dimanche 29 juillet 2007

Jours 83 et 84

Le meilleur des mondes

Dans le journal du dimanche du 29 juillet, Jean-Lou Borloo nous expose ses projets dont l'indigence intellectuelle n'a d'égale que celle d'une pub pour un shampoing Ushuïa :

"La croissance verte, qui ne lèse pas les générations futures, c'est possible. Les experts prédisent que des mesures ambitieuses permettraient de la doper de 1,5 point. Mais c'est aussi une bataille éthique et morale, le développement durable, c'est les droits de l'homme du XXIe siècle ! Pour formaliser ce formidable élan, je compte demander à l'Académie française de rédiger, en collaboration avec d'autres institutions culturelles dans le monde entier, une "Déclaration des droits de l'homme et du développement durable."

Donnons la parole à un professeur d'économie, qui a également travaillé pour la Banque Mondiale en tant que Senior Economist in the Environment Department. Certes il n'a pas été l'avocat d'affaires de Bernard Tapie comme Jean-Lou, mais bon... voici Herman E. DALY (je recommande de lire la totalité de l'article).

La thèse de m. Daly est la suivante : le système économique fait partie d'un système plus large et qui l'englobe : l'écosystème. Et l'économie "prend de la matière et de l'énergie dans l'écosystème et rejette des déchets matériels et énergétiques dans ce même écosystème. On commence avec de la consommation, on termine avec de la pollution. On ne peut pas plus éviter cela que de manger et de produire des déchets."

Pour ceux qui imagine Herman Daly en dangereux hippie, il précise que "Il n'est pas juste de dire que les économistes pensent que nos ressources sont illimitées. Ce qu'ils pensent en revanche c'est que la croissance de leur valeur est illimitée. Mais même si la valeur n'est pas réductible à sa dimension matérielle elle n'en est pas indépendante."

Ce qui l'amène bien entendu à s'interroger sur la croissance. Il constate qu'en microéconomie, à partir d'un certain point, la croissance cesse d'être rentable, par exemple :

  • Un ouvrier (c'est-à-dire un type élémentaire de producteur) produit des jouets à partir de matériaux de récupération qui ne lui coûtent rien.

  • Son salaire horaire est de 10, et le prix des jouets qu'il fabrique est 6.

  • La première heure, il produit 3 jouets.

  • La deuxième heure, il fatigue et n'en produit que 2.

  • Enfin, la troisième heure, il est épuisé, et parvient juste à en produire un seul.

  • On remarque que la productivité marginale est décroissante, c'est-à-dire qu'il est de plus en plus long et coûteux de produire une unité supplémentaire. (source: PISE).
Ce point est ignoré en macroéconomie où la croissance est supposée être infinie. La thése économique dominante est résumée ainsi par Herman Daly dans cette interview :

"La solutions a tous les problèmes économiques a été la croissance. Si vous êtes pauvre, la solution c'est la croissance. Si vous avez du chômage il faut augmenter les investissements qui débouche sur de la croissance. La surpopulation ? Si il y a suffisamment de croissance les gens ferons moins d'enfants. La mauvaise répartition des richesses ? C'est parce qu'il n'y en a pas assez, ce serait plus simple de diviser un gros gâteau qu'un petit."

Supposée apporté une solution a l'ensemble de ces problèmes, une critique de la croissance est donc, dans l'état d'esprit actuel, une hérésie, et pour cause :

"Enlevez la croissance et vous allez devoir envisager des solutions radicales. Les hommes politiques ne veulent pas le faire et le public n'est pas prêt à les soutenir dans cet effort"

Pourtant il faudra bien se rendre à l'évidence, une fois reconnu le fait que le système économique fait parti d'un système plus large, l'écosystème il apparait que :

"cela voudrait dire qu'il y a des limites, nous n'allons pas pouvoir croître éternellement"

Après six ans de bons et loyaux services il a prononcé ces mots au cours de son discours d'adieu devant ses anciens collègues de la banque mondiale et la presse :

"Je succombe sans retenue à la tentation de pontifier et de prescrire quelques remèdes aux infirmités de la Banque [mondiale]. Je propose deux types de prescriptions, internes et externes. Tout d'abord des antacides et des laxatifs afin de soigner une combinaison de flatulence manageriale et une constipation organisationnelle qui produisent un environnement sous tension. Ensuite, afin d'améliorer les rapports avec le monde extérieur, je prescrirais de nouvelles lunettes ainsi qu'une aide auditive"

Si le médecin traitant de Jean-Lou lit ses lignes...