Sur l'excellent site des Actualités de la recherche en histoire visuelle de l'EHESS :
"Car la question n'est pas du jour de l'annonce, mais bien de la patiente mise au point d'une figure inédite sous la Ve République, celle du divorce d'Etat. Un obstacle majeur transformé par Cécilia Sarkozy en couronnement moderniste.
C'est aujourd'hui la couverture de Elle qui nous dit tout. Que la séquence de la divulgation était préparée de longue date, comme la séance photo avec Philippe Warrin le 11 octobre dernier. Qu'il a fallu accélérer un peu les choses à la dernière minute: la date de sortie de l'hebdo était prévue pour lundi (le scénario initial reposait peut-être sur l'hypothèse d'une coupe du monde de rugby gagnée par la France). Et que c'est bien Elle qui est, depuis le début, le maître d'oeuvre d'une figure ciselée avec autant d'art que les principaux rendez-vous de la campagne victorieuse de son ex-mari.
Je garde précieusement l'enregistrement du 20 heures de France 2 du jeudi 18 octobre. Ce contributeur essentiel de l'histoire officielle du régime nous a gratifié d'une magnifique constitution de récit, que seuls les historiens peuvent apprécier à sa juste valeur. Qu'y avons-nous vu? Des images que nous connaissions bien. Nicolas et Cécilia au ministère de l'Intérieur, la Guyane, la campagne présidentielle, l'intronisation en famille, le G8, les infirmières bulgares, etc. Les mêmes images. Mais avec une autre légende. Un récit retourné comme un gant. Le spectacle d'un dissensus grandissant, manifeste à toutes les étapes, qui nous aurait fait tomber de notre chaise si on nous l'avait livré tel quel. Mais qui, posé sur ces images familières, semblait en lisser et comme en préciser une signification sous-entendue depuis longtemps.
Du grand art. Vu sous cet angle, l'accident familial qui représentait hier encore un risque majeur pour un responsable politique devient un gage de modernité, une manifestation de transparence, un signe de modestie et d'acceptation du destin. Pour un peu, une obligation bienvenue. A tous ceux qui pensent qu'une telle lecture s'impose d'elle-même, on rappellera les dégâts causés à l'image de Ségolène Royal comme à celle de François Hollande par les aléas d'une divulgation bien plus chaotique, dans son timing, son schéma interprétatif ou ses rebonds médiatiques."