de la critique de théâtre, de musique et de danse (150 journalistes), qui a dénoncé "des réactions politiques d’une dimension que l’on croyait, en France, d’un autre âge ou d’une autre géographie".
L’inquiétude est d’autant plus vive que "l’affaire de l’édito de Belfort", comme l’appelle le syndicat de la critique, s’est télescopée avec les interrogations nées de la lettre de mission adressée cet été à Christine Albanel.
L’Elysée et Matignon y demandaient à la ministre "d’exiger de chaque structure subventionnée qu’elle rende compte de son action et de la popularité de ses interventions", et "de fixer (à ces structures) des obligations de résultats".
Christine Albanel a pour sa part assuré que "ça ne veut pas dire qu’on va faire la programmation des théâtres privés parisiens".
Mais les partisans d’une offre audacieuse s’insurgent, à l’image du metteur en scène Didier Bezace, directeur du Théâtre de la Commune (centre dramatique national) à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), et acteur de cinéma et de télévision peu suspect d’élitisme.
"Placer l’audimat comme critère absolu d’une politique culturelle, c’est prendre les spectateurs pour des immatures. Le théâtre populaire, ce n’est pas TF1", estime-t-il dans une tribune publiée par le Journal du Dimanche.
De son côté, la ministre met en garde contre tout "procès d’intention" et rappelle qu’"il n’y a rien de comparable en Europe à la politique française de soutien au spectacle vivant", irriguée par plus de 1.200 compagnies subventionnées.
Au-delà de la polémique, les professionnels du spectacle craignent des coupes dans le budget 2008 de la Culture, présenté le 26 septembre. Sur ce sujet, les doutes n’épargnent aucune institution publique, pas même les cinq théâtres nationaux (Comédie-Française, Chaillot, Odéon, La Colline à Paris, TNS à Strasbourg), selon une source proche de l’une de ces institutions. "